25 août 2012
France: la foi renaît, les fidèles renaîtront?
La situation de la foi en France peut sembler paradoxale. Comment est-il possible qu’un pays dont le clergé est en contraction et dont les "groupements de paroisses" soient géographiquement de plus en plus répandus, notamment à la campagne, connaisse aujourd’hui une transmission évangélique florissante sur le plan culturel, éducatif ou au moyen d’innombrables initiatives associatives?
Parmi les leaders d’opinion et les érudits, une hypothèse bien symbolisée prévaut maintenant, en cet été olympique, à partir du scintillement du plongeur qui monte du bas avec un élan égal à celui de la plongée. Après soixante-huit et jusque dans les années quatre-vingt-dix, la France s'est efforcée d'éradiquer le christianisme: pensez aux universités ou aux médias, où la colonisation marxiste a conduit à l'expulsion des propositions et des interprétations chrétiennes. Mais le chapeau de plomb a maintenant été évité et la culture française a retrouvé, souvent avec un enthousiasme sincère, son ancienne âme catholique.
Parmi les "immortels" de l'Académie française, le plus prestigieux cénacle intellectuel, on trouve aujourd'hui surtout des fidèles tels que René Girard, Michel Serres, Marc Fumaroli, Jean-Luc Marion, Max Gallo et Jean d'Ormesson. Et sous la Coupole, siège également Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême. Mais même dans la chambre haute en compétition, l'Académie Goncourt, qui décerne le prix éponyme, distingue deux catholiques tels que Michel Tournier et Didier Decoin. Parmi la jeune génération, les critiques exaltent des auteurs tels que le poète Christian Bobin, Sylvie Germain, l’incandescence Fabrice Hadjadj ou encore Alexis Jenni, lauréat du dernier premier film de Goncourt. Et les exemples pourraient continuer encore et encore, en considérant la nouvelle génération d'essais croyants.
Le premier festival de théâtre, celui d'Avignon, vient d'être confié au dramaturge aux multiples facettes, Olivier Py, dont le travail est imprégné de références évangéliques. Et sur le plan cinématographique, des stars telles que Juliette Binoche, Gérard Depardieu ou Anouk Aimée sont heureuses d’exprimer leur foi. Dans ce contexte, surtout, la queue lumineuse laissée par Les hommes de Dieu, le film sur le témoignage spirituel des moines de Tibhirine , dont le succès gigantesque, bien plus énigmatique pour un film d'auteur, est devenu un "cas" ne ternit pas qui a remporté la couverture des hebdomadaires et l'attention des sociologues. Parmi les nombreux exemples de musique pop émergente, on peut citer l'intense Camille.
Parallèlement à la vivacité du débat théologique, les revues intellectuelles Études , des Jésuites et Esprit , fondées par le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier, ainsi que les publications dominicaines des Editions du Cerf , témoignent d'un prestige insurpassable . Ce n'est pas un détail si le journal le plus lu du pays, Ouest France (800 000 exemplaires), est fièrement fidèle à la doctrine sociale de l'Église. De plus, à Paris, peu de centres culturels connaissent le succès du Collège des Bernardins, recherché par le regretté cardinal Jean-Marie Lustiger.
À l'inverse, l'écho des écrits anticléricaux semble s'estomper. Le même succès de l'essayiste Michel Onfray ressemble déjà à un éclair. express, le premier hebdomadaire faisant autorité en matière d’information, vient de se moquer du soi-disant "athéologue" en observant que même les athées les plus endurcis pourraient finir par croire que "les livres de Michel Onfray sont vraiment trop pauvres".
Au niveau associatif et caritatif, la constellation catholique continue donc à se développer. Il suffit de rappeler le riche héritage d’oeuvres et d’initiatives laissées par l’abbé Pierre et sœur Emmanuelle, les deux religieuses longtemps en tête de la liste des Français les plus aimés et les plus populaires. Et il est également très symptomatique que les écoles privées catholiques ne puissent plus répondre aux demandes. En augmentation constante depuis des années, le nombre de membres dépasse largement les 2 millions.
Mais cette nouvelle effervescence sociale et culturelle sera-t-elle un viatique pour les vocations et pour une redécouverte des sacrements, ainsi que pour une réduction de la laïcité de l' État, encore souvent hostile au fait religieux? Cela semble être la grande inconnue de l’équation française, compte tenu également du retour au pouvoir des socialistes conduits par le président François Hollande: un retour qui suscite des craintes bien comprises, surtout sur le front éthique, en raison de tentations évidentes de "zapatéristes".
Dans les paroisses, la pastorale est également assurée par l’arrivée généreuse de centaines de jeunes prêtres et séminaristes étrangers, originaires pour la plupart d’Afrique francophone ou de pays européens comme la Pologne. La contribution d'environ 10 000 laïcs qui ont officiellement accepté un mandat de leur propre évêque est maintenant décisive. Et pour les fidèles, ces jours-ci, la méditation de sainte Thérèse de Lisieux résonne encore plus fort, puis reprise par Bernanos pour clôturer son journal d'un curé de campagne: "Qu'importe? Tout est grâce ".
Une histoire de conversion qui vient de Nogent le Roi, ville de la vallée de l'Eure, affluent de la Seine. L’histoire de Yann, 39 ans, ouvrier qui est resté longtemps insensible à la foi qui a inondé la région pendant des siècles. Un homme connu jusqu'à l'été dernier comme dur et imprévisible. Même craint, avec son chien en laisse. Pourtant, quelques semaines ont suffi à transformer Yann en un être cher des fidèles de Nogent. Et maintenant qu'il n'est plus là, on se souvient de son nom avec une émotion spéciale.
Fumeur têtu, Yann est décédé d'un cancer du poumon le 29 octobre, après le troisième anniversaire de Mélody, né de l'union avec Marylène. L'admission soudaine de Dreux ne l'a pas découragé dans son désir soudain et écrasant de se réconcilier avec le ciel. Grâce au père Edouard, jeune curé de la localité, et au soutien personnel de Mgr Michel Pansard, évêque de Chartres, Yann a été baptisé et a reçu les autres sacrements, dont son mariage avec Marylène.
«Ses sourires et son visage radieux, au moment des cérémonies, m'ont donné quelque chose d'unique. En fin de compte, c’était un homme en paix - sa femme raconte - que sa foi était déjà née à la mort de sa mère, car il voulait être sûr de l’atteindre ".
Mais si Yann a tant reçu, il a également réussi à donner beaucoup in extremis. Pour le père Edouard, "il s’est totalement abandonné à Dieu et a appris à aimer à l’hôpital. En tant que rebelle, il est devenu un agneau. Le jour du mariage, le couloir s'est rempli de façon inattendue de paroissiens, de parents et du personnel de l'hôpital. Même sans voix, il m'a demandé de prier. Il m'a dit de ses yeux doux: "J'ai l'impression de voir Jésus". Dans ses mots, il y avait un mélange d'émotion, de beauté et de gravité ».
Ce n'est que l'un des murmures infinis de la foi dans la «France profonde» de ces dernières années, liée à la nouvelle évangélisation. Le père Edouard et les autres religieux de Nogent appartiennent en fait à la communauté de San Martino, fondée dans les années 1970 en Italie, à Gênes, et active dans la promotion de l'évangélisation dans les districts transalpins.
L'année de la foi est un beau cadeau pour la France et pour toute l'Église. Nous avons déjà vécu une année de sacerdoce extraordinaire, avec l'impression, à Lyon, d'être pendant une année comme la banlieue d'Ars. L'année de la foi nous permettra d'approfondir le credo et d'en apprendre davantage sur le catéchisme de l'Église catholique. C’est ce que le pape a voulu faire l’année dernière avec les jeunes, aux JMJ de Madrid, en leur offrant Youcat ». Le cardinal Philippe Barbarin, primat des Gaules en tant qu'archevêque de Lyon, est connu pour son engagement en faveur du dialogue œcuménique et interreligieux, mais également pour l'écho particulier de ses interventions sur la scène nationale. La semaine dernière, Figaro il a ouvert la première page avec un appel de l'évêque joué comme un avertissement à toute la classe politique: "Nous ne devons pas fausser le mariage".
Cela rappelle une histoire très riche dont nous devons nous souvenir et pour laquelle nous devons rendre grâce à Dieu, mais faisons attention à ne pas nous laisser envahir par le passé, même s'il est merveilleux. Le Seigneur nous attend dans le présent et le futur. Lyon, par exemple, se souvient de ses martyrs du IIe siècle, devenus une source d'évangélisation en Gaule et en Europe du Nord. Mais souvenons-nous que le mot grec martyr signifie témoin. Ce point initial impressionnant de notre Église nous amène à poser une question essentielle: "Sommes-nous les serviteurs et les témoins du Seigneur?"
En France nous avons beaucoup de chance. Les étrangers me confient leur admiration pour les nombreuses initiatives toniques de la nouvelle évangélisation. Nous avons des écoles théologiques et des mouvements spirituels très vitaux et audacieux. Pensons au nouveau studium de Notre-Dame de Vie, Venasque, ou à celui de la faculté Notre-Dame à Paris, ou à la renaissance des dominicains à Toulouse. Nous connaissons un développement impressionnant des nouvelles communautés, similaire à celui du Brésil. Certains, comme Emmanuel et Chemin Neuf, ont déjà près de 40 ans d'expérience. On peut aussi évoquer les innombrables innovations missionnaires, à travers la musique et les concerts ou les nouveaux sites Internet d'évangélisation. Dans mon diocèse, nous vivons la belle expérience des "Laboratoires de la foi",
Dans un sens, nous sommes actuellement très pauvres, car des parties entières se sont effondrées: de nombreux monastères et séminaires ont été fermés. Le clergé vieillit et cela cause de réelles souffrances, parfois même une certaine déstabilisation de nos communautés. Chaque année, à Lyon, je commande deux ou trois prêtres et une vingtaine meurent. Dans le même temps, nous constatons un réel dynamisme, une vitalité surprenante. Je ne voudrais pas être un optimiste naïf, ni un pessimiste sombre. Il existe des situations alarmantes dans de nombreux diocèses et des forces de renouvellement partout.
Nous avons la liberté de parole et le devoir de nous exprimer pour le bien de la société, en particulier dans cette phase de doute sur l'avenir de notre civilisation. Parfois, j'ai l'impression que notre démocratie coupe l'arbre sur lequel elle vit. En France, nous avons vu le pouvoir perdre la tête quand il est devenu une "monarchie absolue" et nous avons commencé à parler d'un "roi soleil". J'espère que nous n'entrerons pas dans une ère de "démocratie absolue", en oubliant que toutes les formes de pouvoir sont faites principalement pour servir. On dit souvent que la démocratie est "le moins mauvais régime". En essayant d'écouter et de respecter le bien de tous, un parlement doit voter pour une loi de finances et légiférer. Mais si vous revendiquez le droit de changer les fondements de la société, c’est-à-dire que si vous prenez pour le bon Dieu, nous sommes en danger. Même un parlement peut mener un pays dans l'abîme. Il est toujours difficile de rester humble au pouvoir.
La France vit les séquelles d'un vieux conflit. Avec la loi de séparation de 1905, l'État s'engage à garantir la liberté de culte et confie la responsabilité financière de l'Église aux croyants. Cela honore les catholiques: la formation d'un séminariste coûte 20 000 euros par an. Le problème est que derrière le mot laïcité, il y a souvent une certaine haine de la religion. Par conséquent, une République laïque, oui, mais une mentalité laïciste ne l’est pas. L'ancien président de la République avait promu une "laïcité positive", ce qui prouve bien que ce n'est pas spontané. En règle générale, ce mot ne devrait pas nécessiter d'adjectifs. Mais en réalité, la France est toujours tiraillée entre deux vieux courants: respecter la religion ou la combattre.