“CHEMIN FAISANT, PROCLAMEZ QUE LE
ROYAUME DES CIEUX EST TOUT PROCHE” (Mt 10,7)
Présentation de la Région Amérique latine - Cône Sud
1.
SITUATION CULTURELLE, SOCIALE ET RELIGIEUSE ACTUELLE. 2. LES DÉBUTS DE LA PRÉSENCE SALÉSIENNE. 2.1 Argentine. - En
Patagonie. 2.2 Uruguay. 2.3 Brésil. 2.4 Chili. - La Préfecture
Apostolique de Punta Arenas. 2.5 Paraguay. 3. LA PRÉSENCE
SALÉSIENNE. 3.1 Vie religieuse. - Vocation et vocations.
3.2 Vie fraternelle des communautés. 3.3 Mission salésienne.
- Secteur des Ecoles - Ecoles Agricoles et Centres de Formation
Professionnelle. - Secteur de la Marginalisation. - Secteur
des Paroisses. - Services d’Eglise. - Participation et formation des
laïcs. 3.4 Formation Initiale et Formation Permanente. - Formation
Initiale. - Formation Permanente. 3.5 Famille Salésienne.
3.6 Communication Sociale. 3.7 Animation Missionnaire. 4.
IMPORTANCE DE LA RÉGION AMÉRIQUE LATINE - CÔNE SUD POUR L’ŒUVRE SALÉSIENNE
EN AMÉRIQUE ET DANS LE MONDE. - La sainteté dans la Région Cône Sud.
- Le travail social des Salésiens dans la Région. - Contribution
des Salésiens pour la science. - Les institutions universitaires.
5. DÉFIS ET PERSPECTIVES D’AVENIR. 5.1 Les défis. 5.2
Les perspectives. Conclusion.
8 Septembre 2005
Nativité
de la B.V. Marie
Très
chers confrères,
Je vous écris cette lettre avec l’affection de toujours et
avec un vif espoir : celui de vous rejoindre tous, où que vous puissiez
vous trouver. Je voudrais me rendre présent dans les contextes les plus
divers et dans les situations les plus variées où vous vivez et où vous
réalisez le programme missionnaire de Jésus : annoncer le Royaume, qui
n’est pas une autre réalité que celle de Dieu lui-même dans sa volonté
de venir à notre rencontre, et le construire à travers des œuvres qui
le rendent présent et crédible : “guérir les malades, ressusciter
les morts, purifier les lépreux et chasser les démons” (cf. Mt
10,8).
Dès la première expédition missionnaire, notre aimé Père Don Bosco a voulu
répondre à la compassion de Jésus devant les foules, décrites comme des “foules
sans berger”. Et lui-même qui, dans les années du Convitto Ecclesiastico,
avait aussi caressé le rêve d’être missionnaire, devint le fondateur d’une
Congrégation missionnaire. Un an à peine après l’approbation des Constitutions,
Don Bosco entreprit l’épopée de l’Amérique en envoyant ses premiers missionnaires,
qui portèrent, avec l’annonce du Royaume, l’Evangile salésien de la joie,
de l’espérance et de la vie.
En continuant la présentation des Régions Salésiennes, dans cette lettre
je veux mettre en lumière pour vous la Région Amérique latine – Cône Sud.
Constituée pendant le CG 24, elle comprend un groupe de cinq nations (Argentine,
Uruguay, Brésil, Chili et Paraguay) qui, même dans leur histoire civile, ont
eu entre elles un rapport très étroit.
1. SITUATION CULTURELLE, SOCIALE ET
RELIGIEUSE ACTUELLE
Pour situer la présence salésienne dans cette Région du Cône
Sud il me semble opportun de vous présenter un cadre général de la situation
des Pays qui la composent. Il convient de dire aussitôt qu’il ne s’agit pas
exactement du contexte que trouvèrent les premiers missionnaires salésiens.
De nos jours la situation est très changée ; dans cette partie du continent
américain vivent environ 248 millions d’habitants : l’Argentine compte 38
millions, le Brésil 184 millions, le Chili 16 millions, le Paraguay 6 millions
et l’Uruguay 3,5 millions.
Au niveau des ressources matérielles ce sont tous des Pays riches,
mais une organisation économique défectueuse fait que peuvent vivre côte
à côte, à courte distance et dans un même contexte, le prétendu Premier
Monde, celui des riches ultramilliardaires, et le Tiers-Monde, celui des
favelas, habitées par des familles et des groupes sociaux placés en marge
de la société.
Sur
le plan économique et social il ne s’est pas fait de grands progrès, car la
politique marquée de néolibéralisme se heurte de plein front contre les solennelles
déclarations des droits de l’homme. La politique du néolibéralisme a conduit
à une accentuation de la polarisation sociale entre pauvres et riches, sans
une distribution équitable du revenu ; au contraire, elle a créé d’une part
la concentration du revenu en faveur d’une étroite couche sociale et, d’autre
part, elle a réduit ou même porté à zéro la dépense sociale, provoquant en
conséquence la marginalisation et l’appauvrissement en nombre croissant de
couches de travailleurs, l’augmentation du chômage, la création des favelas
dans les villes, la faim et la misère dans la campagne. On a eu ainsi le phénomène
de l’augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents qui dans la rue demandent
l’aumône, se débrouillent au moyen de petites activités commerciales ou tombent
dans la délinquance. A cela s’ajoute la très pesante dette à l’intérieur comme
à l’extérieur, qui vient conditionner fortement n’importe quel investissement
en vue de projets sociaux ou de projets d’infrastructure.
Le manque d’une politique agricole a encouragé l’exode rural, en donnant
ainsi naissance à un phénomène massif d’urbanisation, dont le premier résultat
est l’augmentation de la pauvreté dans les zones périphériques des villes.
Le système éducatif perd chaque année un nombre considérable d’enfants et
de jeunes, qui n’achèvent pas les cycles de l’obligation scolaire. L’exclusion
hors de l’école contribue ainsi à augmenter le chômage et la délinquance juvénile.
L’exploitation des jeunes enfants se manifeste dans l’implication de mineurs
dans le monde du travail ou dans des activités criminelles et illicites, telles
que l’écoulement de la drogue, la prostitution, les vols.
Les pays de la Région ont encore une
grande tradition catholique, avec de fortes expressions de religiosité populaire.
L’Eglise Catholique jouit d’un grand prestige : elle est une des institutions
qui inspirent la plus grande confiance à l’opinion publique, parce qu’elle
se présente avec une profonde insertion dans le contexte social. Elle vit
et partage dans la souffrance la situation des gens. L’Uruguay est l’unique
pays qui présente une attitude en contraste avec cette perspective. En effet,
la prétendue liberté religieuse est surtout une déclaration de principe, tandis
que les positions de l’Etat apparaissent clairement areligieuses et subtilement
anticléricales.
On devrait dire enfin que, ces dernières années, toute cette zone de l’Amérique
a subi l’attaque d’un fort mouvement de sécularisation. A noter également
qu’historiquement le nombre de prêtres a toujours été insuffisant et que les
laïcs furent et sont encore aujourd’hui une force précieuse dans le domaine
de l’évangélisation et pour le maintien de la foi.
2. LES DÉBUTS DE LA PRÉSENCE SALÉSIENNE
Don Bosco a choisi ces terres, non par hasard, mais comme lieu que la Providence
avait indiqué pour la première expérience missionnaire de la Congrégation
Salésienne. Les Salésiens, de leur côté, ont toujours considéré la Patagonie
comme la “terre promise” par Dieu à Don Bosco, en rappelant comment lui-même
vit, dans le rêve de 1871 ou 1872, les missionnaires salésiens qui, par l’intermédiaire
des garçons qui leur étaient confiés, obtenaient la conversion des peuples
de la Patagonie
[1] .
En 1875, un an après l’approbation des Constitutions, Don Bosco envoyait
ses Salésiens en Argentine, sous la direction de l’un de ses fils bien-aimés,
Don Jean Cagliero
[2] . Don Bosco aima cette terre au point de l’appeler “sa seconde patrie”.
En 1876, ce fut le tour de l’Uruguay. Une expédition missionnaire, guidée
par Don Louis Lasagna fondait la Maison de Villa Colón. De l’Uruguay les Salésiens
se portèrent au Brésil en 1883, et au Paraguay en 1896.
Entre-temps les Salésiens étaient arrivés au Chili en 1887, année où fut
fondée la maison de Concepción. Lui fit suite en 1888 la maison de Talca.
En 1891, avec l’acceptation de l’œuvre de “La Gratitud Nacional” (Santiago),
se consolida la présence salésienne dans ce pays.
A un développement aussi rapide contribua le fait que la presse française,
qui était très lue dans les pays nommés ci-dessus, parlait beaucoup de Don
Bosco. A remarquer d’autre part la bienveillance de nombreux Evêques, parmi
lesquels Mgr Federico Aneyros, Archevêque de Buenos Aires, le Serviteur de
Dieu Mgr Jacinto Vera, Evêque de Montevideo, Mgr Pedro Maria de Lacerda, Evêque
de Rio de Janeiro. A également revêtu une grande importance l’appui des Conférences
St-Vincent-de-Paul, qui portaient beaucoup d’intérêt à l’éducation des jeunes
pauvres et abandonnés.
Par ailleurs le Bulletin Salésien et les Lectures Catholiques, en plus d’autres
revues éditées par les Salésiens, répandirent partout la connaissance de Don
Bosco, de son système éducatif et l’intérêt pour secourir la jeunesse pauvre
et abandonnée.
2.1
Argentine
Arrivés en Argentine, à Buenos Aires et à San Nicolás de los
Arroyos, les Salésiens se mirent avec dévouement à la suite de la colonie
italienne, en se conformant aux recommandations de Don Bosco.
Constituant une véritable bénédiction pour ces pauvres immigrés, les
Salésiens ne trouvèrent pas toujours la compréhension du clergé et de
la société de Buenos Aires. Avec l’acquisition du terrain et de la
Maison d’Almagro, les Salésiens entrèrent en possession d’un lieu qui
était leur propriété. Bien vite ils commencèrent une campagne de
catéchèse sur une grande échelle, introduisirent les concours
catéchétiques et firent imprimer 800 mille exemplaires du catéchisme
diocésain. En 1882 on organisa la Pieuse Union des Coopérateurs ; en
1888, en mémoire de Don Bosco, on fonda l’Œuvre de Marie Auxiliatrice
pour les vocations. Sous le Provincialat de Don Jacques Costamagna les
œuvres salésiennes arrivèrent à l’intérieur de la République. Avec
l’école agricole d’Uribelarrea, les Salésiens s’ouvrirent aux fils des
‘campesinos’ [paysans à la vie rude]. Entre-temps, en 1879 étaient
arrivées en Argentine les Filles de Marie Auxiliatrice, qui vite se
répandirent en diverses parties de la République.
Pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l’arrivée des Salésiens
eut lieu à Buenos Aires le Second Congrès International des Coopérateurs Salésiens,
en novembre 1900. Don Paul Albera présida le Congrès au nom de Don Rua. Y
prirent part six Evêques et les Provinciaux de l’Argentine, de l’Uruguay,
du Paraguay et du Brésil. La dédicace à Jésus Rédempteur et à Marie Auxiliatrice
de l’Eglise St-Charles d’Almagro et la fondation de l’Ecole Jésus Rédempteur,
pour les orphelins de Don Bosco, à Maldonado furent les fruits du Congrès.
Pour ce qui concernait la Congrégation, on réalisa également le Premier
Chapitre Salésien Américain, avec la participation des Provinciaux de
l’Argentine, de l’Uruguay, du Sud du Brésil et du Mato Grosso. Il fut
présidé par Don Paul Albera. Les thèmes traités concernaient
l’observance religieuse, la formation, le système éducatif de Don
Bosco, l’économie, les liens avec les FMA, les oratoires, les
cérémonies, la musique et les compagnies religieuses. “Cette année-là –
écrivit don Joseph Vespignani – on remarqua chez nous tous un réveil
d’affection et d’esprit salésien”.
Pour le centenaire de la naissance de Don Bosco (1915), l’Archevêque de Buenos
Aires publia une lettre pastorale dans laquelle il faisait une belle description
de l’action des Salésiens et des FMA qui travaillaient dans le pays. Il présentait
le nombre global des jeunes des deux sexes qui étaient éduqués “avec une méthode
et avec le même esprit de charité active et patiente que le sage Fondateur
sut imprimer dans son œuvre providentielle”. Il considérait les Salésiens,
disait-il, comme “une nouvelle manifestation du pouvoir et de la bonté de
Marie Auxiliatrice pour sauver la société”.
En cette même année furent fondés les “Exploradores Don Bosco”, un mouvement
pour jeunes né de la clairvoyance de don Vespignani, à l’image des Boy-Scouts
de Baden Powell, mais avec une claire orientation chrétienne et salésienne.
Avec le temps, ils arrivèrent à réaliser de véritables missions dans diverses
villes de la République argentine. En 1940 les “Exploradores Don Bosco” arrivèrent
à 45 bataillons. En 1980 ils arrivaient à 65, avec 9 000 jeunes chez les Salésiens,
auxquels il faut ajouter les 15 équipes, avec 2 000 membres, des collèges
des FMA.
Un effort mérite une mention particulière : c’est celui qu’ont accompli
les Salésiens, et parmi tous en premier le P. Aquiles Pedrolini, pour répandre
la dévotion à Marie Auxiliatrice en Argentine. A Rodeo del Medio on construisit
en son honneur un sanctuaire, qui devint le but de nombreux pèlerinages. Le
8 octobre 1916, l’Evêque de Cuyo couronna la représentation de Marie Auxiliatrice
dans un parc public de la ville. Deux autres Evêques et quelques dignitaires
ecclésiastiques étaient présents. Environ huit mille personnes prirent part
à l’événement.
En Patagonie
Après une première tentative non réussie, les Salésiens arrivèrent en Patagonie
en 1879. En 1880 ils furent chargés officiellement de cette mission. A Rome
Don Bosco faisait progresser les pourparlers en vue de la création d’un Vicariat
Apostolique, et en 1883 Mgr Jean Cagliero fut nommé Vicaire Apostolique. Pour
obvier aux difficultés légales, l’Archevêque de Buenos Aires, Mgr Federico
Aneyros, nomma Mgr Cagliero son Vicaire Général pour la Patagonie, avec tous
les pouvoirs épiscopaux, et il inclut dans le budget de l’Archidiocèse celui
de la mission.
L’action d’évangélisation et de civilisation
menée par les Salésiens dans ces terres fut très diversifiée. Les Salésiens
et les FMA transportèrent dans le travail missionnaire beaucoup d’éléments
typiques de leur expérience dans le domaine de la formation : la musique instrumentale,
le chant, les séances de récitation de textes, les représentations théâtrales,
les petites loteries apportaient dans ces lieux déserts un souffle de joie
et l’espoir d’une vie différente. Le missionnaire arrivait là où tant de fois
l’action des pouvoirs publics ne réussissait pas à arriver. Les habitants
des petits centres s’entendaient bien et formaient une communauté autour de
la mission.
On institua les associations religieuses masculines et féminines, pour éviter
aux fidèles de rester isolés et abandonnés à eux-mêmes. Comme les conditions
économiques et sociales le demandaient, on institua aussi des sociétés de
secours mutuel. Se répandirent parmi les gens les dévotions au Sacré-Cœur
de Jésus, à Marie Auxiliatrice et, après la mort du Fondateur, à Don Bosco
lui-même.
Dans le domaine de l’éducation scolaire, les missions agissaient en remplacement
de l’Etat, lorsque ce dernier n’intervenait pas. On fit débuter les écoles
d’arts et métiers et l’on commença à donner aussi un enseignement pratique
des techniques agricoles, en mettant en valeur un terrain spécial acquis par
la mission. A Viedma il fut possible de construire le premier et unique hôpital
du territoire. Les FMA, de leur côté, veillaient au chevet des patients et
allaient assister les malades dans leurs maisons et même dans les tentes des
indiens. Elles avaient leurs écoles et aussi un orphelinat pour les filles
des indiens.
Pour célébrer le cinquantenaire des Missions Salésiennes (1925) on inaugura
un Collège Salésien à Comodoro Rivadavia et l’on bénit l’Eglise annexe Sainte-Lucie.
A Buenos Aires une Exposition Professionnelle Didactique fut organisée, et
eurent lieu le IXème Congrès International des Coopérateurs Salésiens
et le IIème Congrès International des Anciens Elèves, présidé par
Don Joseph Vespignani, représentant Don Philippe Rinaldi. Un défilé de 12
mille jeunes élèves, garçons et filles, des collèges des Salésiens et des
FMA, couronna les célébrations solennelles. Comme fruit du Congrès on proposa
la création d’une nouvelle maison pour jeunes pauvres et abandonnés.
A l’occasion de la béatification de Don Bosco, lors des solennelles festivités
qui eurent lieu à Buenos Aires, les autorités civiles et religieuses s’unirent
à la Famille Salésienne tout entière. A La Plata, la Province de Buenos Aires
érigea un monument en l’honneur du grand éducateur. Ce fut une initiative
du Gouvernement de cette Province. A Buenos Aires, le buste de Don Bosco fut
placé dans la salle du Conseil National de l’Education.
2.2
Uruguay
L’arrivée des Salésiens en Uruguay se produisit d’une manière vraiment fortuite.
Le pays se modernisait sous le gouvernement de Lorenzo Latorre, et était en
train de se développer rapidement avec l’aide des capitaux étrangers, surtout
anglais. En conséquence, on construisait de nouveaux quartiers à Montevideo
et aussi dans les environs immédiats, comme, par exemple, à Villa Colón.
Cette localité aspirait à avoir un collège qui fût ce que l’on pouvait trouver
de meilleur dans la République Orientale. Tandis que la construction de ses
murs était en cours, les promoteurs – qui étaient protestants – demandèrent
à la “Société des Amis de l’Education du Peuple” un plan d’études à mettre
en application dans cette école qui leur appartenait. Il en naquit un des
classiques de la pédagogie latino-américaine, le livre de José Pedro Varela
La Educación del Pueblo [L’Education du Peuple].
Il s’agissait à ce moment-là de trouver quelqu’un qui mît en pratique ces
intuitions pédagogiques. Il revint aux Salésiens de donner corps à l’idée.
Depuis 1875 se trouvait à Buenos Aires Don Jean Cagliero. Il effectua une
visite à Montevideo et le 24 mai 1876 il communiqua à Don Bosco la nouvelle
de l’acceptation du nouveau collège. Le 26 décembre de cette année Don Luigi
Lasagna, en compagnie d’autres Salésiens, débarquait à Montevideo et s’installait
dans la nouvelle maison.
Les missionnaires se trouvèrent plongés dans une société d’une culture raffinée,
qui exigeait d’eux beaucoup d’habileté, au risque de ne pas faire le poids
sur le plan scolaire et éducatif. Aux cercles anticléricaux, qui dominaient
dans le milieu de l’école à Montevideo, ne plurent pas les changements que
les Salésiens apportaient au plan d’études proposé par Varela. La crise fut
brillamment surmontée grâce à la vigilance et à la fermeté de Don Lasagna.
Il avait, en effet, gagné la confiance et le cœur de la majorité des élèves
et de leurs familles, et ce furent précisément les élèves eux-mêmes qui se
mirent à défendre le collège que désormais ils considéraient comme à eux.
Don Lasagna, devenu Provincial de l’Uruguay et du Brésil en 1880, suivit
les indications données par Don Francesco Bodrato et par Don Rua. Il se mit
à la recherche de nouveaux champs à travailler. Les écoles Saint-François
de Paule, qui appartenaient à la Conférence St-Vincent-de-Paul, la paroisse
de Las Piedras, avec la maison annexe de formation, et celle de Paysandu–Rosario,
avec le collège annexe, s’ouvrirent aux Salésiens. Vinrent ensuite Mercedes,
Paysandu–San Ramón, Montevideo–Sacré-Cœur et les Talleres Don Bosco. Pour
la banlieue de Montevideo commença l’initiative de la Société des Oratoires ;
en elle étaient coordonnés dix oratoires ouverts par le même Don Lasagna.
Après la mort de ce grand pionnier et missionnaire, la Province de l’Uruguay
et du Brésil fut divisée en deux. L’Uruguay et le Paraguay finirent par constituer
ensemble une Province.
Mgr Lasagna avait fortement appuyé la fondation des Cercles Catholiques Ouvriers.
C’est à Don Andrea Torrielli en personne, qui avait la direction du premier
cercle et voulait devenir salésien et avoir à lui obéir, qu’il donna aussitôt
comme première charge celle de ne pas abandonner les Cercles. Les Salésiens
aidèrent les Cercles à s’établir dans les villes de l’intérieur, surtout là
où ils avaient leurs œuvres.
En 1905 la maison de formation de Las Piedras fut transférée à l’Ecole Agricole
“Juan Jackson”, que Mgr Soler avait passée aux Salésiens en 1898. En 1910
on fonda le “Centre Christophe Colomb” pour répondre aux besoins et à l’animation
des Anciens Elèves. En 1915 enfin on inaugura à Villa Colón le monument en
l’honneur de Mgr Luigi Lasagna.
Lors du cinquantenaire de la fondation du “Colegio Pio”, le P. Héctor Sallaberry
eut l’idée de célébrer l’anniversaire jubilaire en développant l’Œuvre des
Retraites Spirituelles. Cette entreprise fut soutenue par les Anciens Elèves
et en peu de mois on eut, à Villa Colón, la première maison pour Retraites
Spirituelles de la Congrégation. Ensuite on arriva à la proposition de la
Retraite Spirituelle à travers la radio et cette initiative connut un grand
succès spirituel et apostolique.
Pour ce qui concerne la dévotion à
Marie Auxiliatrice, en 1898 l’Archevêque de Montevideo avait demandé qu’à
Villa Colón, dans l’église du “Colegio Pio”,
on érigeât une Basilique votive nationale en l’honneur de Marie Auxiliatrice.
Le 14 décembre 1901 Son Excellence inaugura le Sanctuaire Marie-Auxiliatrice,
et en octobre 1904, la représentation de Notre-Dame qui y était vénérée fut
solennellement couronnée.
2.3 Brésil
En 1877, Mgr Pedro Maria de Lacerda, Evêque de Rio de Janeiro, écrivait à
Don Bosco en demandant les Salésiens pour son diocèse [3] . Allant plus tard à Turin, il laissa, par avance, l’argent pour
les billets du voyage des missionnaires qui un jour iraient dans son pays.
Dans l’Etat de Rio Grande do Sul, les Capucins avaient fait beaucoup de publicité
pour les Salésiens, qu’ils connaissaient à partir de l’Uruguay, et l’Evêque
de Porto Alegre demanda au Provincial Don Luigi Lasagna d’envoyer les Salésiens
dans son diocèse.
Don Lasagna, qui en avait été chargé par Don Bosco, alla au Brésil en 1882.
Il fit un long voyage en suivant la côte du pays, jusqu’à Belém do Pará, et
décida de commencer l’œuvre salésienne dans cette nation par Niterói, avec
le “Colégio Santa Rosa”. Le 14 juillet 1883 lui-même
arrivait à Rio de Janeiro avec les premiers Salésiens ; vinrent ensuite
les maisons de São Paulo (1885) et de Lorena (1890). En 1891 il accepta la
maison de Recife, qui cependant ne s’ouvrit qu’en 1894. Devenu Evêque d’Oea-Tripoli,
Mgr Lasagna fonda la maison de Cuiabá et la Colonie Teresa Cristina, première
mission parmi les Indiens “Bororo” (1894).
Les maisons du Brésil dépendaient alors de la Province Uruguay–Brésil. La
situation resta telle jusqu’à la mort de Mgr Lasagna, moment où les maisons
du Brésil furent organisées en Province : c’est de cette première Province
brésilienne que, peu de temps après, naquit la Province du Mato Grosso.
S’ouvrirent aussitôt les deux maisons déjà acceptées par Mgr Lasagna :
Campinas, dans l’Etat de São Paulo, et Cachoeira do Campo, dans celui de Minas
Gerais. Vint ensuite le tour du Collège de Corumbá, dans le Mato Grosso, de
Salvador, dans l’Etat de Bahia, de la Colonie agricole de Jaboatão, dans le
Pernambouc, de l’Ecole Agricole de la Thébaïde, dans le Sergipe.
Le développement fut si rapide que déjà en 1901 furent constituées trois
Provinces : celle du Sud du Brésil, celle du Mato Grosso et celle du
Nord, qui s’étendait du Bahia jusqu’à la Zone amazonienne [4] . Un an plus tard, les Salésiens qui avaient perdu la Colonie Teresa
Cristina à cause de nouveaux choix politiques des gouvernants du Mato Grosso,
créèrent une mission, précisément dans les régions orientales de l’Etat, avec
les “Bororo” orientaux.
Bien vite les Salésiens, dont l’organisation économique n’était pas suffisante
pour soutenir leurs structures éducatives, durent se rendre à la pression
de la société et orienter leurs collèges vers l’enseignement supérieur, en
laissant les écoles professionnelles en second plan. A partir de ce moment-là,
au Brésil, la Congrégation respira avec les deux poumons des écoles et des
oratoires.
Comme en Argentine et en Uruguay, également au Brésil les Salésiens cherchèrent
dès le début à répandre la dévotion envers la Vierge de Don Bosco. Le P. Luigi
Zanchetta, en tant que Directeur, répandit au moyen des “Lectures Catholiques”
et de nombreux tracts cette dévotion dans tout le Brésil. Il fut alors possible
de construire le monument en l’honneur de Marie-Auxiliatrice dans la colline
qui domine le “Colégio
Santa Rosa”, à Niterói : il devint le but de
pèlerinages et le premier signe religieux dans le panorama de la baie de Guanabara,
lorsque n’avait pas encore été élevé le grand Christ du Corcovado.
Pour solenniser le Centenaire
de la Fête liturgique de Marie Auxiliatrice, instituée par Pie VII pour avoir
été libéré de la captivité ordonnée par Napoléon, et le Centenaire de la naissance
de Don Bosco, du 28 au 30 octobre 1915 fut tenu à São Paulo le VIIème Congrès International des Coopérateurs
Salésiens sur le thème “Restaurer la société dans le Christ”, ce qui, à s’en
tenir aux déclarations faites dans les documents relatifs, devait être réalisé
à travers le travail et l’éducation. Comme fruit du Congrès on fonda dans
le quartier de Bom Retiro, à côté de la paroisse salésienne, une nouvelle
Maison salésienne destinée à donner une instruction professionnelle aux jeunes
pauvres.
2.4 Chili
Au Chili, Don Bosco et les Salésiens étaient connus et très appréciés à Santiago,
à Valparaíso, à Talca et à Concepción. Le livre Don Bosco y su Obra
[Don Bosco et son Œuvre]
de
l’Evêque titulaire de Milo, l’espagnol Mgr Marcelo Spínola, avait eu une grande
diffusion dans le pays. Des personnalités du Chili, qui étaient allées en
Italie entre 1869 et 1887, eurent l’occasion d’apprendre l’extraordinaire
grandeur du Saint des jeunes ; l’une d’elles, Don Blas Cañas, fonda à
Santiago en 1872, d’après les indications de Don Rua, le “Patronage Saint-Joseph”.
Toutefois, c’est seulement en 1876 que Don Bosco commença à penser aux missions
du Chili. Il écrivit à l’Evêque de Concepción en demandant des informations
pour une future œuvre, et en même temps il proposait la fondation de trois
maisons : Santiago, Valparaíso et Concepción. Le premier salésien parvenu
en terre chilienne fut Don Domenico Milanesio, qui raconta son voyage à Concepción
dans le Bulletin Salésien de mars 1886. Les Salésiens commencèrent leur travail
apostolique au moyen des écoles professionnelles pour enfants pauvres, des
Oratoires, le souci pastoral des quartiers plus pauvres et au moyen des missions
parmi les indigènes du Territoire de Magellan.
A la mort de Don Bosco, les Maisons salésiennes au Chili étaient au nombre
de trois : Concepción, Punta Arenas et Talca. Un groupe très compétent de
Coopérateurs Salésiens avait préparé l’arrivée des Salésiens à Concepción
et à Talca et les attendait à Santiago et à Valparaíso. Personne, au contraire,
n’avait préparé l’arrivée des Salésiens à Punta Arenas.
A la mort de don Rua, les Maisons salésiennes au Chili étaient au nombre
de 14.
Quatre d’entre elles – La Serena, Santiago, Talca et Concepción – étaient
des Ecoles d’Arts et Métiers pour jeunes pauvres, auxquels était offerte aussi
l’hospitalité dans un internat annexe. Dans le collège San José de Punta Arenas
il y avait un petit groupe de garçons qui était formé dans les ateliers de
cordonnerie, de menuiserie, d’imprimerie et de reliure. Les Institutions avec
section commerciale étaient au nombre de trois : Iquique, Valparaíso
et Valdivia. A Linares et Punta Arenas il y avait une école primaire. Le “Patronage
St-Joseph” était un internat avec des cours primaires et le premier cycle
du secondaire. La Maison de vocations et le Noviciat avaient été commencés
à Macul (Santiago). Les Salésiens ne tenaient des Paroisses qu’à Punta Arenas
et à Porvenir. Une mention particulière est méritée par la maison “La Gratitud
Nacional” à Santiago, qui comprenait l’Asile de la Patrie et la basilique
de la “Gratitud Nacional” envers le Sacré-Cœur.
Le travail missionnaire qui était effectué dans le Territoire de Magellan
et l’attention portée aux enfants pauvres, auxquels se joignaient les caractéristiques
d’optimisme et de dynamisme typiques de Don Bosco et de l’esprit salésien,
avaient suscité l’appui des autorités civiles et religieuses et des catholiques
en général. La presse, elle aussi, contribuait à faire connaître et apprécier
le monde salésien. En 1907 on commença à publier le prospectus El Mensajero
de María Auxiliadora et les “Lectures Catholiques”.
A cette époque-là, on envisagea d’avoir deux Provinces au Chili. Les œuvres
de la Préfecture Apostolique de Magellan eurent comme Provincial, de 1887
jusqu’à sa mort, Mgr Giuseppe Fagnano. En 1892 on créa d’autre part la Province
St-Gabriel, ayant son siège à Santiago. A noter que jusqu’en 1902 c’est de
cette Province que dépendaient aussi les œuvres du Pérou et de la Bolivie.
Pendant cette période les FMA entrèrent également au Chili, aussi bien dans
les missions du Sud que dans les régions du Centre et du Nord du Pays. En
1910 elles avaient 10 maisons. En 1896 la Supérieure Générale, Mère Caterina
Daghero, rendit visite à la Mission de l’Ile Dawson.
La Préfecture Apostolique de Punta Arenas
En 1882, Don Concha proposait à Don Bosco la fondation d’une Maison à Punta
Arenas, faisant ainsi commencer les missions parmi les Indiens de la Terre
de Feu. En 1883, après différents pourparlers menés par Don Bosco, la Sacrée
Congrégation de la Propagation de la Foi créait la Préfecture Apostolique
de la Patagonie Méridionale, ayant son siège à Punta Arenas. Elle comprenait
aussi la Terre de Feu, les Iles Malouines et les autres îles qui existaient
dans la région.
Comme Préfet Apostolique fut nommé Don Giuseppe Fagnano. En Octobre 1886
il partait de Buenos Aires avec une expédition scientifico-militaire pour
explorer la Terre de Feu. Tandis qu’il évangélisait et baptisait les indigènes,
il eut la conviction que le siège de la Préfecture devait être à Punta Arenas.
Pour les missions parmi les indigènes, Mgr Fagnano préféra le système des
“Réductions”, comme celles qu’avaient crées les Jésuites au Brésil et en Bolivie,
à celui des missionnaires itinérants, selon ce qu’on avait l’habitude de faire
en Patagonie. En mars 1889 on commença la mission dans l’Ile Dawson. Mgr Fagnano,
en allant lui-même à Santiago en 1880, obtint la concession de l’île pour
vingt ans. Dans leur mission les Salésiens reçurent les Indiens Alacaluf
et plus tard les Onas.
Les FMA s’occupaient pendant ce temps-là des femmes et des jeunes filles.
Avec le catéchisme elles leur enseignaient à lire, à écrire, à cuisiner, à
laver et à réparer les vêtements, à connaître les règles les plus élémentaires
de propreté et d’hygiène, à chanter, à coudre, à faire un travail de cordonnières.
Mgr Fagnano était le chef et l’animateur infatigable de tout : il rendait
fréquemment visite aux missions et voyageait à Santiago ou en Europe pour
rendre compte à l’Etat du travail effectué, pour surmonter des problèmes particuliers
en parlant avec les autorités compétentes ou, plus simplement, pour recueillir
les secours nécessaires aux missions.
Plus tard surgirent des désaccords avec le diocèse d’Ancud à cause de l’administration
ecclésiastique de Punta Arenas. L’affaire fut portée à Rome. Ce fut ainsi
qu’en 1916 on créa le Vicariat Apostolique de Magellan, indépendant du diocèse
d’Ancud et on nomma comme Vicaire Apostolique le salésien Mgr Abraham Aguilera
Bravo.
Les festivités furent grandes pour la Béatification de Don Bosco (1929) :
les célébrations eurent lieu au mois de mai à Talca, à Punta Arenas et avec
un solennel triduum à Santiago. La presse contribua à créer un climat d’admiration
pour la figure de l’Apôtre de la jeunesse et pour son œuvre. Pour apporter
leur adhésion affectueuse au nouveau Bienheureux, les Anciens Elèves effectuèrent
leur Troisième Congrès, au cours duquel on étudia la méthode éducative de
Don Bosco.
Comme dans le reste de l’Amérique Latine, également au Chili une des choses
qui ont le plus caractérisé la présence salésienne a été la dévotion à Marie
Auxiliatrice : pour le démontrer se dressent aussi les nombreuses chapelles
qui Lui furent dédiées. Les Salésiens ont aujourd’hui quatre églises paroissiales
et quatre sanctuaires publics dédiés à Marie Auxiliatrice.
2.5 Paraguay
Ce fut en 1879 que Don Bosco répondit à la demande du Card. Nina, protecteur
de la Congrégation, en promettant d’envoyer quelques salésiens à Asunción
pour aider dans sa formation le clergé local. Don Giovanni Allavena alla offrir
son ministère sacerdotal au cours de la Semaine Sainte et resta pendant deux
mois au Paraguay. Il ne fut toutefois pas possible de tenir aussitôt la parole
donnée. En effet, les Lazaristes allèrent au Paraguay en 1880 et les Salésiens
prirent, pendant ce temps-là, leur place en Patagonie.
Douze ans plus tard un autre missionnaire salésien, Don Angelo Savio, arriva
à Asunción. Il remonta le fleuve jusqu’à Bahía Negra, à la frontière avec
le Brésil. Il prit un premier contact avec les indigènes du Chaco et, revenant
à Buenos Aires, il emporta quelques lettres pour le supérieur salésien et
pour la Congrégation Romaine de la Propagation de la Foi, en demandant des
missionnaires pour le Paraguay.
En novembre 1892, le Consul du Paraguay à Montevideo,
M. Matías Alonso Criado, écrivit au Saint-Siège en mettant en évidence les
besoins de l’enfance et de la jeunesse dans le Paraguay et l’état déplorable
des Indiens du Chaco Paraguayen. Le Cardinal Rampolla transmit à Don Rua le
désir du Saint-Père de retenir l’attention du Supérieur des Salésiens pour
étudier la possibilité de fonder une Mission dans le Chaco et une école d’Arts
et Métiers à Asunción. Don Lasagna, venu en Italie pour participer au Chapitre
Général, se rendit à Rome et, après être devenu Evêque titulaire de Oea-Tripoli,
il revint en Amérique. Arrivé un an après à Asunción au Paraguay, il gagna
aussitôt le cœur de tous.
Mgr Lasagna étant mort, Don Ambrogio Turriccia fut nommé directeur du nouveau
collège d’Asunción. Les nouveaux missionnaires partirent de Montevideo le
14 juillet 1896. En 1900 on fonda une deuxième maison à Concepción, ville
qui constituait comme une porte pour les missions du Chaco. La même année,
dans le faubourg de Vista Alegre qui alors était loin du centre, commença
avec une petite maison et une chapelle dédiée au Sacré-Cœur ce qui de nos
jours est le “Salesianito”.
Mais en 1902 les désaccords entre le Directeur et le Gouvernement firent
que ce dernier ordonna la fermeture du Collège d’Asunción. Puisque les bâtiments
avaient été donnés aux Salésiens au moyen d’une loi du Parlement, un conflit
institutionnel surgit entre l’organe législatif et le pouvoir exécutif. Après
de nombreux pourparlers on arriva à une solution. Don Turriccia fut envoyé
au Chili. Les Salésiens se transportèrent à un nouveau siège, où ils se trouvent
encore aujourd’hui, le collège fut rouvert et l’hôpital revint entre les mains
du Gouvernement.
Depuis 1919, entre-temps, on créait des résidences missionnaires dans les
villages du Chaco. En 1924 fut ouverte l’école agricole d’Ypacaraí. La croissance
de la présence salésienne fut telle qu’en 1954 le Paraguay eut une Province
propre.
Ce fut le P. Domenico Queirolo qui donna à la dévotion à Marie Auxiliatrice
une véritable dimension populaire dans la nation des Guaranis. Il se distingua
dans la construction d’églises et de chapelles portant le nom de la Vierge
de Don Bosco et il donna une résonance dans la société à la fête de Marie
Auxiliatrice au moyen de la publication de l’hebdomadaire “El Mensajero de
María Auxiliadora”. Supérieur des missions salésiennes du Chaco, il fit de
la Vierge Auxiliatrice leur patronne.
Les années 1932-1935 ne furent pas une période facile. La guerre du Chaco
décima la population masculine du Paraguay ; plusieurs collèges salésiens
furent transformés en hôpital. Le P. Queirolo, le P. Ernesto Pérez et d’autres
chapelains salésiens firent pénétrer dans le cœur des soldats et dans le peuple
paraguayen une pleine confiance dans la protection de Marie Auxiliatrice,
qui fut proclamée protectrice et patronne de l’armée paraguayenne. La dévotion
à la Vierge Auxiliatrice s’enracina profondément dans l’âme des paraguayens.
Un autre nom à rappeler est celui du P. Guido Coronel, qui construisit les
grandes basiliques de Coronel Oviedo et du Haut Paraná en l’honneur de Marie
Auxiliatrice et obtint qu’elle fût proclamée patronne de la campagne du Haut
Paraná.
C’est avec le même engagement et le même zèle que les FMA s’employaient à
la diffusion de la dévotion envers l’Auxiliatrice dans les maisons et dans
le monde féminin de la nation.
3. LA PRÉSENCE SALÉSIENNE
La présence salésienne dans la Région Cône Sud a eu pour origine un rêve de
Don Bosco et sa passion missionnaire elle-même. Ce fut ainsi que le charisme
s’enracina profondément en Amérique latine, jusqu’à devenir une partie de
sa culture elle-même. La preuve en est la croissance prodigieuse, qui aujourd’hui
fait de la Congrégation Salésienne la force religieuse la plus grande de ce
continent.
En effet, après cent trente ans, la présence salésienne, entre
l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, comprend 26 Provinces et 2 quasi-Provinces
dans 23 nations, depuis le Canada jusqu’à l’Argentine et le Chili. Dans la
Région du Cône Sud il y a 14 Provinces : cinq en Argentine, six au Brésil,
une en Uruguay, une au Chili, une au Paraguay. Pour une meilleure coordination,
la Région est divisée en deux Conférences Provinciales. La CISUR comprend
les Provinces de langue espagnole : Buenos Aires, Bahía Blanca, Córdoba,
La Plata, Rosario en Argentine, et les Provinces du Chili, du Paraguay et
de l’Uruguay. La CISBRASIL comprend les Provinces de langue portugaise
de Belo Horizonte, de Campo Grande, de Manaus, de Porto Alegre, de Recife
et de São Paulo.
Aujourd’hui dans
la Région il y a 1788 SDB et 96 novices, qui font progresser 312 présences.
On doit malheureusement faire remarquer que, malgré la population essentiellement
jeune de ces nations, l’humus religieux et catholique de la société, un nombre
non indifférent de vocations et de confrères en formation initiale, on relève
également une baisse numérique persistante et progressive des Salésiens dans
la Région.
Prenant acte de
la diminution en nombre des Salésiens, mais aussi cherchant à atteindre une
meilleure qualité dans la formation, les Provinces ont commencé à développer
une collaboration inter-provinciale et également à esquisser et à faire avancer
un processus de restructuration. En effet, quelques œuvres n’ont plus en elles
de communauté religieuse, mais sont entièrement gérées par les laïcs. Dans
d’autres Provinces au contraire, bien que le nombre d’œuvres ait eu un léger
fléchissement, les fronts pastoraux se sont multipliés.
3.1 Vie religieuse
Pour ce qui concerne la vie religieuse, on doit prendre acte
de la fidélité substantielle de la majorité des Confrères, qui vivent avec
joie, conviction et sérénité leur vocation religieuse, l’engagement dans le
service pastoral et éducatif, la vie fraternelle, la fidélité aux vœux, la
vie de prière et de formation continue.
D’une part, mérite
d’être notée la générosité avec laquelle de nombreux confrères, bien que d’âge
élevé, assument des charges de travail dans les collèges et dans les paroisses
mais, d’autre part, il faut enregistrer aussi le nombre limité de confrères
qui sont en mesure d’assumer des responsabilités significatives dans le rôle
de directeurs, d’économes, de curés. Dans beaucoup d’œuvres il se trouve que
le directeur assume aussi la responsabilité de l’administration, et cela peut
être au détriment de son devoir de guide spirituel des confrères et d’animateur
du charisme de la mission. La disproportion entre les œuvres et les salésiens
et la diminution en nombre de Confrères conduisent donc souvent à une accumulation
de responsabilités, qui retombe négativement sur la vie de l’œuvre et sur
la qualité du service, entraînant un style d’individualisme pastoral.
Vocation et vocations
Il ne manque pas dans la Région de ressources pour les vocations.
L’âge moyen de la population de ces pays, l’humus religieux, le substrat catholique
et culturel et aussi la pauvreté de grandes catégories de gens sont des éléments
qui concourent au fait que la vocation à la vie consacrée ou sacerdotale reçoit
encore un grand accueil. Il n’y a absolument pas de comparaison avec ce qui
est en train de se produire dans la majeure partie des pays de l’Europe occidentale,
où une semblable proposition ne trouve pas de réponse dans une grande partie
des jeunes, bien plus souvent essuie un refus. D’une part donc, il est beau
de remarquer qu’en Argentine, en Uruguay, au Brésil, au Chili et au Paraguay,
la jeunesse est encore nombreuse, généreuse et ouverte aux valeurs chrétiennes.
C’est ainsi que chaque année de nombreux jeunes commencent leur parcours de
formation avec générosité et enthousiasme pour Don Bosco et pour la mission
salésienne. D’autre part, un élément critique réside dans le fait que ces
candidats, malheureusement souvent, révèlent des motivations de vocation faibles,
une base humaine plutôt précaire et une formation chrétienne peu assimilée.
On observe
ainsi l’exactitude du fait que, même si reste élevé le nombre de jeunes qui
fréquentent nos œuvres, de ceux qui sont engagés dans les différentes formes
de vie associative du Mouvement Salésien des Jeunes ou de ceux qui manifestent
de la disponibilité pour la proposition de vocation salésienne explicite,
toutefois dans les dernières années on a constaté une baisse persistante des
vocations. Les Provinces qui subissent le plus cette diminution sont celles
d’Argentine et de l’Uruguay. Au Brésil, au contraire, on vit actuellement
une période de reprise des vocations qui mérite d’être étudiée, justement
pour mieux en connaître les causes. Le Chili, en général, s’est caractérisé
par un travail, net et fécond, dans ce domaine. Et le Paraguay est en train
de recueillir les fruits de son engagement dans la pastorale des jeunes et
dans la pastorale des vocations.
Les Salésiens sont
conscients et préoccupés de la baisse du personnel et cherchent à en découvrir
les causes et les voies de solution possibles. En particulier, on cherche
à mettre en place une pastorale des jeunes qui puisse conduire à la maturation
de projets de vie, et une pastorale chargée de propositions de vocation, avec
des expériences de volontariat social et missionnaire, un accompagnement soigné,
un engagement de vie sacramentelle et un sérieux chemin de discernement.
3.2
Vie fraternelle des communautés
Aussi bien les Chapitres Provinciaux qui ont eu lieu il y a un
an, que les Visites d’Ensemble des deux Conférences Provinciales de la Région
ont mis en évidence que les idées-force du CG 25, “La Communauté Salésienne
Aujourd’hui”, ont été un cadre de référence et de réflexion particulièrement
adapté pour améliorer la vie des communautés. Même si c’est avec un engagement
et un succès divers, les communautés ont assumé les cinq fiches du Chapitre
Général, en cherchant à réaliser le modèle de communauté voulu par Don Bosco
et exprimé dans le trinôme : “Vivere in unum locum, in unum spiritum,
in unum agendi finem” [Vivre dans une
unité de lieu, d’esprit, de but pour l’action]. On a voulu
ainsi dépasser le faux dilemme “Vie commune” ou “Vie fraternelle”, avec la
récupération de l’intuition fondamentale : pour nous il s’agit d’une
“Vie fraternelle commune”. On a évité, de cette façon, de céder à la tentation
du “être ensemble” comme valeur suprême, même si parfois une relation interpersonnelle
profonde n’existe pas, ou à celle du “bien s’aimer”, même si concrètement
les conditions pour rester ensemble ne sont pas réalisées.
Tout
cela a conduit à une amélioration de la “journée de la communauté”, du fonctionnement
des Conseils des œuvres, de l’assemblée de la communauté, du rôle de la CEP,
comme noyau animateur. A propos de ce dernier élément, la valorisation de
la CEP dans les présences s’avère de plus en plus grande, même si le chemin
est encore long avant qu’elle ne devienne un levain capable de donner du dynamisme
et de transformer toute l’œuvre.
Les objectifs choisis
par le Recteur majeur avec son Conseil pour la programmation des six années
2002-2008 ont été assumés par la majeure partie des Provinces et de fait ils
figurent dans leurs plans annuels. Il y a en outre des activités qui montrent
que ces mêmes objectifs ont été réalisés. L’appel à rendre plus significatives
les communautés, soit du point de vue de la quantité des confrères que de
celui de la qualité, a trouvé une réponse dans l’effort fourni par de nombreuses
Provinces pour renforcer le nombre des confrères dans chacune des communautés
et dans celui de développer un rythme de vie qui puisse favoriser la formation
permanente et la signification pastorale. Dans quelques cas on a réduit le
nombre des œuvres ; certaines d’entre elles ont été confiées aux laïcs
et l’avantage obtenu a été que les confrères ont pu s’appliquer plus directement
à leur mission spécifique.
Malgré ces efforts,
la disproportion entre les engagements apostoliques, les secteurs de travail,
la complexité des œuvres d’une part et le nombre des confrères d’autre part
continue à être grande. Le danger est de mettre en péril l’identité de notre
présence, la qualité de la proposition éducative et pastorale, la lisibilité
de notre témoignage, la fécondité spirituelle de la vocation. Il est donc
nécessaire de trouver et de maintenir l’équilibre entre notre sensibilité
pastorale, qui nous pousserait à venir en aide à tous les besoins des jeunes,
spécialement des plus pauvres, et la conviction que nous ne sommes pas appelés
(et que surtout cela ne nous est pas possible) à résoudre tous les problèmes
sociaux et pastoraux.
3.3 Mission salésienne
La mission salésienne, nous le savons, ne s’identifie pas avec les œuvres
ou les activités, et elle ne se réduit pas non plus à elles. Elle est avant
tout la passion de Don Bosco pour le bien des âmes, des jeunes ! Le devoir
de la pastorale des jeunes est donc de maintenir ce zèle missionnaire et de
le rendre systématique, organisé, ouvert à l’action.
Au
niveau de la Région Amérique latine – Cône Sud, en 1985 fut créé le “Secretariado
de Pastoral Juvenil de Plata” (SECPLA), qui s’est transformé en SEPSUR
avec l’intégration de la Province Chilienne et a fait preuve de
vitalité, d’organisation et d’efficacité dans l’action. C’est ce que
montrent les consultes, les cours de mise à jour, les séminaires de
travail pour préparer le matériel pastoral, le “Cuaderno de PJ” [Cahier
de Pastorale des Jeunes], les rencontres spéciales avec les animateurs
des œuvres et du territoire, les rencontres avec les jeunes.
Dans la Conférence Provinciale Brésilienne ce devoir a
été confié à l’“Articulation de la Jeunesse” (AJS), qui coordonne toute
la vie associative des jeunes. Il s’agit d’une équipe nationale de référence
qui a bien fonctionné et a également produit des documents intéressants, comme
les “cadernos salesianos”, qui se sont avérés très utiles pour les animateurs
locaux. Actuellement cette équipe nationale comprend aussi les FMA. Cette
intégration, valable en elle-même, n’a pas été exempte de problèmes à cause
de la diversité du chemin parcouru par les deux Congrégations, de la manière
différente de concevoir le travail avec la jeunesse et des difficultés de
maintenir un groupe stable. Je souligne cependant que c’est une grande valeur
de croire à cette collaboration et de vouloir créer de la synergie malgré
tout.
On a créé aussi une équipe de réflexion de la CISBRASIL
pour coordonner le secteur de la jeunesse et pour répondre aux questions posées
par des coordinateurs, des animateurs et des agents de pastorale. Chaque année
on fait une rencontre avec tous les délégués provinciaux pour la Pastorale
des Jeunes. Parmi les données qui ressortent le plus, on remarque d’une part
en ce qui concerne les jeunes une augmentation du nombre de jeunes volontaires
disponibles pour travailler dans les missions, d’autre part pour ce qui touche
aux Confrères on constate une diminution du nombre de Salésiens disponibles
pour accompagner les jeunes, spécialement pour un chemin de foi.
Secteur des ECOLES
Dans
la Région le secteur des Ecoles reste un des services les plus consistants
et significatifs. Ces dernières années, malgré la diminution du nombre des
Salésiens, il y a eu un accroissement des œuvres d’éducation donnée à travers
l’enseignement, en particulier de celles de niveau supérieur (IUS).
Toutes les Provinces du Brésil, d’Argentine et du Chili comptent diverses
écoles de niveau supérieur. Nous en reparlerons plus loin.
Ce qui mérite sans doute d’être souligné dans le domaine de l’éducation donnée
à travers l’enseignement, c’est, dans la CISBRASIL, la création du
réseau de communication entre les différentes écoles. Tout cela en collaboration
avec les Provinces des FMA. Le but principal est de garantir l’identité salésienne
de nos écoles, de former les professeurs dans la pédagogie salésienne et d’élaborer
des manuels scolaires selon une ligne pédagogique salésienne, surtout pour
les écoles sous contrat. On devrait rappeler ici que, pour ce qui concerne
la production de manuels scolaires, l’Argentine et le Chili mènent depuis
des années cette activité, en collaboration sous forme de société avec la
maison salésienne d’édition EDEBE de Barcelone (Espagne).
Du point de vue du financement, la situation des écoles se présente très bigarrée.
Tandis que les écoles salésiennes du Chili sont totalement financées par le
gouvernement et que celles d’Argentine ont l’appui de l’Etat, ce qui fait
que les parents des élèves paient une quote-part abordable, celles du Brésil,
du Paraguay et de l’Uruguay ne reçoivent aucun type de subvention. Se trouvent
ainsi pénalisées les familles qui, n’ayant pas de ressources économiques particulières,
restent privées de la possibilité de choisir pour leurs enfants une école
de qualité et dotée d’un projet éducatif précis.
Ecoles Agricoles et Centres de Formation Professionnelle
Une des présences qui ont eu un grand succès dans ces pays de
la Région Cône Sud a été celle des écoles agricoles. Même si c’est en nombre
plus réduit que par le passé, les Provinces d’Argentine, d’Uruguay, du Chili
et du Paraguay ont encore des écoles agricoles, qui sont reconnues pour leur
qualité. Il apparaît par contre un peu paradoxal que, dans une nation fortement
agricole comme le Brésil, les écoles agricoles ne soient pas prises en considération
par les jeunes et par leurs familles. Il s’est ainsi produit qu’avec la cessation
des internats, ces écoles ont toutes été fermées au Brésil.
Au
contraire, les Centres de Formation Professionnelle se sont multipliés, également
parce que diverses organisations, surtout européennes, les ont fortement favorisés
à l’aide de moyens et de subsides économiques. De nos jours, comme à l’époque
de Don Bosco, beaucoup d’adolescents ou de jeunes ont besoin de travailler
pour aider économiquement leur famille et dans les écoles professionnelles
ils trouvent la possibilité d’une formation nécessaire pour s’insérer activement
et professionnellement dans le monde du travail. Je suis personnellement de
l’avis que ce secteur de notre présence doit être fortement développé et soutenu.
En effet, il nous met en relation avec les jeunes les plus pauvres et nous
permet une communication avec le monde du travail. Et cela est d’autant plus
significatif en ce moment où le modèle culturel tend à mettre en évidence
la primauté des études supérieures et universitaires qui donnent une certaine
image et une position particulière dans la société. Je suis convaincu en outre
que le travail de nos Centres Professionnels peut apporter une contribution
précieuse à ces pays qui sont toujours en voie de développement industriel.
Secteur de la MARGINALISATION
Le secteur de la marginalisation est l’un de ceux
dans lesquels la Région Cône Sud s’est démenée avec le plus de courage et
d’efficacité. La présence salésienne auprès des enfants mineurs en difficulté
s’avère aujourd’hui des plus significatives, non seulement parce qu’elle constitue
une œuvre qui nous permet de travailler en faveur des jeunes les plus pauvres,
mais aussi parce qu’elle nous donne l’occasion d’être en contact constant
avec les organismes gouvernementaux et administratifs par lesquels sont coordonnées
les politiques sociales. Il s’agit même d’une stratégie importante pour influer
sur le changement de mentalité des gouvernants, en tenant compte du fait que
ce sont eux qui ont le possibilité de changer ou du moins d’améliorer en partie
la situation sociale et culturelle de si nombreux jeunes pauvres et en situation
de grand danger personnel et social. De nos jours nous trouvons, heureusement,
plusieurs confrères et divers membres de la Famille Salésienne qui sont présents
dans les organismes où l’on discute les politiques sociales pour les enfants
et les adolescents.
Puisant leur inspiration dans l’expérience du P. Javier De Nicol