« DE PRÈS OU DE LOIN, JE PENSE TOUJOURS A VOUS »
1. Un chant de louange – 2. Les premiers mois de travail au Conseil général – 3. L’activité d’orientation doctrinale – 4. Visites aux Provinces– 4.1 En Italie – 4.2 En France – 4.3 En Pologne – 4.4 En Argentine – 4.5 Aux Philippines et en Thaïlande – Les motifs du voyage – La visite aux Philippines – La visite en Thaïlande – 5. Conclusion
ACG 381
Rome, 25 mars 2003
Solennité de l’Annonciation du Seigneur
Très chers confrères,
« De près ou de loin, je pense toujours à vous »[1]
. Je commence cette lettre en adoptant les paroles de notre cher
père Don Bosco, avant tout parce que je partage avec lui les mêmes sentiments
à votre égard, et puis parce que cette lettre est d’une nature particulière.
Comme vous le verrez, elle est moins doctrinale et plus familière. Car
elle parle de la vie de la Congrégation, telle que je la trouve dans
mes visites aux Provinces, et propose quelques réflexions qui naissent
des provocations de la réalité et de ses défis.
De cette façon je veux aussi satisfaire une demande du CG25 qui, à propos
des lettres circulaires du Recteur majeur, disait: « Pour mieux
en tirer parti dans les différentes communautés, on suggère qu’elles
soient écrites dans une langue simple et discursive, et que celles qui
traitent davantage de thèmes plus exigeants alternent avec d’autres
plus familières et informelles sur la vie de la Congrégation »
(CG25, 101). J’essaierai d’être fidèle à cette requête, dans le but
d’aider à développer davantage le sens de la Congrégation et de stimuler
à réfléchir sur le charisme, deux choses indispensables pour garantir
l’unité dans la diversité, une des tâches les plus précieuses que j’ai
à exercer. Ainsi, la communication du Recteur majeur sera mise au service
de l’animation et du gouvernement, à partir de ce qui s’est fait ou
se fait dans la Congrégation, de ses besoins et de ses défis.
Après la lettre sur la sainteté, qui a été accueillie comme un texte
programme et a suscité chez beaucoup de confrères et de communautés
le désir de travailler plus sérieusement pour cette vocation fondamentale
qui est la nôtre, nous avons publié le « Projet d’animation et
de gouvernement du Recteur majeur et de son Conseil pour les années
2002-2008 ». Tous les conseillers sont en train de le présenter
dans les diverses Provinces, pour essayer de les mettre en syntonie
avec les grands axes prioritaires. Le moment est donc venu de partager
avec vous mes impressions et mes évaluations de cette première année
de rectorat. J’en ai parlé, après mes voyages, dans mes mots du soir
à la maison générale et dans ma rencontre avec les confrères de la quasi-Province
de l’UPS au début de décembre 2002; mais je pense qu’il vaut la peine
de les rassembler de façon plus systématique et de les faire connaître
à toute la Congrégation.
1. Un chant de louange
La première pensée que je me sens devoir exprimer est
de rendre grâce à Dieu, du fond du cœur, pour la croissance du
charisme de Don Bosco au service des jeunes dans les contextes les plus
divers et dans les conditions les plus variées. Nous nous trouvons en
effet dans des contextes de haut bien-être, de sociétés développées,
de technologie avancée et, dans d’autres au contraire, d’extrême pauvreté,
de sous-développement, de technique arriérée; des contextes de démocraties
solides, où il est pratiquement possible de tout faire sur le terrain
de la mission, et d’autres de régimes totalitaires où l’on fait ce qu’on
peut; des contextes de population en majorité chrétienne et catholique,
et d’autres où le nombre des catholiques n’atteint même pas le un pour
cent, mais où notre travail éducatif est très significatif au point
de vue culturel, à la façon d’un levain capable de fermenter la culture
du pays. Présences de riche tradition salésienne, et d’autres où se
sent davantage la distance des origines de la Congrégation.
Ce merci s’étend ensuite aux confrères missionnaires, ceux de la première
heure envoyés par Don Bosco, et ceux de la deuxième, troisième ou quatrième
heure envoyés par ses successeurs. Ils ont joué et continuent à jouer
un rôle indispensable: implanter le charisme salésien qui est essentiellement
éducatif et pastoral en faveur des enfants, en particulier des plus
pauvres, abandonnés et en situation de risque psychosocial. De ce point
de vue, il faut rappeler que nous sommes héritiers et transmetteurs
d’un charisme, d’un esprit, d’une spiritualité, d’une mission et pas
simplement des travailleurs diocésains ni des artisans sociaux, même
si nous sommes très engagés sur le terrain de la construction de l’Eglise
locale et de la promotion humaine. Une telle affirmation ne signifie
pas que nous, salésiens, formions un groupe fermé. Jamais de la vie!
Comme religieux, nous sommes des hommes d’Eglise. Comme apôtres, nous
sommes profondément plongés dans l’histoire humaine. Mais notre type
de présence cherche à apporter à l’Eglise et à la société la contribution
spécifique donnée par Don Bosco. Les critères pour évaluer la bonne
réussite du charisme sont l’augmentation du nombre de présences, là
où c’est possible, fruit du dynamisme intérieur qui pousse à se répandre,
la croissance en qualité et en quantité des vocations, le développement
de la Famille salésienne, l’importance évangélique sociale et ecclésiale,
la vie de sainteté. C’est ce qu’on peut constater, grâce à Dieu, çà
et là. Les missionnaires et la qualité missionnaire sont, par conséquent,
deux éléments nécessaires du charisme qu’il faut entretenir et promouvoir
dans chaque Province.
Mon merci va naturellement à vous tous, chers confrères, pour le don
de votre vie à Dieu dans la maison et à l’école de Don Bosco. La richesse
la plus grande de la Congrégation, ce n’est pas les structures, si grandes
et splendides qu’elles puissent être ou sembler, mais ses membres. Il
est important qui nous associons des collaborateurs dans la gestion
de nos œuvres, que nous fassions croître la Famille salésienne, que
nous cherchions des personnes toujours plus identifiées à l’éducation
et la pastorale que nous proposons; cependant, le bien le plus précieux
que possède la Congrégation est la vie de chaque confrère, tant de celui
qui a des rôles d’animation ou de gouvernement à exercer, que celui
qui travaille dans des services peu voyants, tant de celui qui est jeune
et plein de forces, que celui qui est âgé et même malade. Nous devons
être très reconnaissants envers tous les confrères. Sans eux, la Congrégation
pourra avoir beaucoup d’amis de Don Bosco, mais pas des salésiens. Ce
fait nous fait certes penser à veiller aux vocations, mais aussi à accompagner
chacun des profès. Le confrère n’est pas quelqu’un qui partage ma maison
ou mon travail, mais « quelqu’un qui m’appartient », « un
don du Seigneur » (NMI 43), avec qui j’ai à créer communion et
communauté; en effet, « Dieu nous appelle à vivre en communauté,
en nous confiant des frères à aimer » (Const. 50). Sur ce thème
le CG25 et l’étrenne 2003 deviennent un encouragement et un programme;
je suis sûr que les Provinces sauront en tirer parti pour rénover les
communautés.
Ce chant de louange me fait penser, en particulier, à notre centre de
référence, Don Bosco, qui est toujours à étudier et à imiter, comme
nous le propose l’article 21 de notre Règle de vie. Il s’agit de connaître
à fond sa vie, son histoire, son projet apostolique, tel qu’il apparaît
dans les Constitutions et dans le développement de la Congrégation à
travers les Chapitres généraux, en particulier ceux des trente dernières
années. Il s’agit de marcher au même rythme, en syntonie de sensibilité
et d’options, même si les circonstances sont très différentes. En visitant
les Provinces, je vois bien que celles qui ont fait l’effort d’assumer
les Chapitres généraux et les grandes propositions avancées par le Recteur
majeur avec son Conseil sur les terrains de la formation, de la pastorale
des jeunes, de la Famille salésienne, de la communication sociale, des
missions et des finances, se sentent davantage dans le mouvement de
la Congrégation. Il suffit de penser au travail de certaines Provinces
de traduire les documents les plus importants, pour les rendre accessibles
à tous les confrères. Il y a malheureusement encore des cas de résistance
au changement, comme s’il s’agissait de quelque chose de facultatif,
avec le risque d’isoler les confrères et toute la Province. À ce propos,
j’estime qu’une des tâches inaliénables des supérieurs de circonscriptions
juridiques (Provinces, quasi-Provinces, Délégations) est de garantir
leur identité et de créer en elles le sens de la Congrégation. Je sais
bien que les plus proches du centre ont plus de possibilités et même
de moyens, et que les plus éloignés sont souvent ceux qui ont le plus
de difficulté. C’est pourquoi j’apprécie tellement ce qui se fait en
ce sens et j’en suis reconnaissant.
2. Les premiers mois de travail au Conseil général
Je vous disais au début qu’il y a déjà plus de onze mois que j’ai été élu Recteur majeur. Vous voulez peut-être savoir ce que j’ai fait durant cette période. Je commencerai par vous dire que le travail le plus fort des premiers mois a été au niveau du Conseil général, comme c’est normal, également parce que j’ai choisi dès le début de travailler de façon beaucoup plus collégiale. Cela signifie que, pour des thèmes qui, d’habitude, n’étaient guère examinés ni étudiés au niveau du Conseil – parce que c’était ce qu’on estimait bon –, j’ai choisi d’associer davantage chacun des conseillers.
• Un exemple de cette collaboration est la réflexion sur le rapport du Recteur majeur et du Conseil général vis-à-vis de l’UPS. À ce sujet, nous avons fait une première étude, tant au niveau de l’institution qu’à celui de l’action. Nous avons toujours eu à l’esprit trois grands points: l’identité de l’UPS et sa spécificité; le projet organique de notre Université, avec un effort sérieux pour trouver le personnel pour les différentes Facultés; et enfin la restructuration des bâtiments, qui a déjà été réalisée en partie avec les nouvelles résidences pour les communautés d’étudiants, la nouvelle bibliothèque, la rénovation de quelques aires, et qui devra se poursuivre dans l’avenir avec le nouveau siège pour la Faculté des Sciences de la communication sociale et pour les adaptations aux normes de la sécurité.
Nous avons aussi entamé une évaluation institutionnelle de l’Université, en commençant par la Faculté des Lettres chrétiennes et classiques, et nous avons terminé une des orientations de la dernière visite d’ensemble à propos de l’unification en une seule personne de l’économe de la quasi-Province et de celui de l’Université. Précisément parce que l’UPS est l’Université de la Congrégation, je saisis l’occasion pour remercier l’Université et la quasi-Province des services si précieux qu’elles ont rendus au cours de toutes ces années, de même que je remercie tous les professeurs qui ont contribué par leur travail intellectuel et professionnel à former les cadres des Provinces et des diocèses et à faire prendre à notre Université la place qu’elle occupe aujourd’hui parmi les Universités pontificales. Je voudrais faire sentir cette Université qui est la nôtre comme une chose qui nous appartient à tous, et je vous invite donc à être très ouverts et généreux à collaborer pour le personnel. Jusqu’à voici peu, les Recteurs majeurs savaient qu’ils pouvaient facilement le trouver dans les Provinces d’Italie qui, dans ce secteur spécifique comme dans d’autres, ont toujours été très généreuses et solidaires. Mais le temps est venu où le caractère pluriculturel de la Congrégation et de l’Université elle-même, en plus du fait que manque le personnel en Italie, oblige à être coresponsables pour gérer notre Université avec la qualité et la compétence requises. La rénovation de notre Université requiert aussi la participation de la Congrégation à valoriser cette excellente institution par l’envoi de confrères de toutes les régions de la Congrégation pour leur qualification.
• En plus de l’administration ordinaire, une attention spéciale a été accordée ces mois-ci par le Conseil à la nomination des Provinciaux. Nous avons déjà nommé, dans cette période, près d’une trentaine de Provinciaux. Vous savez que la Congrégation compte 95 Provinciaux; ce qui veut dire que nous en avons nommé près du tiers. Il se peut que sur l’importance du nombre de nominations en une période aussi brève ait influencé aussi la maladie du P. Vecchi, à la fin de l’an dernier. En effet, même si, en différentes Provinces les consultations avaient été faites, le Conseil général précédent avait pris la décision de postposer la nomination jusqu’après l’élection du nouveau Recteur majeur, sachant qu’il s’agissait là d’une tâche très spécifique du Recteur majeur. La nomination du Provincial crée un rapport tout particulier entre le Recteur majeur et le Provincial à qui il confie une Province ou une quasi-Province.
• Cependant le travail le plus accaparant et, je dirais, aussi le plus important en cette période a été l’élaboration du Projet d’animation et de gouvernement du Recteur majeur et de son Conseil. Il a requis plusieurs mois de travail: il fallait, en effet, associer les divers dicastères de la maison générale et, au niveau de la Congrégation, les Régions et les Provinciaux. Ce fut une expérience très profitable. Je ne veux pas répéter ici ce que j’ai écrit dans ma présentation pour la publication du Projet au numéro 380 des ACG. Je vous invite plutôt à la lire et à bien connaître le Projet de la Congrégation pour ces six années. Il est bon – et même nécessaire! –de savoir où nous allons, avec quelles options prioritaires, avec quels buts à rejoindre, quelles stratégies à utiliser, quel genre d’activités. Je me réjouis avec les Provinces qui ont fait leur propre programmation, en tenant compte tant du document du CG25 que de notre Projet historique. J’espère que les Provinces qui ne l’ont pas encore faite se sentiront stimulées.
• Il y a eu d’autres thèmes qui ont occupé notre attention et notre temps. En plus de ce que j’ai mentionné à propos de l’UPS, nous avons commencé aussi l’étude de la valorisation de Cremisan. Nous avons pris en considération le présent et le futur immédiat, en laissant pour un autre moment plus favorable une perspective à longue échéance, comme l’avait envisagée le P. Vecchi. Nous savons tous comme est incertaine la situation politique en Terre Sainte. Nous nous sommes orientés vers le renforcement de la communauté de formation et du centre d’étude de Cremisan, pour les rendre toujours plus internationaux: Cremisan propose une formation à toutes le huit Régions de la Congrégation, tout comme le fait la communauté pour théologiens du « Gerini » à Rome. Dans notre monde pluriculturel et globalisé, nous reconnaissons l’importance d’expériences d’internationalité et d’interculturalité, à partir des études théologiques. Pour Cremisan, cela nous oriente aussi à commencer dans les prochaines années l’utilisation de l’anglais.
• Nous avons terminé et approuvé les documents sur l’identité des IUS, Institutions universitaires salésiennes, et sur la politique de la Congrégation à ce sujet. C’est ainsi que prend fin une période extraordinaire, avec une délégation personnelle dépendant directement du Recteur majeur, qui a eu comme but de relever les données sur nos Universités et Instituts d’éducation supérieure; cette période s’est révélée très enrichissante, parce qu’elle nous a permis de mieux connaître cette réalité qui existait dans la Congrégation, et parce qu’elle a atteint un niveau exemplaire de coordination et de synergie. À présent commence une nouvelle phase, plus institutionnelle, avec l’introduction de ce secteur dans le dicastère de la pastorale des jeunes, avec un projet et une programmation bien définis, dans le but de garantir toujours mieux les conditions qui rendent significatives ces présences et de profiter davantage de leur apport. La Congrégation ne prétend pas pousser toutes les Provinces à avoir leur Université, mais elle veut assumer la responsabilité de ces institutions, en fixant avec clarté leur identité et en définissant les critères qui la rendent possible. Ceux-ci, en effet, serviront de cadre de référence, quand il y aura une demande d’ériger une nouvelle Université.
• Nous avons aussi étudié et défini la politique administrative et financière, vu qu’il s’agit là d’un point important, non seulement pour le bon fonctionnement de l’économie, mais aussi pour sa conformité aux critères salésiens. Avec le budget 2003, approuvé par le Recteur majeur avec le Conseil, on a étudié aussi le bilan 2001. À ce sujet, beaucoup de Provinces marchent de mieux en mieux dans cette ligne, tant au niveau provincial que local. D’autres ont encore du chemin à faire pour éviter le risque, non irréel, de manquer d’une gestion professionnelle et salésienne.
• Dans la même ligne, bien que le sujet concerne le plus souvent le dicastère des missions, nous avons défini les critères pour la distribution des fonds, vu que, chaque année, à travers les Procures missionnaires, la Congrégation distribue une somme considérable pour mener à bien le travail que font les Provinces dans les divers contextes, en particulier ceux qui ont davantage besoin d’aide et de solidarité. Les Provinciaux ont reçu une communication, à faire connaître aux confrères, tant à propos des demandes d’aides que du compte rendu. Une plus grande responsabilité dans l’utilisation de l’argent et dans le compte à en rendre est un devoir moral vis-à-vis des bienfaiteurs et des directeurs des grandes Procures – Bonn, Madrid, New Rochelle, Turin – qui pourront, de la sorte, informer aussi les bienfaiteurs eux-mêmes.
• Nous avons, en outre, fait une première approche de l’évaluation sur les Chapitres généraux, demandée par le CG25 au nº 136. L’assemblée capitulaire a senti la nécessité de revoir le modèle selon lequel se sont déroulés les derniers Chapitres généraux, du CG23 au CG25. Ils ont continué à suivre un modèle qui s’était montré valable pour la série des Chapitres généraux extraordinaires – donc les 19, 20, 21 et 22, qui avaient pour but de redéfinir l’identité de la Congrégation – qui s’est pratiquement terminée avec l’approbation du texte actuel des Constitutions. Le Chapitres suivants ont eu un thème sur lequel ils devaient réfléchir . Les capitulaires ont exprimé la nécessité de prendre comme point de départ le rapport qui est présenté sur l’état de la Congrégation, pour trouver ensemble les grandes options à prendre, les grands terrains de priorité, et confier ensuite au Recteur majeur et à son Conseil la tâche de les traduire concrètement en un projet d’animation et de gouvernement. Le Conseil général continuera sa réflexion, pour communiquer ensuite aux Provinces le résultat de l’évaluation et des propositions éventuelles, en sachant que ces propositions devront être faites avant la moitié du sexennat.
• D’autres thèmes d’étudeont
concerné le besoin de rénover le portail internet de la Congrégation,
pour chercher à le rendre plus complet, facile et interactif; des documents
pour les divers projets demandés par le CG25: le projet organique
provincial, le projet personnel de vie et le projet de vie communautaire;
Don Bosco International (DBI), Bureau fondé depuis des années,
qui joue le rôle de visage civil de la Congrégation devant les institutions
de la Communauté européenne pour tout ce qui regarde la jeunesse, et
Don Bosco Network, qui est le réseau des Procures missionnaires
qui travaillent sous le patronage du DBI; l’attention aux biens culturels
de la Congrégation, pour laquelle on pense coordonner quelques dicastères
pour prendre soin des bibliothèques, des musées, des archives, des œuvres
d’art, de la production de communication sociale; la mise à jour du
Vade-mecum du Conseil général, qui regroupe la codification des
Constitutions et des Règlements sur les diverses tâches du Recteur majeur
et du Conseil, ainsi que les suggestions qui viennent de l’expérience;
le sondage fait dans toute la Congrégation sur la convenance d’un logo
commun; enfin le thème de la communauté de la maison générale.
Comme vous voyez, nous avons consacré une grande partie du travail du
Conseil à l’étude. C’est un point à ne pas sous-évaluer, avant tout
parce que l’animation et le gouvernement de la Congrégation, d’une Province
et d’une communauté ont besoin de réflexion, mais aussi parce qu’il
est indispensable de fixer les politiques de gouvernement et de définir
les critères d’identité et d’évaluation. Ce ne fut pas du temps perdu,
loin de là! Je pense que c’est un travail qui porte des fruits à long
terme, parce que ce sont les projets communs qui, avec l’affection pour
chacun, aident vraiment à créer la communion et l’unité.
3. L’activité d’orientation doctrinale
Le deuxième grand terrain de mon travail durant cette
période a certainement été celui de l’orientation doctrinale –
spirituelle, communautaire et pastorale – qui doit s’entendre toujours
plus comme un élément de gouvernement et non comme une simple animation.
À propos de cet aspect spécifique, je voudrais reprendre un point que
le P. Juan Vecchi, mais avant lui déjà aussi le P. Egidio
Viganò, soulignait fortement. Quand paraissaient ses lettres, il disait
explicitement qu’il ne les avait pas écrites pour en faire une simple
lecture spirituelle, mais pour les étudier, pour les faire entrer dans
la culture salésienne, entendue non pas du seul point de vue notionnel,
mais plutôt de celui de la constitution pastorale Gaudium et Spes,
c’est-à-dire comme la manière salésienne d’être, de réagir, d’affronter
la réalité, d’être en relation entre nous.
En cette période, je n’ai écrit qu’une seule lettre circulaire, celle
sur la sainteté; mais j’ai aussi rédigé la présentation du document
du CG25, le commentaire écrit de l’étrenne et sa présentation en vidéo,
ainsi que l’introduction du Projet d’animation et de gouvernement du
Recteur majeur et du Conseil général, paru dans le précédent numéro
des Actes du Conseil général. Il y a évidemment eu encore beaucoup d’autres
interventions: conférences, salutations, messages, y compris ceux destinés
au Bulletin salésien, à la Famille salésienne et au Mouvement salésien
des jeunes, des interviews de journaux, radios, télévisions, qui requièrent
vraiment beaucoup de temps et de préparation. Je connais à présent de
façon plus directe le rythme de vie et l’horaire de travail de Don Bosco
et de mes prédécesseurs, et l’insistance de l’un d’eux pour dire que
le Recteur majeur devait consacrer une grande partie de son temps à
étudier pour pouvoir offrir une doctrine solide, en sorte que les messages
qu’il écrit puissent éclairer et faire des propositions, et ne pas être
une parole purement formelle et donc peu marquante.
Je vois aussi que les documents salésiens n’arrivent pas à temps à toutes
les Provinces ou, du moins, pas à toutes les communautés, ce qui crée
une situation un peu singulière: car il arrive qu’alors qu’un document
n’a pas encore été lu, le Recteur majeur est en train d’en écrire un
autre. La solution n’est certes pas de cesser d’écrire, parce que le
supérieur qui réalise ce service n’écrit pas pour sa gloire personnelle,
mais pour guider et accompagner le cours de la vie humaine, ecclésiale
et salésienne. Il est certes possible de faire une pause et de ne pas
écrire, mais cela n’arrête pas l’histoire; et les problèmes ne sont
pas affrontés ni la vie éclairée.
Je pense que sur ce point, nous sommes tous appelés, à commencer par
la Direction générale, à faire un effort pour favoriser l’accès immédiat
aux diverses communications. Nous cherchons à mettre les textes sur
notre site, pour qu’ils puissent se décharger directement de l’internet.
Naturellement il revient aux Provinces de veiller à leur distribution,
à leur étude et parfois aussi à leur évaluation, et de chercher toujours
à ce qu’ils soient connus et assumés. Dans cette ligne, un bon confrère
de la maison générale me suggérait de n’écrire une nouvelle lettre qu’après
avoir vérifié la façon dont la lettre sur la sainteté avait été accueillie
pour devenir un programme de vie. Même si, à la fin, je n’ai pas estimé
opportun d’assumer cette suggestion, sa préoccupation reste valable.
Pour le moment, je vous dis déjà que j’aurais l’intention d’orienter
les lettres et d’autres communications importantes durant les six années
selon les objectifs du Projet d’animation et de gouvernement et à la
lumière du CG25. Ce sera une façon de l’approfondir et d’en éclairer
la pratique.
4. Visites aux Provinces
Je n’ai pas encore visité beaucoup de Provinces. Je dis:
« encore », parce qu’un coup d’œil sur l’agenda pour l’avenir
a un peu de quoi effrayer… D’un côté, je vois bien que la présence dans
les Provinces devient un moyen privilégié d’animation, surtout quand
les visites sont bien préparées; mais je sais par ailleurs que je ne
puis pas rester si longtemps hors de la maison générale, parce que j’ai
besoin de veiller à beaucoup d’autres responsabilités. Je suis à votre
disposition et je demande votre compréhension si le Recteur majeur ne
peut pas toujours visiter toutes les Provinces. Il faut dire que le
Vicaire aussi remplit ce rôle en de nombreux cas; et puis le Conseil
a la préoccupation de ce que toutes les Provinces puissent être visitées
par les divers conseillers de secteur en plus des conseillers régionaux.
En Europe j’ai visité plusieurs Provinces d’Italie: la Province
Lombardo-Emilienne, au début de mon mandat, mais très brièvement,
à l’occasion de la fête du bienheureux Artémide Zatti à Boretto, c’est
pourquoi je devrai retourner encore; le Piémont et la Vallée d’Aoste,
qui est une Province que je visite souvent, puisque s’y trouvent la
maison mère et les lieux de référence de nos origines; la Ligure-Toscane;
la Sardaigne; la Province Romaine, où j’ai participé à de multiples
événements, et celle de Venise. J’ai visité la France, l’Espagne,
en particulier Salamanque pour recevoir la citoyenneté, puisque j’avais
étudié à cette Université, la Pologne et l’Albanie. En Amérique
je suis allé au Mexique, en Argentine, dans la Province
de Recife au Brésil. En Asie j’ai visité les Philippines
et la Thaïlande. Jusqu’à présent je ne suis allé dans aucun pays
d’Afrique ni d’Océanie.
Au sujet aussi de ces visites, je désire partager avec vous quelques
expériences, mais surtout quelques réflexions que je me suis faites
au contact de ces Provinces. Je ne parlerai évidemment pas de toutes.
4.1 – En Italie
Je commence par une réflexion sur la visite aux Provinces
italiennes. Elles ont le privilège d’avoir été les héritières directes
du charisme de Don Bosco. Elles ont su l’accueillir vraiment très bien
et aussi la transmettre. Bref, je puis dire que l’organisation et le
vécu personnel et communautaire de ces Provinces cherchent à être fidèles
aux critères salésiens présents dans les Constitutions.
Quand on a une vue d’ensemble de la Congrégation, qui est présente dans
environ 130 pays du monde, ou quand on a l’occasion de participer, par
exemple, à une expérience comme celle du CG25, où la mondialité est
vraiment bien représentée, on perçoit qu’il y a une identité au sein
de la diversité culturelle de notre Congrégation salésienne. Il faut
l’attribuer, en grande partie, avant tout à la capacité de transmettre
avec fidélité un charisme, à son enracinement et à sa capacité de se
répandre dans les divers pays et contextes où s’est développée la Congrégation.
Il faut dire que ce fut une sage politique de gouvernement que de ne
pas concentrer tous les salésiens italiens dans le même pays, de ne
pas multiplier sans mesure les Provinces en Italie, de favoriser ainsi
la qualité missionnaire en Italie et par conséquent la mondialité dans
la Congrégation.
Sous ce profil, l’intervention clairvoyante de Don Bosco dès le début,
quand en 1875 il envoya la première expédition missionnaire, s’est révélée
dynamique, courageuse et judicieuse. On a poursuivi chaque année avec
cet élan, et parfois avec deux expéditions missionnaires par an. Cet
esprit missionnaire peut expliquer notre expansion mondiale, mais aussi
le visage actuel de la Congrégation, qui a une présence somme toute
bien équilibrée dans les cinq continents. Il est vrai qu’aujourd’hui
il n’y a pas beaucoup de vocations en Italie, du moins pas aussi nombreuse
que par le passé; il est vrai que la présence salésienne dans des pays
d’antique tradition chrétienne d’Europe devra prendre un autre visage,
mais il est tout aussi vrai que notre Congrégation continue à se développer
dans toute l’Asie, et pas seulement en Inde, et en Afrique; tandis qu’en
Amérique latine les chiffres sont plus ou moins constants.
Cette présence de la Congrégation dans le monde est due de façon spéciale,
mais non exclusive, aux salésiens d’Italie. Dès mon premier mot du soir,
j’ai voulu remercier les salésiens italiens d’avoir transmis le charisme
avec fidélité et dynamisme. Dans cette même adresse aux capitulaires,
j’ai souligné que cette tâche était aujourd’hui passée à tous les salésiens,
avant tout par le fait que la Congrégation n’est plus – ou seulement
– italienne, mais vraiment mondiale, et aussi par le fait que la responsabilité
doit à présent passer aux Provinces dans les divers contextes.
La qualité missionnaire de la présence salésienne italienne, qui continue
à être très forte, a joué aussi un rôle important dans l’inculturation
du charisme. Vous trouverez les missionnaires italiens dans plusieurs
des expériences d’inculturation les mieux réussies dans la Congrégation,
parce qu’ils ont étudié l’anthropologie appliquée, ont cherché à entrer
dans la culture des peuples, ont appris leur langue, en ont écrit les
grammaires et créé les dictionnaires, ont promu et accompagné leurs
processus. Ce serait de la myopie que de ne pas valoriser ce que la
présence salésienne italienne a donné à la Congrégation: entre autres,
un sens très fort de Congrégation et des exemples valables d’inculturation.
Mais que signifie l’affirmation qu’à présent la tâche de la transmission
du charisme doit passer à toutes les Provinces? Que chaque Province
doit développer et soigner ces points, et avant tout une profonde connaissance
de Don Bosco. Don Bosco doit être connu! On ne peut vivre de lieux communs
ni d’anecdotes, sans jamais découvrir où se trouvent les critères et
les lois de vie salésienne. Il faut étudier Don Bosco! Il y a sans aucun
doute une transmission vitale du charisme, de l’esprit, de la spiritualité,
de la mission. C’est une espèce d’herméneutique existentielle de ce
que signifie aujourd’huiêtre salésien. Mais cette expérience doit se
codifier et avoir un cadre de référence. Ici en Italie il y a eu, en
vue de ce travail aussi fondamental, un investissement très consistant
en personnel dans le domaine de l’histoire, tant de la biographie
que de l’historiographie critique, dans le domaine de la pédagogie
et des sciences de l’éducation, dans le domaine de la spiritualité.
Ce sont trois points essentiels pour connaître le charisme en profondeur
et le transmettre avec fidélité. Que la responsabilité de transmettre
le charisme passe à toutes les Provinces du monde, ce ne peut donc être
un « slogan » sans contenus: cela comporte des conséquences.
Et ces conséquences doivent être explicitées, précisément parce qu’il
faut ensuite évaluer vraiment si les Provinces sont capables de prendre
en main le témoin.
Il y a un autre point très important: la sainteté. Pour être
fidèle justement, la transmission d’un charisme a besoin de témoignage,
de sainteté. Je pense que nous sommes tous conscients d’appartenir à
une famille de saints, confrères, membres de la Famille salésienne,
élèves qui ont rejoint une mesure élevée de vie spirituelle. Il est
très beau de visiter les Provinces et de découvrir ces modèles, proches
de la réalité de tous, et ainsi de pouvoir dire: regardez ce qu’ont
réussi à faire ces confrères ou ces jeunes et ce que nous sommes appelés
à faire et à être, nous aussi.
4.2 – En France
Je commence par dire que j’étais allé en France essentiellement
pour apprendre un peu de français, et par conséquent, pas pour faire
une visite. Mais à la fin, le premier objectif s’est uni à un programme
de visites aux communautés d’Alsace, de Bretagne et de Normandie. Ce
fut une expérience très agréable, intéressante et enrichissante.
Trois points, en particulier, m’ont laissé une bonne impression. Avant
tout un grand amour pour Don Bosco. Nous savons que Don Bosco est allé
France chercher des fonds pour payer les frais de l’église du Sacré-Cœur,
et il fut très explicite sur ce point. Le plus beau est que, non seulement
Don Bosco obtint l’aide qu’il demandait, mais qu’il magnétisa le peuple
français, qui resta épris de lui. En lisant quelques documents de la
première visite de Don Bosco, en parcourant les pages de certains de
ses sermons dans les églises, on voit comme il a réussi à susciter un
grand étonnement plein d’admiration chez le peuple français.
En deuxième lieu m’ont frappé les centres de formation professionnelle
et les écoles agricoles de haut niveau, dont plusieurs avec un nombre
très grand d’internes. Je n’aurais jamais imaginé ce type de présences
dans un pays qui est parmi les évolués d’Europe. Les écoles techniques
industrielles ainsi que les écoles agricoles non seulement s’alignent
avec un secteur typiquement salésien, mais nous permettent aussi de
suivre et d’éduquer les jeunes du monde du travail et de la campagne,
même dans des contextes riches et de bien-être; ce n’est pas indifférent,
malgré le déséquilibre entre les ressources humaines disponibles et
les tâches à affronter. Il me semble avoir découvert un grand sens de
responsabilité sur le terrain de la mission salésienne.
La troisième activité intéressante est la construction d’un centre de
formation salésienne pour les laïcs à Lyon, qui devra être inauguré
dans un an. C’est un signe de l’identité salésienne qui se vérifie dans
la mission, de l’amour pour Don Bosco dont j’ai parlé, de la capacité
de croire en son charisme et de la volonté de le partager et de le répandre,
dans la ligne de la pratique de Don Bosco et en fidélité aux orientations
des derniers Chapitres généraux, en particulier – à propos de cette
initiative de Lyon – le CG24.
4.3 – En Pologne
En Pologne j’ai fait une visite aux quatre Provinces: Cracovie, Piła, Varsovie et Wrocław. La visite de chaque Province avait été préparée avec soin et, malgré la difficulté de la langue, elle s’est très bien passée.
• Contact avec les origines
Avant tout,la visite de Cracovie. L’expérience
qui m’a fait le plus d’impression est peut-être la visite à Oświęcim,
la première œuvre de la présence salésienne en Pologne. Un lieu d’où
le charisme salésien s’est répandu dans toute la nation, ainsi qu’à
l’est de l’Europe, d’une manière si féconde que nous avons aujourd’hui
plus de mille salésiens en Pologne. Oświęcim devient en outre
éloquent par sa situation même. Il se trouve très près, à moins de 5 km,
du camp de concentration d’Auschwitz, où il y a eu le plus grand cimetière
du monde en 40-45! Il est stimulant de penser qu’aux environs de ce
grand cimetière, expression la plus tragique d’une anticulture de mort,
il y avait une œuvre où la vie, comme une semence aussi, croissait au
même moment et se développait en suscitant l’espérance.
Il est étonnant de voir la fécondité en vocations du passé ainsi que
du présent, le sens religieux profond du peuple, la ténacité pour conserver
son identité. Les salésiens sont conscients de ce que l’entrée de la
Pologne dans la communauté européenne apportera avec le bien-être un
changement culturel; ils sont prêts à bien l’affronter.
• Dynamisme de la Famille salésienne et du Mouvement salésien des jeunes
À Wrocław, l’événement central a été une grande et solennelle célébration au célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Częstochowa. Il est le cœur spirituel de la Pologne, et on peut y sentir sa densité religieuse. Pour moi ce fut un moment personnel de grande émotion. Cependant, au point de vue de l’animation, le moment le plus intéressant a été la rencontre de toute la Famille salésienne, à laquelle participaient quelques jeunes patronnés du patronage de Poznań. Ils nous ont montré la première partie du film qu’ils sont en train de réaliser sur les cinq jeunes martyrs de Poznań. J’ai eu le plaisir d’écouter leur récit, la manière dont ils se sentent identifiés à ces jeunes martyrs. Ils se savent de vrais héritiers d’un trésor spirituel à communiquer! Je ne crois pas exagéré de vous dire que, après le patronage du Valdocco, le patronage le plus renommé du monde entier est à présent celui de Poznań, où la sainteté a fleuri, non seulement par le martyre, mais par la qualité de vie salésienne. La béatification des jeunes martyrs a souligné les traits de personnalité qu’ils avaient développés au patronage. Ils en étaient conscients, les jeunes qui, en présentant le film, affirmaient: « Nous sommes les dépositaires d’un trésor à communiquer aux jeunes du monde ». Ce sont ces jeunes qui ont présenté le message et le témoignage. Et je me disais: Que puis-je ajouter de plus? Nous avons entendu ce qu’est capable de faire un patronage salésien: créer des personnalités robustes qui se manifestent précisément dans les temps de crise; des jeunes qui ont eu une rencontre avec le Christ; des jeunes qui ont appris à servir; des jeunes qui savaient que leur foi pouvait même les conduire au martyre; des jeunes d’une grande espérance, celle de la victoire du bien sur le mal. L’histoire leur a donné raison. Trois ans à peine après leur sacrifice, le nazisme était terminé; c’est ce qui est arrivé quelques années plus tard avec l’idéologie communiste; et cela signifie qu’en ces patronnés nous avons une sainteté authentique de jeunes.
• Un « nouveau » terrain de la mission salésienne
ÀPiła, nous avons eu une célébration extraordinaire, avec une telle participation que la magnifique église était trop petite pour accueillir tout le monde. Mais ce qui m’a frappé le plus, c’est la rencontre avec toute la communauté éducatrice de l’école d’Aleksandr