“Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde”(Mt 5, 13.14)
1.Brève présentation globale de la Région.
La réalité sociale.Le contexte culturel.
La présence de l'Eglise catholique.
La vie consacrée.
2. Comment est arrivé Don Bosco et s'est développé son Charisme.
L'appel missionnaire de Don Bosco naît en Asie.
Notes d'histoire, à partir des rêves missionnaires de Don Bosco.
Don Bosco est arrivé avant les Salésiens
Une Région missionnaire
3.Présentation de la Région du point de vue salésien.
Les Salésiens.
La vie communautaire.
Typologie des présences et des œuvres salésiennes:
-
La pastoral juvenil
La formation
L'engagement missionnaire et l'insertion du Charisme dans les cultures
La communication sociale
La Famille Salésienne
Economie-solidarité.
4.Expériences charismatiques plus significatives (dans les différentes Provinces).
Conclusion: "Je suis toujours près de vous"
Rome, 25 février 2007
Fête des Saints Martyrs Louis Versiglia et Calliste Caravario
Très chers Confrères,
Après la lettre de présentation de la Région Asie du Sud, j'ai le plaisir de vous parler maintenant de la Région Asie Est - Océanie. Plus que dans d'autres parties du monde, ici les chrétiens, en général, et les religieux, en particulier, sont appelés à être "le sel de la terre" et "la lumière du monde". En présence de peuples ayant des traditions religieuses très anciennes et vénérables qui imprègnent dans une large mesure leur culture, il est naturel que le Christianisme soit considéré comme une religion occidentale et donc étrangère à tous points de vue. C'est pourquoi les disciples de Jésus doivent donner la preuve que le Christianisme, en plus de savoir vivre avec d'autres formes religieuses fortement enracinées dans ces peuples, est une religion qui peut s'insérer dans toutes les cultures du monde, sans toutefois s'identifier avec l'une ou l'autre d'entre elles, puisque toutes doivent recevoir du Christ purification et élévation. Un effort d'insertion dans les cultures est certes à accomplir avec compétence et engagement, mais cela requiert avant tout de la part du chrétien une identité claire. Dans le sermon sur la montagne Jésus nous dit que pour être disciple il est question d'être, et non de faire. Et, en tout cas, c'est ce que veulent dire les expressions comme "être sel" et "être lumière", autrement dit être d'authentiques disciples de Jésus, qui n'hésite pas à indiquer le sort de ceux qui le suivent dès lors qu'ils perdraient leur identité ; le même sort que le sel qui a perdu sa saveur : « Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes ».
Notre vie doit trancher par une très haute qualité spirituelle et par une action imprégnée de charité, de sorte que ces deux aspects, l'un traduisant une expérience de Dieu et l'autre une mission, fassent de nous une présence du Christ qui nous transfigure, capable d'apporter la lumière à tous ceux qui sont dans la maison. Voici quel est le souhait du Christ, et je le fais mien : « Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,16). En parlant de la vie chrétienne comme annonce, Jean-Paul II écrit dans l'Exhortation Apostolique Ecclesia in Asia : « Cette annonce est une mission qui a besoin de saints hommes et de saintes femmes qui feront connaître et aimer le Sauveur par leurs vies. Un feu ne peut être allumé que par quelque chose qui est lui-même enflammé » (n. 23). Pour nous, Salésiens, ces images de sel et de feu trouvent leur équivalent dans la passion spirituelle et apostolique du Da mihi animas, que chaque confrère est appelé à réveiller dans son cœur.
Dans cette zone du monde, il n'y aurait pas de plus grande contradiction de l'Eglise et de la Congrégation qu'une présence chrétienne religieuse salésienne sécularisée, sans une expérience de Dieu claire et entraînante, qu'une présence embourgeoisée, sans un engagement solidaire en faveur des plus pauvres qui soit un signe efficace du Royaume.
La Région Asie Est - Océanie, qui comprend 20 pays, même si elle a été la dernière à être constituée dans le dernier Chapitre Général, a fêté récemment le centenaire de l'arrivée des premiers missionnaires. Ceux-ci ont abordé à Macao, en Chine, le 13 février 1906 pour fonder la présence qui est la première et la plus ancienne - pratiquement ininterrompue - de toute la Région. Avec raison elle peut être considérée comme le 'berceau' des œuvres salésiennes dans l'Asie Est. L'œuvre salésienne dans la Région est un arbre désormais centenaire, qui ne manque pas de vitalité et de promesses pour l'avenir. Elle compte, en effet, un nombre, qui n'est pas sans importance, de nouvelles présences, même récentes. Naturellement, vu la si grande diversité de la Région dans sa composition, elle comprend des zones où la Congrégation se développe avec vigueur et fécondité, et d'autres sur lesquelles la Congrégation jette un regard avec intérêt et espoir. Il s'agit d'une réalité complexe et dynamique, au point qu'au cours des 40 dernières années les Provinces et les quasi-Provinces qui la composent ont successivement appartenu à quatre circonscriptions régionales différentes. Le choix du GC25 de constituer une Région distincte des autres semble mieux répondre à la réalité et aux besoins des Provinces, ainsi que de la quasi-Province et de la Délégation qui en font partie.
La Région concerne les Nations suivantes : Australie, Cambodge, Chine (avec Hong Kong et Macao), Corée du Sud, Iles Fidji, Indonésie, Japon, Laos, Mongolie, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Iles Salomon, Iles Samoa, Taiwan, Thaïlande, Timor Oriental, Viêt-nam.
Elle comprend les Circonscriptions suivantes : les Provinces de Chine, d'Australie, du Japon, de Thaïlande, Philippines - Nord, Philippines - Sud, du Viêt-nam, de Corée ; la quasi-Province Indonésie - Timor ; et enfin la Délégation de Papouasie-Nouvelle-Guinée et Iles Salomon.
Au cours des cinq premières années d'existence de cette nouvelle Région on a vu de nombreux avantages dans le fait de pouvoir accompagner de plus près chacune des circonscriptions et en coordonner l'ensemble. La Visite d'ensemble de 2005, qui s'est déroulée à Hua Hin (Thaïlande), a renforcé le sens de Région, dont on discutait et que l'on était en train d'expérimenter dans divers secteurs (Provinces, Dicastères, activités) depuis au moins 18 ans [1] . Toutefois à Hua Hin on est parvenu à un vrai sens de Région, à une croissance de collaboration et à une claire volonté de coordination, exprimés dans le document "Vision - Mission".
En regardant la situation dans les différentes réalités de l'Asie Est - Océanie, où le Christianisme représente une authentique minorité, on s'aperçoit aussitôt de la manière dont les Salésiens peuvent être appelés à être 'sel' et 'lumière', de l'exigence qu'ils ont de vivre la vie consacrée comme missionnaires 'inter gentes' [auprès des gens de leur pays], et de leur devoir d'œuvrer en 'missionnaires des jeunes'. L'Eglise Catholique, et en elle la Vie consacrée et la Congrégation Salésienne, vivent plongées dans l'océan de peuples différents, de religions anciennes et de cultures aux racines religieuses profondes mais non chrétiennes. Cela rend plus pressant l'engagement de l'insertion dans les cultures, pour enraciner la vie salésienne dans les divers contextes et lui donner importance et fécondité, en prenant soin de l'identité chrétienne et de l'identité charismatique et en portant attention à la diversité des cultures. Dans le même temps, le fait d'être une minorité au sein des populations exige de nous dans cette Région un engagement déterminé pour développer la dimension missionnaire de la vocation salésienne, faire grandir l'esprit missionnaire chez les confrères et dans les communautés et donner la priorité à l'évangélisation. Il s'agit d'un engagement à longue échéance, qui exige chez le salésien une capacité au dialogue avec les cultures et les religions locales. [2]
1. Brève présentation globale de la Région
La surface géographique de la Région est très étendue. Le caractère le plus évident est la variété des contextes et des situations dans lesquels nos confrères vivent leur vie religieuse et mènent la mission salésienne. Il n'est pas facile de décrire brièvement une réalité socio-politico-religieuse aussi bigarrée. En quelques traits de plume j'essaie de vous la faire approcher.
La réalité sociale
Parmi les Nations concernées par la Région nous en trouvons quelques-unes qui sont sorties dans un passé récent de situations de guerre, de lutte pour leur propre autonomie, parfois de guerres idéologiques, civiles, avec des génocides horribles. On peut dire que la Région est à présent pacifique et se donne avec énergie à son développement économique, social et civil, même si ne manquent pas des tensions et des luttes d'origine raciale, religieuse ou politique (Timor Oriental, Aceh, Iles Fidji, Iles Salomon, le sud de la Thaïlande et Philippines)
La zone de l'Asie Est - Océanie comprend presque un tiers de la population mondiale et on y parle un tiers des langues du monde tout entier. Pour 60% de la population l'âge est inférieur à 21 ans. La Chine, à elle toute seule avec son milliard et trois cents millions d'habitants, a sur le plan de la démographie, de l'économie et de la politique un poids spécifique supérieur à celui non seulement des autres nations, mais de continents entiers. Son ouverture à l'économie de marché, à partir de 1979, et son entrée récente dans le milieu de la politique internationale en font un sujet qui naturellement influe et influera de plus en plus sur le devenir de la vie sociale, économique et politique dans le monde entier. La Région en tant que telle est fortement impliquée - si ce n'est déjà même à l'avant-garde - dans des changements vastes, rapides et profonds, qui sont en train de faire naître des réalités contrastantes de lumières et d'ombres : vie et mort, pauvreté et richesse, progrès et régressions sur le plan social, conquêtes et défaites. En réalité il s'agit d'une Région composée de deux continents, de cultures et de religions diverses.
Dans la Région vivent près de 40% des non-chrétiens du monde. Les Catholiques sont seulement 100 millions, formant une diaspora correspondant à 5% de la population. On constate, d'une part, un réveil religieux et, d'autre part, la croissante subordination des valeurs religieuses au développement économique, surtout dans les grandes villes. Est-il juste - se demande-t-on - de parler de "sécularisation" dans la société asiatique, terme exprimant un processus qui s'est développé essentiellement dans le milieu culturel de l'occident chrétien ? Selon la réflexion faite dans nos rencontres d'Animation Missionnaire en Asie on ne peut pas dire qu'il existe une sécularisation, mais il est plus juste de parler "de subordination ou d'asservissement des valeurs religieuses au développement économique". On pourrait parler d'athéisme pratique avec un vernis de religiosité sociale.
Sont présentes des poches plus ou moins amples de fondamentalisme, en tant que réaction aux énormes changements sociaux et culturels, que les gens ne savent pas affronter. La crise économique dans l'Est de l'Asie surmontée depuis peu (1997-1998) a soulevé beaucoup de questions se rapportant au modèle économique qui se trouvait derrière ce qu'on a appelé le 'miracle asiatique', à sa corrélation avec les valeurs culturelles, aux manques de compensation et d'adéquation, à la détérioration croissante du milieu, aux inégalités sociales et à l'exploitation de la main-d'œuvre, aux demandes croissantes d'énergie et de matières premières ; elle a soulevé des tensions et des brèches mises à nu par le terrible tsunami de 2004 et par les attentats de Bali de 2002-2004. Dans la zone coexistent différentes formes de gouvernement, bien établies ou en évolution : à côté de démocraties, anciennes et nouvelles (Japon, Philippines, Taiwan, Australie), nous trouvons des systèmes socialistes, des monarchies traditionnelles (Thaïlande, Cambodge, Japon) et des dictatures militaires. En particulier, la Chine et le Viêt-nam, avec la Corée du Nord et le Laos, représentent le dernier grand bloc d'idéologie et de totalitarisme d'origine marxiste. Tous ont à affronter des phénomènes communs, déjà mentionnés, qui tendent à s'étendre : le gap [coupure, fossé] entre les riches et les pauvres ; la désertion des campagnes et l'urbanisation, avec la dislocation culturelle qui s'ensuit ; une industrialisation peu attentive au milieu et une injustice sociale croissante, qui risque de bouleverser d'anciens équilibres. La conscience politique démocratique se développe et va inévitablement, même si c'est de façon marginale, jusqu'à concerner les pays à régime communiste.
Le contexte culturel
Fondamentalement on distingue quatre systèmes de valeurs culturelles.
Le premier et le plus solide est le système de l'Est de l'Asie, ayant des racines confucianistes et/ou bouddhistes, dont l'influence s'étend sur une grande partie de la Région. Ce système s'appuie sur les valeurs familiales et les valeurs communautaires : la priorité est donnée aux devoirs de l'individu envers la famille, les anciens ou le clan, et, dans un cas opposé, envers les gouvernants. L'étude et le travail soigné sont considérés comme importants.
Le système lié à l'Islam de type asiatique est en général plus modéré et tolérant que celui de l'Islam de la zone arabe, et il est mélangé avec diverses valeurs de l'animisme populaire. Nous trouvons même un milieu panaché dans les Philippines : dans la communauté malaise présente en ce pays, la culture de la majorité est marquée par une longue colonisation espagnole. Le système, dans le Pacifique, de la Mélanésie et de la Polynésie est centré sur l'animisme, autour du noyau famille - tribu, et sur le partage des biens.
Enfin il y a le système occidental rationaliste et libertaire, qui est en train d'émerger dans la Région et porte en lui-même les racines de la vision chrétienne et de la réaction rationaliste à cette dernière. Comme le note l'Exhortation Apostolique Ecclesia in Oceania (cf. nn. 6-7), ce système, présent et typique en Australie, se focalise sur le bonheur, sur le succès, avec un individualisme croissant et une forte laïcisation. Tandis que nous constatons la présence de ces différents systèmes de valeurs et de ces contextes culturels, nous voyons, en même temps, que la forte migration, qu'elle soit locale ou internationale, favorise aussi le mélange de ces racines et de ces origines culturelles et religieuses.
La présence de l'Eglise catholique
Les Catholiques de l'Asie Est forment dans les Philippines un groupe constitué de la majorité d'entre eux : dans ce pays les Catholiques atteignent un pourcentage élevé (81% des 84 millions d'habitants), même si ne manquent pas les tensions. Deux autres pays ayant un pourcentage important de Catholiques sont Timor Oriental (90%) et la Corée du Sud (11%), qui ont ensemble 30% de Catholiques. Pour le reste, le catholicisme dans la Région vit la réalité de la diaspora, ayant des pourcentages qui vont du minimum de 0,4% (Thaïlande, Chine, Japon) à 6% (Viêt-nam) de la population.
C'est une Eglise jeune, ayant une vitalité et un courage parfois extraordinaires, comme dans la Corée du Sud et au Viêt-nam. Même si dans certains endroits l'Eglise est encore considérée comme une religion occidentale, étrangère, elle est d'habitude vue d'une manière très positive. Bien qu'en de nombreuses parties de la Région l'évangélisation soit relativement récente, elle a placé des racines profondes, grâce aussi aux très nombreux martyrs des trois derniers siècles : pour un bon nombre d'entre eux, ils sont déjà canonisés ou du moins béatifiés (120 de la Chine, parmi lesquels nos Saints Louis Versiglia et Calliste Caravario, 117 du Viêt-nam, 103 de la Corée, 247 du Japon, 8 de la Thaïlande, 2 des Philippines, 1 de Papouasie-Nouvelle-Guinée).
En observant le chemin de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie (FABC) pendant les trente dernières années, on apprécie l'engagement d'approfondissement des orientations pour l'évangélisation intégrale dans le milieu asiatique. Une des principales valeurs de ces cultures - l'harmonie - suggère comme voie incontournable de la mission un dialogue à quatre dimensions (dialogue de vie - d'action - de l'échange théologique et du partage d'expériences religieuses), au moyen duquel l'Evangile est donné en partage et en communication aux gens des anciennes religions non chrétiennes. Un événement historique s'est produit avec le premier Congrès Missionnaire Asiatique organisé par la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie (FABC) à Chiang Mai (Thaïlande) en Octobre 2006, avec le thème "Raconter l'histoire de Jésus en Asie". Le récit de l'expérience vécue avec Jésus comme la meilleure route pour proclamer l'Evangile dans les pays asiatiques a été suggérée par Jean-Paul II dans l'Exhortation Apostolique Ecclesia in Asia (n. 20).
Dans les pays de l'Océanie le nombre des Catholiques s'élève au quart de la population, mais ils vivent deux situations complètement différentes. D'une part l'Australie (27% de catholiques), un pays ayant une "hard culture" [culture dans laquelle il est dur pour la foi de pénétrer], un pays caractérisé par une présence, qui n'est pas sans importance, d'immigrants en provenance d'Italie et en général d'Europe, après la seconde guerre mondiale, et ensuite du Viêt-nam, après la guerre du Viêt-nam, un pays où l'on doit travailler dur pour évangéliser ; d'autre part les îles du Pacifique, zone d'évangélisation récente qui a besoin d'approfondir les racines et qui rencontre des difficultés dans la formation de solides vocations issues du pays, tant vers le sacerdoce que vers la vie consacrée.
Dans toute cette zone l'Eglise se trouve devant le défi de développer une véritable spiritualité missionnaire intégrale et insérée dans les cultures, afin de former des témoins fidèles crédibles au milieu des différentes religions et des différentes cultures. C'est seulement ainsi que l'Eglise peut surmonter la dichotomie entre la vie et la foi, entre une vie centrée sur les sacrements et la prière et une vie engagée dans le social, entre une vie chrétienne fermée sur elle-même et une vie ouverte au dialogue avec les non-chrétiens. Les nouveaux convertis venus des religions animistes, polythéistes d'Océanie, ou bien venus du Bouddhisme ou du Confucianisme de l'Asie Est ont embrassé l'Evangile parfois avec enthousiasme et profondeur, parfois seulement superficiellement. Il y a encore un long chemin à faire pour l'enracinement de la foi catholique dans le sol des anciennes cultures.
La vie consacrée
Pour la majorité des Eglises de l'Asie Est l'époque actuelle semble un printemps, avec toutes ses promesses : fondation de nouvelles Eglises locales (par exemple en Mongolie, avec 450 Catholiques originaires du pays après les 15 premières années de mission), naissance de nouveaux Instituts missionnaires fondés sur place (Corée, Philippines, Thaïlande, Indonésie), élan plein de fraîcheur pour annoncer l'Evangile, malgré la situation de diaspora, fécondité au niveau des vocations (Viêt-nam, Corée du Sud). A l'intérieur de cette Eglise de l'Asie Est nous sommes témoins d'une croissance impressionnante. Dans les 15 dernières années le nombre des religieux prêtres a augmenté de quatre fois, le nombre des religieux frères de 40%, celui des sœurs de 30%. Des centaines de missionnaires "ad gentes" [vers d'autres pays que le sien] et "ad vitam" [pour la vie] sont partis des Eglises locales.
Dans le secteur 'Pacifique' de la Région nous trouvons de nombreuses Congrégations religieuses qui sont encore à la recherche des expressions de la vie consacrée dans les cultures locales, auxquelles adhèrent soit les missionnaires soit les membres indigènes. En Australie au contraire l'engagement des personnes consacrées tourne autour de la pastorale des vocations, autour de la formation des laïcs collaborateurs selon les différents Charismes des Congrégations.
A mon avis il y a quatre défis principaux pour la Vie Consacrée dans la Région :
- la mystique : dans une Région en général profondément religieuse il est absolument indispensable de garantir chez les personnes consacrées une forte expérience personnelle de Dieu ;
- la prophétie : les communautés religieuses sont appelées à avoir le courage d'incarner l'Evangile comme un modèle de vie qui constitue une solution de changement ;
- l'insertion de la Vie Consacrée dans les cultures, qui fasse en sorte que les religieux ne se sentent plus étrangers sur leur propre terre, ne soient pas comme des personnes étrangères aux yeux de leurs concitoyens ;
- le service en faveur des plus pauvres, de ceux qui sont mis en marge pour des motifs économiques, sexuels, raciaux ou religieux.
2. Comment est arrivé Don Bosco et s'est développé son Charisme
L'appel missionnaire de Don Bosco naît en Asie
Don Bosco a vécu l'extraordinaire printemps missionnaire de l'Eglise de son temps et a nourri dans ses débuts la vocation missionnaire en regardant vers l'Asie, en particulier vers la Chine, et plus en général vers les pays de langue anglaise, parmi lesquels l'Australie. De ce monde missionnaire Don Bosco s'approche tandis qu'il cherche sa vraie vocation et prend contact tantôt avec les Franciscains Réformés et tantôt avec les Oblats de Marie, ou bien quand il lit les revues missionnaires qui commencent alors à circuler dans le Piémont (les Annales de la Propagation de la Foi, ou le Musée des Missions Catholiques). Ce monde missionnaire parlait de façon prédominante de l'Asie et surtout des persécutions en Chine et au Viêt-nam, de l'héroïsme des missionnaires et des martyrs, de l'ère nouvelle qui s'ouvrait pour l'Eglise et pour l'évangélisation à l'ombre des armées anglo-françaises. Les Annales, que Don Bosco commença à lire étant au moins jeune prêtre, enregistraient presque semaine par semaine l'action qui, menée par l'Occident au moyen de la politique comme de la force, permettait de relancer la pénétration missionnaire et l'œuvre d'évangélisation. Et donc, même les habitants du Céleste Empire, un peuple qui émerveillait Don Bosco pour son immensité, pourraient s'approcher du salut. Don Bosco fut particulièrement frappé par le courageux martyre du jeune prêtre Jean-Gabriel Perboyre, dont il tiendra dans sa chambre une image et au sujet duquel il écrira dèjà dans la première édition de son Histoire de l'Eglise. Dans ce livre, qui fut sa première œuvre absorbante et qui aura diverses éditions, il écrit au sujet de la relance des missions, mais il écrit surtout au sujet des événements qui au cours de ces années-là se produisaient en Chine et au Japon.
Lorsque la renommée de Don Bosco grandira, frapperont à sa porte les grands missionnaires d'Afrique Lavigerie et Comboni, à la recherche d'aide et de collaboration. Mais également plusieurs Evêques de Chine, à l'occasion du Concile Vatican I, viendront en visite à Valdocco pour chercher du personnel. Avec Timoleone Raimondi, missionnaire du Séminaire de Milan et Préfet Apostolique de Hong Kong, Don Bosco traita pendant plusieurs mois de 1873 et de 1874 pour ouvrir une maison à Hong Kong. Les pourparlers n'eurent pas de suite et l'ébauche de contrat demeura lettre morte à cause - Don Bosco ne le savait pas - du veto mis par le Supérieur du Séminaire de Milan. Ce fut dans ce climat d'incertitude laissé par les pourparlers demeurés en suspens que Don Bosco, désormais convaincu qu'a sonné l'heure de s'étendre à l'étranger, s'ouvrit à l'Argentine, milieu moins éloigné sur le plan de la culture et de la langue, et rapidement il décida d'envoyer ses premiers missionnaires travailler parmi les émigrants italiens de Buenos Aires et parmi les Indiens d'Amérique du sud dans les 'environs' de San Nicolás de los Arroyos (11 novembre 1875). Et pourtant Don Bosco non cessa pas de penser à l'Asie, au point qu'il accordait à Don Giovanni Cagliero moins de deux ans pour mettre en place les œuvres en Argentine et partir ensuite pour l'Inde, où Don Bosco avait accepté un Vicariat Apostolique. Mais l'Amérique du Sud absorbera les énergies et le personnel, et c'est pourquoi Don Bosco ne retournera à la pensée de la Chine qu'en 1885, lorsqu'il aura obtenu le Vicariat Apostolique de la Patagonie. Désormais, cependant, il se rend compte que pour lui il est trop tard pour réaliser quelque chose de concret. Ses fils feront et verront : pour lui l'Asie restera un objectif, un rêve, un champ d'action pour l'avenir.
Au cours du rêve de Barcelone Don Bosco verra, depuis le haut de la colline du rêve de ses 9 ans, l'ouverture future d'œuvres à Pékin, comme accomplissement de sa mission auprès des jeunes qui s'étend jusqu'à embrasser le monde : comme à Valdocco, ainsi dans le monde tout entier, de Valparaiso à Pékin. Cette vision devient tension, objectif à atteindre et prophétie, et c'est pourquoi dans son "testament spirituel" il écrira : "En temps voulu nos missions se rendront en Chine et précisément à Pékin" [3] et sur son lit de mort il étonnera Mgr Cagliero en lui disant à plusieurs reprises : "Je te recommande l'Asie !".
Notes d'histoire, à partir des rêves missionnaires de Don Bosco
En relisant les cinq rêves missionnaires de notre Père, spécialement les deux derniers, nous trouvons son zèle missionnaire dirigé de façon explicite également vers les peuples de la Chine, de la Mongolie (Tartarie), de l'Australie [4] ; et même à la conclusion de son testament spirituel, comme je l'indiquais plus haut, nous trouvons un désir nourri dans son cœur pour le salut des jeunes de l'Asie. Des générations de missionnaires salésiens ont grandi avec la conscience encourageante que Don Bosco avait rêvé à leur sujet, les avait vus dans ses rêves missionnaires.
Le rêve de 1886, le testament spirituel et la "conversation continuelle" à propos de la Chine de la part de Don Bosco avaient fait naître un sentiment considérable d'expectative dans les milieux salésiens. Don Arturo Conelli, à qui Don Bosco avait fait des confidences sur l'idée d'aller en Chine, au point qu'il était considéré un peu par tous comme le chef désigné pour l'expédition, ne perdit pas de temps aussitôt après la mort du Fondateur pour établir les premiers contacts avec les autorités ecclésiastiques de Macao. Les pourparlers se déroulèrent en trois phases et se prolongèrent jusqu'en 1905, quand les Salésiens et l'Evêque de Macao parvinrent finalement à un accord. Le P. Louis Versiglia étant à la tête du groupe, six premiers Salésiens, trois prêtres et trois coadjuteurs, dont deux novices, arrivèrent à Macao le 13 février 1906 pour prendre en charge le petit Orfanato da Imaculada Conceiç