LES BEATITUDES
� La grande charte pour ceux qui veulent
inoduire dans le monde une nouvelle civilisation �
(Hom�lie au d�but du CG 21 des FMA)
Rome � CG 21 FMA
18 septembre 2002
Aujourd'hui commence pour l'Institut des Filles de Marie Auxiliatrice un �v�nement historique: le xxie Chapitre g�n�ral, qui a comme th�me Dans l'Alliance renouvel�e, l'engagement pour une citoyennet� �vang�lique. Comme le dit l'article 135 de vos Constitutions, c�est � l�assembl�e repr�sentative de tout l�Institut, moyen et expression d'unit� �, un � temps fort d��valuation, de r�flexion et d'orientation pour une recherche communautaire de la volont� de Dieu �. � juste titre vous avez estim� que la mani�re la meilleure de le commencer � et ensuite de le vivre � c�est par l'Eucharistie, o� se conjuguent le myst�re de la nouvelle Alliance, scell�e dans le sang vers� par le Christ, la communion port�e � sa limite extr�me pour faire de nous des commensales de la table de Dieu, et la mission d'introduire la civilisation de l'amour dans le monde. C�est ainsi que s��claire votre assembl�e, toute orient�e � enraciner l'Institut dans l'exp�rience de Dieu (� alliance �), qui suscite la communion comme style de vie (� communaut� �) et devient un programme �ducatif et pastoral (� mission �); et tout cela sous un profil typiquement sal�sien: � la volont� de nous �duquer � assumer avec une responsabilit� r�nov�e, dans l'histoire, la mission d��duquer, avec les communaut�s �ducatrices et la Famille sal�sienne � (Document de travail, 65).
D�s le d�but vous avez voulu partir de la Parole et y trouver le crit�re de r�f�rence pour lire la r�alit� communautaire et apostolique, et en m�me temps l'�nergie et la science pour habiliter les s�urs � � agir comme J�sus en toute situation et en toute rencontre, pour les rendre capables d'un regard contemplatif � (DT, 10). De fa�on plus concr�te, vous avez pris � les b�atitudes [comme] grande charte de la citoyennet� �vang�lique � (DT, 70-77). Dans les paroles du Pape, � son retour des journ�es mondiales de la jeunesse � Toronto, vous avez une confirmation de ce que vous avez �crit: � Sur la montagne de Galil�e, disait le Saint-P�re, J�sus trace d'identit� des citoyens du Royaume sous forme de f�licitations: les b�atitudes �. En effet, a poursuivi Jean Paul II, elles � repr�sentent la grande charte de ceux qui veulent introduire dans le monde une nouvelle civilisation � (Salut avant l�Ang�lus, Castelgandolfo, 4.08.2002).
Je voudrais approfondir un peu ce th�me des b�atitudes, qui nous a �t� proclam� aujourd'hui, pour que ce texte �vang�lique devienne � id�al de vie �vang�lique �, � r�ponse � la soif de Dieu et du bonheur �, � chemin pour le rejoindre �, � logique du Royaume �.
Les b�atitudes ont �t� consid�r�es par toutes les g�n�rations chr�tiennes, et en particulier par les communaut�s religieuses, comme la meilleure synth�se de l'�vangile du Christ et son annonce la plus heureuse. J�sus pr�sente son �vangile comme un programme de bonheur, et � travers lui, offre notre pleine r�alisation en Dieu. Mais ce n'est que par la foi que peut s�accueillir et se comprendre ce message, qui implique une profonde � transvalorisation �, un bouleversement de notre hi�rarchie de valeurs, un renversement de la logique du monde, enfin un changement de nos images de Dieu.
Elles semblent tellement utopiques, ces paroles de J�sus, qu'il devient tr�s difficile de les prendre au s�rieux. Qui croit vraiment que les pauvres, les souffrants, les affam�s et les pers�cut�s sont heureux? Demandons-le-leur! Ou peut-�tre aujourd'hui la terre appartient-elle aux pacifiques? Il n'est pas douteux qu'apr�s le 11 septembre, le monde est devenu plus dangereux! Quel avantage y a-t-il � chercher � �tre limpides de c�ur ou mis�ricordieux? Il suffirait de penser aux milliards de gens qui ont de la peine � vivre, alors que d'autres accumulent toutes sortes de biens! Notre exp�rience quotidienne elle-m�me semble parfois t�moigner clairement contre les affirmations de J�sus. Et pourtant, ce fut la premi�re promesse de J�sus de Nazareth, quand il commen�a � parler de Dieu et de sa seigneurie.
Il est int�ressant de constater que Luc comme Matthieu ont plac� � les b�atitudes � comme pr�ambule et cadre de r�f�rence d'un discours programmatique de J�sus (� discours sur la plaine � chez Luc et � discours sur la montagne � chez Matthieu). L'intention est claire: pour le citoyen du Royaume, la joie est un imp�ratif, la f�licit� de Dieu pr�c�de les exigences que comporte le R�gne de Dieu. Pour J�sus, seul l'�tablissement de la seigneurie de Dieu pourra apporter la b�atitude, la joie sur la terre travaill�e par la pauvret�, la souffrance et la mort, et l�implanter dans le c�ur de l�homme. Mieux, cette f�licit� pourrait se vivre dans n'importe quelle situation humaine, si mal en point qu'elle soit. C'est justement l� o� il n�y aurait pas de raisons d'�tre joyeux, que Dieu vient promettre la joie et la rendre possible.
En voici, ch�res cons�urs, une premi�re cons�quence: croire de tout c�ur � la promesse de Dieu signifie devenir citoyen/ne de son Royaume et auditeur/trice de J�sus sur la montagne des b�atitudes. Dieu commence � r�gner l� o� commence � se r�aliser le bonheur promis. Nous sommes donc appel�s � faire du bonheur notre programme de vie, � professer la joie comme style quotidien de vie. Cela n'est il pas dans la ligne de la plus authentique tradition sal�sienne: � Nous faisons consister la saintet� � �tre toujours joyeux �?
Sur les l�vres de J�sus, les b�atitudes furent une programmation du Royaume adress�e avant tout aux pauvres, aux exclus des biens de la terre en ce monde, aux opprim�s. Aujourd'hui encore, en ce monde de plus en plus la�cis�, qui a d�cid� de ne pas tenir compte de Dieu, ce seront eux, ceux qui ne comptent pas pour le monde, qui seront capables d'attendre le plus Dieu et sa seigneurie. Leur bonheur d�pend de Dieu, parce que Dieu lui-m�me est leur bonheur.
Tel devrait �tre, ch�res cons�urs, notre �vangile, la bonne nouvelle � vivre et � apporter. Et voici la deuxi�me cons�quence: Dieu s'approche de ceux qui ont besoin de Lui. Son R�gne ne vient exclusivement que pour ceux qui l�attendent: les destinataires de l�Evangile sont donc les plus pauvres, les afflig�s de pauvret�s quelles qu�elles soient, anciennes ou nouvelles. Quand on compte sur un Dieu engag� pour la b�atitude de ceux qui sont les siens, les autres attentes sont superflues ainsi que les efforts pour les conqu�rir. De vrai bonheur, comme de bon pain, � Dieu comble son bien-aim� quand il dort � (Ps 126, 2d). � Cherchez d�abord le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donn� par-dessus le march� �.
Le bonheur promis par J�sus n'a pas �t� un simple discours. J�sus a fait des b�atitudes son programme personnel de vie et d�action durant son minist�re public. La r�alisation de la joie annonc�e est le trait distinctif de sa mission messianique (cf. Mt 11, 2-6). Il �tait venu annoncer la joie messianique et il l�a annonc�e en la vivant; il a de la sorte rendu �vidente aussi son exp�rience religieuse la plus intime. Ainsi, J�sus a su parler de Dieu parce que tel �tait son v�cu de Dieu: un Dieu qui rend heureux celui qui croit en Lui.
Alors voici, ch�res cons�urs, la troisi�me cons�quence: nous devons annoncer ce que nous vivons, communiquer � d�autres notre exp�rience de Dieu par notre vie. Comme J�sus, qui a r�v�l� dans les b�atitudes son exp�rience de Dieu. Il vivait ce qu�il annon�ait et, c�est pr�cis�ment parce qu'il croyait ce qu'il pr�chait, qu�il a op�r� de ses mains ce qu'il proclamait: � Allez rapporter � Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient, les boiteux marchent, les l�preux sont purifi�s, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annonc�e aux pauvres. Heureux qui ne tombera pas � cause de moi! � (Mt 11, 4-6). Comme J�sus, nous sommes appel�s � � passer partout en faisant du bien � tous et � toutes � (cf. Ac 10, 38), � les rendre heureux, � � introduire dans le monde une nouvelle civilisation �.
J�sus a interpr�t� et expos� la logique du Royaume de Dieu parce qu'il a v�cu en elle. Toute sa vie, de son humble naissance � sa mort tragique, ne fut rien d�autre que les dispositions v�cues des b�atitudes: il fut pauvre (2 Co 8, 9), il fut doux et humble de c�ur (Mt 11, 29), il eut faim (Mt 4, 2) et soif (Jn 4, 7; 19, 28), subit la pers�cution pour le Royaume (Mt 10, 16-24). Les b�atitudes furent sa forme de vie avant que des paroles sur ses l�vres. J�sus lui-m�me est l�herm�tique existentielle des b�atitudes! Sans Lui, les b�atitudes ne seraient qu�un simple paradoxe, un jeu de paroles, une utopie folle, sans r�alisme ni garantie de v�rit�. C'est pourquoi les b�atitudes comportent l'exigence de conna�tre J�sus. Sans avoir l'esprit et le c�ur compl�tement en Lui, il serait impossible de saisir le secret de ses b�atitudes. Elles ne sont pas l'expression d'un id�al abstrait, mais refl�tent l�exp�rience humaine et croyante de J�sus. Il savait de Qui et de quoi il parlait, quand il les proclama.
Voici la quatri�me cons�quence: pour conna�tre la racine profonde de la joie de J�sus, il est n�cessaire de d�couvrir la motivation de Sa vie: Dieu et son R�gne.
Dans les b�atitudes, J�sus et nous offre sa fa�on de voir le monde, l'homme, et surtout Dieu. Il ne nous impose pas une loi nouvelle, ni ne nous exhorte � des comportements d�termin�s. Il nous met devant des attitudes fondamentales, g�n�ratrices d��nergies puissantes, productrices de comportements surprenants, r�v�latrices de nouveaux buts. Avec les b�atitudes, comme prologue de l'annonce du R�gne de Dieu, J�sus nous propose une fa�on de faire n�tre son exp�rience m�me de Dieu: vivre dans la p�nurie sans que nous manque la joie d'avoir Dieu comme notre Dieu; compter sur Dieu quand nous comptons peu pour le monde; affronter nos propres limites et m�me la mort sans renoncer � la joie de l'avoir comme Dieu. Telle est la fa�on de faire n�tre l�exp�rience de J�sus.
Comme il est facile de l'imaginer, J�sus a d� payer un prix tr�s �lev� pour cette rupture avec l�image de Dieu que cultivait son milieu: la mort en croix. En r�alit�, les b�atitudes et tout le discours de la montagne ne sont lisibles et intelligibles qu�� la lumi�re de la mort de J�sus. Sur la croix, Il se montre comme le vrai doux de c�ur, comme celui qui souffre pour la justice, comme le vrai pauvre, le solidaire universel qui nous a aim�s jusqu'� la fin et a donn� sa vie afin que nous ayons, nous, la vie en abondance. C�est pourquoi, assumer la logique des b�atitudes, c�est assumer la logique du Royaume, qui est lcelle de la Croix. Voil� donc la derni�re cons�quence de l'acceptation d'�tre � citoyens et citoyennes du Royaume �.
La trahison, le refus, l'abandon et la mort n'ont cependant pas le dernier mot pour les croyants en Dieu. Les b�atitudes proclam�es par J�sus continuent � �tre valables, parce qu�Il a fait l'exp�rience de la fid�lit� du P�re qui � ne l�a pas abandonn� � la mort et n'a pas permis que sa chair connaisse la corruption � (cf. Ac 2, 31); bien plus, � Dieu l�a �lev� au-dessus de tout; il lui a conf�r� le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu�au Nom de J�sus. aux cieux, sur terre et dans l�ab�me, tout �tre vivant tombe � genoux, et que toute langue proclame: �J�sus Christ est le Seigneur� � (Ep 2, 9-11). Sur la Croix s'entrevoit le v�ritable visage de Dieu engag� dans notre bonheur et s��claire le paradoxe de sa Seigneurie. Dans la croix de J�sus, ch�res s�urs, nous avons la raison de notre joie. La croix du Christ d�fend notre bonheur de toute tentative de le conqu�rir � bon march�. La r�surrection a �t� � et continue � �tre � la r�ponse de Dieu aux hommes et aux femmes qui d�cident de vivre selon les b�atitudes �vang�liques.
Que Don Bosco et Marie-Dominique Mazzarello soient pour vous des mod�les qui vous inspirent. Et que Marie, la premi�re bienheureuse parmi les croyants, la citoyenne du Royaume, M�re de l'Eglise, vous accompagne et soit votre ma�tresse de vie dans votre itin�raire spirituel et pastoral.
P. Pascual Ch�vez V.
Paroles du Recteur majeur aux capitulaires
CG XXI - FMA
Eminents Messieurs les Cardinaux
R�v�rende M�re g�n�rale
Fr�res et s�urs de la Famille sal�sienne
Tr�s ch�res Capitulaires
Je me pr�sente devant vous pour vous apporter avant tout le salut de tous les sal�siens, qui accompagnent de leur pri�re cette importante assembl�e, et pour vous souhaiter que puisse en sortir des inspirations dynamiques et des lignes d'avenir efficaces pour la vie et la mission des Filles de Marie Auxiliatrice pr�sentes dans le monde entier.
Si est vraie l'affirmation que sans les autres groupes de la Famille sal�sienne, nous, les sal�siens, ne serions pas ce que nous devons �tre, elle l�est de fa�on particuli�re par rapport aux Filles de Marie Auxiliatrice, avec qui nous partageons un p�re fondateur, un m�me charisme v�cu au masculin et au f�minin, un esprit par lequel nous nous sentons membres de la m�me Famille, une spiritualit� qui jaillit du m�me Syst�me pr�ventif et s'exprime dans la devise Da mihi animas, une mission qui nous pousse � la collaboration et � la communion. Il est donc naturel que nous suivions avec beaucoup d'affection, de sympathie et d�int�r�t ce xxie Chapitre g�n�ral de l'Institut, comme vous l'avez fait pour notre CG25, avec la conviction que les conclusions que vous tirerez et les orientations que vous prendrez seront toujours un enrichissement pour notre vocation, ainsi qu�un �lan pour le renouvellement de vos communaut�s religieuses et les communaut�s �ducatrices.
C'est le premier Chapitre g�n�ral que vous c�l�brez en ce nouveau mill�naire et il doit donc se lire et se r�aliser dans le contexte social et eccl�sial que nous vivons pour le moment. En effet, dans son expos� de la r�alit�, votre document de travail (DT) mentionne la situation de globalisation (DT 82.87) et de modernisation qui domine de plus en plus clairement notre monde et, d'autre part, dans l'�clairage qu�il donne, il se r�f�re au programme pastoral de l�Eglise, � la spiritualit� de communion, selon lettre apostolique Novo millennio ineunte (DT 87).
Comme tous les Chapitres g�n�raux, votre CG21 est un �v�nement de Pentec�te, une visite de l'Esprit Saint qui a le pouvoir de � r�nover la face de la terre �, des cr�er � les cieux nouveaux et la terre nouvelle �, tant attendus.
� pr�sent, en qualit� de successeur de Don Bosco, je d�sire partager avec vous quelques r�flexions qu�a suscit� en moi l'�tude de votre document de travail.
1.Le contexte et sa r�ponse �vang�lique
Un premier point de r�flexion a �t� pour moi la vision de la r�alit� pr�sent�e dans le document de travail, qui fait voir avec clart� le contexte o� se d�roule votre CG21 et que je synth�tiserais en deux grands noyaux: l�un social et l�autre eccl�sial. Le premier peut s�identifier avec le n�olib�ralisme et le la�cisme, qui s'expriment dans le mat�rialisme, le consum�risme, le laxisme et le relativisme �thique (cf. DT 7); le second est donn� par le programme pastoral pour l'Eglise du IIIe mill�naire, comme le trace Jean-Paul II dans la lettre pastorale Novo millennio ineunte.
Le contexte joue un r�le tr�s important dans une assembl�e comme celle-ci. Il correspond � la r�alit� o� nous vivons, o� se d�veloppe la foi chr�tienne, o� nous actualisons notre vie religieuse et o� nous exer�ons notre action pastorale. Depuis le moment de l'incarnation, toute la r�alit� est appel�e � �tre assum�e pour �tre rachet�e, comme dirait Ir�n�e. Le contexte est un sc�nario, mais il se propose aussi comme interlocuteur, et il n'est pas possible de faire de r�flexions sur la vie ni de prendre des d�cisions si elles ne sont pas en rapport avec la r�alit�.
Je suis content qu'il y ait dans l�Institut une forte sensibilit� par rapport aux �probl�mes inh�rents � la globalisation qui caract�rise notre soci�t��, et � l'injustice qui est � la racine de la distribution in�gale des biens, de l'exclusion des faibles, de la violation des droits de l�homme et qui deviennent une provocation dans les contextes ou sont ins�r�es [les communaut�s �ducatrices] � (DT 31) C'est une prise de conscience qui jaillit pr�cis�ment de la vocation sal�sienne, qui vous appelle � ��tre pr�sentes dans les situations o� les jeunes, surtout ceux des classes populaires, ont des difficult�s � exprimer le meilleur d'eux-m�mes� [�] vivre la proximit� t�moign�e par J�sus et [l'exigence] de se laisser �vang�liser par les pauvres � (DT 37).
Il me semble que le Saint-P�re a magistralement d�crit ce cadre dans son hom�lie durant la messe � l�occasion des b�atifications, � Cracovie, le 18 ao�t: � � le xxe si�cle, en d�pit des incontestables succ�s remport�s dans de nombreux domaines, a �t� particuli�rement marqu� par le �myst�re de l'iniquit��. Avec cet h�ritage de biens mais �galement de mal, nous sommes entr�s dans le nouveau mill�naire. Face � l'humanit� s'ouvrent de nouvelles perspectives de d�veloppement et, dans le m�me temps, des dangers jusqu'� pr�sent inconnus. Souvent l�homme vit comme si Dieu n'existait pas et prend m�me la place de Dieu. Il s�arroge le droit du Cr�ateur d'interf�rer dans le myst�re de la vie humaine. Il veut d�cider, � travers des manipulations g�n�tiques, de la vie de l'homme et d�terminer la limite de la mort. En repoussant les lois divines et les principes moraux, il porte ouvertement atteinte � la famille. Il tente des diverses fa�ons de faire taire la voix de Dieu dans le c�ur des hommes; il veut faire de Dieu le �grand absent� dans la culture et dans la conscience des peuples. Le �myst�re de l'iniquit�� continue de marquer la r�alit� du monde. En faisant l'exp�rience de ce myst�re, l'homme vit la peur de l'avenir, du vide, de la souffrance, de l'an�antissement� Il faut faire retentir le message de l'amour mis�ricordieux avec une vigueur renouvel�e. Le monde a besoin de cet amour �. (OR 19-20.08.02; �d. fr. 27 ao�t, p. 5).
Il n'est pas diff�rent, le message de la lettre apostolique Novo millennio ineunte o�, en r�ponse � ces situations, est offert au monde le salut qui vient de la mort et de la r�surrection de J�sus, et donc de son Evangile, de l'esprit des b�atitudes (cf. DT 79).
En v�rit� il y a un grand besoin d'un nouvel ordre international et nous ne pouvons pas nous dispenser de chercher � donner notre contribution de disciples de J�sus et de religieux/ses, en cr�ant d�j� de petits microcosmes o� la vie m�risse, fleurisse et donne des fruits.
2.Th�me et gr�ce de l�unit� autour de Dieu
Une deuxi�me r�flexion concerne le th�me: Dans l'Alliance renouvel�e l'engagement pour une citoyennet� active. Ce choix m'a sembl� tr�s int�ressant, avant tout parce qu'il fait une synth�se de votre vie religieuse, � partir de l'exp�rience de Dieu (alliance), qui donne origine � une nouvelle forme de vie de communion (communaut�) et devient un programme �ducatif et pastoral (mission) dans la � citoyennet� �vang�lique �. De cette fa�on, tout devient un myst�re d'amour et de communion, une participation � la vie trinitaire qui, par sa nature se r�pand et s�exprime dans la vie communautaire et dans la vie sociale, et se manifeste et se rend cr�dible dans la bont� affectueuse qui caract�rise le Syst�me pr�ventif. Celui-ci, en effet, n'est pas seulement une m�thode d��ducation, mais il donne une forme � notre relation avec Dieu et � nos relations personnelles dans la communaut� et dans la mission, parce qu�il nous donne conscience d��tre aim�s et nous pousse � r�pondre avec la force de l�amour. De cette fa�on, comme vous le dites avec �l�gance, � la largeur de nos horizons se conjugue avec la profondeur de notre enracinement en Dieu � (DT 79).
En effet, de la communion � participation aux trois Personnes divines � d�rivent des volont�s de lib�ration en faveur de toute personne humaine, de la soci�t�, de l'Eglise et des pauvres. La personne humaine est appel�e � d�passer tous les m�canismes d'�go�sme et � vivre sa vie en communion. La soci�t�, qui offense la Trinit� quand elle s'organise sur l�in�galit�, - � On ne peut construire un avenir heureux pour la soci�t� sur la pauvret�, sur l�injustice et sur la souffrance d�un fr�re � (Jean Paul II, dans son salut d'arriv�e en Pologne, 16.08.02) � honore la Trinit� quand elle favorise la communion et la participation de tous, en g�n�rant ainsi la justice et d'�galit� entre tous. L'Eglise, plus elle d�passe la division entre les chr�tiens, plus elle valorise et vit l�unit� de la foi dans la diversit� des cultures, et plus elle devient sacrement de la communion trinitaire. Les pauvres, enfin, trouvent dans la communion intra-trinitaire le mod�le d'une soci�t� humaine qui, � partir des diff�rences de chacun, r�ussit � former une soci�t� fraternelle, ouverte, juste, solidaire, o� tous ont acc�s aux biens qui rendent humaine la vie sur la terre.
Le Dieu trinitaire n'est pas un myst�re incompr�hensible, dont il vaut mieux ne pas parler. Non! Son myst�re est le myst�re de l'Amour, dans lequel nous pouvons tous nous comprendre et nous sentir aim�s. Dieu est Amour. (1 Jn 4, 8.12). C'est pr�cis�ment l� que trouve son inspiration et son fondement le Syst�me pr�ventif: dans l'amour de Dieu, � qui pr�c�de toute cr�ature par sa Providence, l�accompagne par sa pr�sence et la sauve en donnant sa vie � (Const SDB, 20). Il s'agit d'un amour lib�rateur, qui s�exprime dans la promotion int�grale � laquelle doit tendre notre action pastorale, en se faisant signe de la pr�sence du R�gne de Dieu.
Il n'est pas douteux que le th�me choisi pour le CG21 centre tout sur la primaut� de Dieu, pour trouver en Lui la gr�ce de l'unit�, qui aide � d�passer le morcellement de la vie et la superficialit� spirituelle (cf. DT 77.84). Mais en m�me temps, il souligne de fa�on pratique ses cons�quences dans la vie de la communaut� (DT 88-95) et dans l'action �ducatrice � exercer (DT 97-102). Dieu ne r�sout pas nos probl�mes, mais en retournant � Lui, nous red�couvrons les grandes directions de l�humanisation et nous retrouvons le courage de les parcourir. Beaucoup de nos probl�mes d'aujourd'hui s'achemineraient vers une juste solution, si nous abandonnions � Dieu qui nous aime et veut la paix, la justice, le d�veloppement et la solidarit� pour tout homme. Il d�masque nos idol�tries ruineuses et offre des voies diff�rentes pour reconstituer le tissu communautaire et social.
3.Citoyennet� �vang�lique et engagement pour l��ducation
Un troisi�me et dernier point de r�flexion est le th�me de la citoyennet� �vang�lique, que vous avez voulu prendre comme programme, avec l�engagement qui en r�sulte pour une �ducation inspir�e des b�atitudes.
La communaut� est, comme le dit tr�s bien le texte pr�-capitulaire, un �atelier de citoyennet� �vang�lique � (DT 18). La communaut� n'est pas seulement un support pour la fid�lit� et pour rendre plus facile et efficace notre vie religieuse. Elle est d�j� en elle-m�me �vang�lisatrice, riche de charge humanisante, et propose des mod�les diff�rents d'organisation sociale (cf. Ac 2, 42-47; 4, 32-35). C�est pourquoi la communaut� est la v�ritable actrice de la mission, qui ne consiste pas � faire des choses, m�me si elles sont tr�s voyantes, ni � g�rer des �uvres, m�me si elles sont tr�s grandioses et complexes, mais � �tre des signes et des porteurs de l'amour de Dieu ou, mieux encore, du Dieu-Amour, du Dieu-Trinit�.
C'est pour ce motif que l'option m�thodologique ad�quate est l'option sal�sienne, c'est-�-dire l'�ducation, qui favorise la croissance des personnes et les habilite � affronter la vie avec une signification, avec succ�s, avec un but s�r, et qui change peu � peu la culture d'un peuple, avec une attention particuli�re � la femme, dans la conviction que �si on �duque une femme on �duque un peuple � (DT 40). Une telle option n'exclut pas, mais postule �le travail en r�seau avec les membres de la Famille sal�sienne, les organismes eccl�siaux, les institutions gouvernementales et civiles, les organisations non gouvernementales et tous ceux qui s'int�ressent � l'�ducation et travaillent pour collaborer � la construction d�une nouvelle soci�t� � (DT 38), ainsi que �la contribution critique et constructive apport�e l� o� s��laborent les politiques pour les jeunes, dans la d�fense des droits de l'homme avec des actions visant � restituer la dignit� aux plus pauvres � (DT 39).
Dans cette ligne se situent les propositions en vue de renforcer l'exigence de �nous �duquer � une �conomie solidaire, � la sobri�t�, � la conscience critique par rapport � l'appauvrissement de la plan�te, pour assumer une nouvelle vision de la pauvret� et de ses cons�quences; pour lutter contre la logique du consum�risme et de l'exclusion; pour soutenir les mouvements qui promeuvent la transparence du pouvoir public et le respect des droits fondamentaux de l'homme � (DT 43), et la promotion de l'�ducation socio-politique � la lumi�re de l'enseignement de la doctrine sociale de l'Eglise (DT 51), dans l'esprit des b�atitudes et en fid�lit� au charisme.
Il est �vident qu'une telle perspective requiert une nouvelle FMA, et c�est la t�che de la formation (cf. DT 59.61). � ce sujet, je puis vous le dire, il m'a sembl� clairvoyant et m�me courageux de reconna�tre qu'� il est urgent de recentrer le cheminement de la formation sur J�sus et son message�, exigence, celle-l�, postul�e par la complexit� actuelle � (DT 103).
Je souhaite que vous puissiez trouver dans la Parole de Dieu et dans le patrimoine de spiritualit� sal�sienne, que nous ont confi� Don Bosco et Marie-Dominique Mazzarello, l'inspiration et l��nergie pour affronter avec succ�s le th�me et projeter tout l'Institut dans une Alliance renouvel�e, r�alis�e dans l'engagement d'une citoyennet� �vang�lique. Comptez sur notre pri�re et sur notre sympathie. Nous vous accompagnerons, surtout par la pri�re, en utilisant aussi l'information que nous recevrons, au cours de cette aventure spirituelle que vous commencez aujourd'hui au nom du Seigneur.
Que Marie, la femme de la nouvelle Alliance, vous guide sur cette route et vous aide � manifester votre citoyennet� �vang�lique dans la communion entre vous et dans l'engagement de prendre soin des jeunes, filles et gar�ons, en partageant, comme Elle, le sort des pauvres et des petits.
Pascual Ch�vez V.
Rome, 18.09.02