L��COLE FACE AUX D�FIS ACTUELS
�Pour une �cole incultur�e et cr�atrice de culture�
Roma, 18.09.�02
Le drame de l�humanit� d�aujourd�hui, c�est le foss� entre l��ducation
et la culture, en g�n�ral,
entre l��cole et l��ducation, en particulier. J�ai voulu commencer cette
intervention en
paraphrasant une phrase c�l�bre de Paul VI (EN 20), parce qu�elle
me permet de poser
correctement le probl�me de l��cole et de son indispensable solution
par le biais de l�int�gration
de l��ducation dans la culture � aussi bien la particuli�re que l�universelle
� et celle de l��cole dans
l��ducation. C�est seulement ainsi que l��ducation atteindra son plein
effet humanisant � de m�me
que la culture; c�est seulement ainsi que l��cole pourra devenir promotrice
et cr�atrice de culture.
C�est cela que nous voulons dire par les expressions: �inculturer l��ducation�
ou �pour une �cole
incultur�e�.
L�insistance pressante de Jean Paul II � demander qu�on ne r�duise pas
l�Union Europ�enne � un
grand march� de biens mat�riels, mais qu�elle soit aussi un lieu d��change
de biens culturels et
spirituels, semble faire �cho � la d�claration du Directeur de l�UNESCO
lors de l�inauguration de
la �D�cennie Mondiale du D�veloppement Culturel�:
�Tout au long des derni�res d�cennies, nous avons pu nous rendre compte
de ce que,
chaque fois qu�on a pris comme objectif une croissance �conomique en
d�saccord avec
le milieu culturel, il se produit de graves d�s�quilibres, tant �conomiques
que culturels,
et le potentiel cr�atif d�un peuple s�affaiblit consid�rablement. Si
le d�veloppement doit
viser � ce que tous et chacun puissent ��tre plus� et vivre mieux, il
doit se baser sur un
d�veloppement plus intensif des ressources aussi bien humaines que mat�rielles
de chaque
communaut�, en favorisant la libre expression des talents et des int�r�ts
de tous ses
membres. Cela veut dire, en derni�re analyse, que c�est dans la culture
qu�il faut
rechercher leurs priorit�s, leurs motivations et leurs finalit�s� (Paris,
21 janvier 1988).
1. - LA RELATION �DUCATION-CULTURE
Intimement reli�es au progr�s de l�homme, l��ducation et la culture
ne peuvent se comprendre que
dans leur relation r�ciproque. Nous allons examiner ici l��ducation
dans son rapport � la culture,
consid�r�e dans sa double dimension, individuelle et sociale; en d�autres
termes, il s�agit de la
croissance des personnes ainsi que de la mani�re d��tre typique des
soci�t�s humaines.
Aucune soci�t� ne peut se perp�tuer sans une forme au moins rudimentaire
d��ducation, gr�ce �
laquelle elle transmet aux jeunes g�n�rations ses valeurs, ses connaissances
et la perception d�un
destin commun. Le texte suivant, emprunt� � un grand anthropologue sp�cialiste
de la culture,
illustre � merveille cette r�alit�:
) A.L. KROEBER, 1917, cit� par G.P. Murdoch, Cultura y Sociedad,
M�xico, 1987, p.72. 2
�Prenez un oeuf de fourmi de chaque sexe: des oeufs frais, non couv�s.
D�truisez tous les
autres oeufs et tous les individus de l�esp�ce. Prenez bien soin de
ces deux oeufs:
surveillez la temp�rature, l�humidit�, la protection et la nourriture.
Toute la �soci�t�� des
fourmis, avec toutes les aptitudes, les possibilit�s, les r�alisations
et les activit�s de
l�esp�ce, sera reconstitu�e, sans aucune restriction, en une g�n�ration.
Mais r�unissez sur
une �le d�serte ou dans un enclos isol� deux cents b�b�s, en bonne sant�
physique, issus
des classes sociales les plus �lev�es des pays les plus civilis�s, assurez-leur
nourriture et
protection, comme il se doit, mais tenez-les � l��cart de leur esp�ce.
Qu�obtiendrons-nous?
La civilisation � laquelle ils ont �t� arrach�s? Le dixi�me de cette
civilisation? Non! M�me
pas le moindre morceau des r�sultats obtenus par la tribu sauvage la
plus arri�r�e.
Seulement une paire ou une l�gion de muets, sans connaissances ni arts,
sans feu, sans
ordre, sans religion. La civilisation resterait absente � l�int�rieur
de cet enclos; non pas
d�sint�gr�e ni m�me frapp�e � mort, mais effac�e d�un coup d��ponge.
L�h�r�dit� de la
fourmi conserve tout ce qu�elle poss�de, de g�n�ration en g�n�ration.
Mais l�h�r�dit�
humaine ne conserve pas, et n�a jamais conserv�, parce qu�elle en est
incapable, une seule
parcelle de la civilisation, la seule r�alit� propre � l�homme�.2
L��ducation informelle se donne d�abord dans la famille et, ensuite,
par l�initiation progressive aux
activit�s communautaires: rapports avec la parent�le et le voisinage,
apprentissages divers,
participation au travail, aux f�tes, aux c�l�brations, au culte religieux.
L�enfant acquiert ici sa
langue et ses connaissances, les usages, les croyances, les traditions,
les comportements et les
r�gles de vie en soci�t� indispensables � son int�gration dans le groupe.
Avec le progr�s des soci�t�s, l��ducation est all�e en se d�veloppant,
prenant la forme d�une
fonction sp�cifique, confi�e � des groupes ou des institutions particuliers:
l��cole primaire,
moyenne et sup�rieure, l�universit�; elles avaient pour t�che de continuer
ce processus
d�inculturation ou d�int�gration des individus dans leurs soci�t�s respectives,
en leur permettant
en m�me temps d�assimiler les progr�s de l�humanit�. L��ducation formelle,
celle qui est attach�e
aux syst�mes �ducatifs des diff�rents pays, a en effet pour fonction
de pr�server le pr�cieux
patrimoine du pass� pour r�pondre aux d�fis du pr�sent et pr�parer l�avenir.
1.1 - La culture gr�co-latine et l��ducation.
Fondamentalement, le mod�le �ducatif des soci�t�s modernes plonge ses
racines dans les cultures
gr�co-latine et jud�o-chr�tienne. Pour le meilleur et pour le pire,
ce mod�le d��cole a marqu�
l�Occident, ainsi que tous les pays qui ont accueilli la modernisation
�conomique, politique,
sociale et �ducative. Le bon c�t�: il a favoris� l�unit� de la famille
humaine; le mauvais c�t�: en
sacrifiant les cultures particuli�res des peuples, on a confondu l�unit�
avec l�uniformit�. Au nom
de la �civilisation�, on a sacrifi� l�inculturation et on a impos� la
�transculturation�, c�est-�-dire le
transfert h�g�monique d�une culture � une autre! Combien de guerres,
de conflits et de troubles
politiques actuels n�ont-ils pas leur origine dans cette tentative de
priver des peuples et des nations
de leur identit� culturelle!
Il est vrai que les traditions culturelles de la Chine, de l�Inde, de
l�Egypte, ont produit des mod�les
p�dagogiques admirables, dont notre monde peut encore s�inspirer; mais
leurs m�thodes
�ducatives n�ont connu ni la syst�matisation ni le rayonnement universel
du mod�le gr�co-romain
de l�Occident.
L�id�al grec de l��ducation proposait un humanisme, c�est-�-dire une
raison de vivre digne de
l�homme. Cette p�dagogie originale, appel�e �paideia�, �tait
motiv�e par la formation int�grale
de l�homme: corps, �me, imagination, raison, caract�re, esprit. Le jeune
se d�veloppait gr�ce �
la gymnastique, la musique, la danse, les math�matiques, la grammaire,
la litt�rature, les lettres,
les sciences, la rh�torique, l�art, la philosophie. La fr�quentation
des grands auteurs offrait des
exemples de courage et de noblesse, et les jeunes s�entra�naient ainsi
� imiter les h�ros. Il s�impose
de noter surtout que le g�nie hell�nistique a cr�� toutes les disciplines
intellectuelles, pratiques et
artistiques dont se nourrissent encore nos syst�mes �ducatifs actuels:
grammaire, math�matique,
g�om�trie, histoire, th��tre, sculpture, musique, droit, rh�torique,
philosophie, sciences politiques,
m�decine, physique.
A la suite des Grecs, les Romains se firent les propagandistes d�une
p�dagogie humaniste, li�e �
la culture classique: Cic�ron traduisait �paideia� par �humanitas�,
le fait de devenir pleinement
homme.
1.2 - La p�dagogie chr�tienne des origines
La diffusion du christianisme dans tout l�Empire romain a entra�n� une
nouvelle synth�se
culturelle, gr�ce � laquelle les valeurs classiques se sont vues int�gr�es
et enrichies par une vision
�vang�lique du monde et du destin de l�humanit�. Ces valeurs sont centr�es
sur une certaine
philosophie de la personne humaine et de son destin transcendant, sur
un certain id�al de la famille
et du bien commun, sur une conception du travail et du rapport � la
nature, sur une vision de
l��conomie et de la politique, sur l�id�e que chaque peuple se fait
de lui-m�me et de ses rapports
avec le monde. C�est dans ce contexte que sont n�s les droits de l�homme,
la d�mocratie, la
science moderne, l�Etat repr�sentatif, l�exploration et l�exploitation
de la terre, le droit universel.
Pour d�crire bri�vement les valeurs typiques apport�es par ce mod�le
d��ducation � la culture de
l�homme moderne, nous devrions reconna�tre les �l�ments suivants: la
vision particuli�re du
bonheur de l�homme vu dans l��conomie divine, le respect de l�esprit
et de la libert�, le go�t pour
la cr�ation et le d�passement, la rationalit� face � un univers � conna�tre
et � utiliser, le besoin
d�entreprendre et de se distinguer, la recherche de l�excellence, le
sens de la comp�tition et de
l��mulation, la pr�occupation pour les villes et les droits de l�homme,
l�aptitude � servir le bien
commun gr�ce � un travail comp�tent, une conception de la personne cr��e
� l�image de Dieu et
appel�e � un destin �ternel. L��ducation classique atteignait son objectif
quand les jeunes �taient
convaincus, comme le dit Pascal, que �l�homme passe infiniment l�homme�.
1.3 - Vers un nouveau mod�le culturel et �ducatif
Par une sorte de paradoxe, c�est pr�cis�ment le succ�s de l��ducation
classique qui a entra�n� sa
d�rive, par le fait qu�elle a favoris� le prodigieux d�veloppement des
connaissances qui ont
conduit � la r�volution technologique et � la naissance de l�esprit
moderne. Aujourd�hui, on
�prouve bien des difficult�s � d�finir l��ducation, dans une culture
marqu�e, depuis lors, par le
pluralisme des convictions et des comportements, par l�obsolescence
rapide des connaissances,
par la socialisation des biens culturels, par la scolarisation g�n�ralis�e
et l�universit� de masse, par
le r�le dominant des moyens de communication sociale dans la culture
moderne, par le
d�veloppement du secteur quaternaire qui privil�gie l�innovation permanente
et la recherche. Il
ne faut donc pas s��tonner si l��cole et l�universit� traditionnelles
sont r�ellement en crise, face
� un monde soumis � une �volution acc�l�r�e, qui n�accepte plus qu��
contrecoeur les �lites et les
hi�rarchies pr��tablies, dans lequel existent de puissants courants
anti-intellectuels qui s�en
prennent aux d�tenteurs du savoir, dont le pouvoir, dit-on, m�ne � la
domination sociale, au
militarisme et � la destruction de l�environnement.
La sociologie de l��ducation s�est int�ress�e � ces probl�mes,
pour en mesurer la gravit� et la
complexit�. Mais, � elle seule, elle est incapable de leur apporter
des solutions satisfaisantes. Dans
l��tat actuel de la r�flexion p�dagogique et philosophique, on peut
mettre en �vidence quelques
orientations fondamentales.
1. Aujourd�hui plus que jamais, il importe de red�finir les objectifs
de l��ducation. La tradition
bimill�naire de l��ducation classique et chr�tienne offre une r�ponse
valable quand elle
affirme que l�objectif de l��ducation, c�est la formation d�un esprit
capable de libre
jugement. C�est une contradiction p�dagogique de r�duire l��cole � un
simple moyen de
reproduction d�une id�ologie, ou d�endoctrinement politique, ou d�entra�nement
de type
militaire, ou tout simplement, � la formation technique requise par
le syst�me �conomique.
Sans nier les objectifs pratiques de l��ducation, on doit dire que sa
finalit� la plus �lev�e est
de nature humaniste, qu�elle exige donc la collaboration du jeune dans
l�art d�apprendre �
devenir une personne: cela doit �tre revendiqu� avec fermet�.
2. Il faut chercher � garder un �quilibre, difficile, entre la formation
personnelle de l�apprenant
et son information encyclop�dique. Le prodigieux d�veloppement des connaissances
dans
tous les domaines rend impossible aujourd�hui une assimilation synth�tique
de tout le savoir.
Dans la culture moderne, il faut d�sormais apprendre � vivre � c�t�
d�un immense champ
de non-savoir: les vastes secteurs des sciences r�serv�s aux sp�cialistes
de disciplines
toujours plus pointues. Il est d�s lors indispensable de s�efforcer
ensemble de percevoir et
d�affirmer la finalit� humaniste et �thique du savoir que l�on propose.
L��cole, de son c�t�,
devra s�efforcer de faire comprendre que la connaissance est encore
plus importante que le
savoir, car elle est la seule � former � la responsabilit� morale et
� la sagesse.
3. La famille, en tant que premier milieu d��ducation, et les enseignants
de m�tier, conservent
tout leur r�le dans la soci�t� moderne. Sous le pr�texte d�une rationalisation
politique ou
�conomique, on ne peut pas, sans tomber dans la contradiction, mobiliser
l��cole pour en
faire un instrument de pouvoir, de manipulation �conomique, de reproduction
sociale ou
id�ologique. L�exp�rience montre qu�aucun projet �ducatif ne peut r�ussir
sans la
participation des familles, d�enseignants comp�tents et des forces vives
d�une culture. Au
niveau national, la politique de l��ducation est appel�e avant tout
� assurer l��galit� des
chances pour tous � tous les niveaux d�instruction, en mettant les ressources
de l�Etat au
service du syst�me �ducatif. Le r�le de l�Etat, c�est de stimuler, d�animer
et de coordonner
les t�ches �ducatives. Mais la mission d��duquer et d�instruire appartient
� la communaut�
humaine, aux familles, � l��cole, aux universit�s, � toutes les institutions
culturelles qui
constituent le milieu �ducatif proprement dit.
4. M�me s�il faut garantir la perspective humaniste de l��ducation,
il faut bien reconna�tre que
l��cole du pass� a pu favoriser, plus ou moins consciemment, un individualisme
qui se
pr�occupait peu des responsabilit�s des enseignants et des �tudiants
vis-�-vis du changement
social. Il faut redonner de l�importance aux cultures qui valorisent
� au moins dans
l�intention � la solidarit� et l�aspiration de tous au d�veloppement
et � la justice. S�il est vrai
que la formation humaniste des personnes garde toute sa valeur, il faut
cependant renforcer,
par rapport au pass�, la fonction sociale de l��ducation. Les soci�t�s
traditionnelles se
repr�sentaient le monde comme quelque chose de statique, dans lequel
les rapports entre
les classes sociales et entre les peuples �taient re�us comme une donn�e
pratiquement
immuable. Un des changements les plus profonds de notre �poque est la
conviction
croissante que les soci�t�s peuvent effectivement changer gr�ce � l�effort
humain de tous.
C�est l� la signification de l�interd�pendance que nous vivons aujourd�hui
et qui se traduit
dans le processus en cours de la globalisation. Cette situation r�clame
une �ducation � la
responsabilit� sociale ainsi qu�au sens civique et politique, dans le
sens le plus large du
terme, des b�tisseurs de la cit�. Cet aspect de l��ducation rev�t une
urgence particuli�re
dans un monde � la recherche de justice et de participation universelle
� la culture.
L��ducation, d�sormais, ne doit plus se concevoir uniquement comme un
service �
l�individu, mais aussi comme un facteur de d�veloppement et de promotion
pour l�ensemble
de la soci�t�.
5. La capacit� d�analyser la soci�t� et la culture fait donc partie
int�grante de toute formation
humaine. Ceci ne veut pas dire que chaque �tudiant doive se sp�cialiser
en sociologie, mais
que tous, dans une culture qui change � un rythme acc�l�r�, ont besoin
de pouvoir pratiquer
le discernement dans un contexte de valeurs pluralistes et d�id�ologies
contradictoires. La
formation au discernement culturel est une n�cessit�, si on veut �viter
l�incertitude �thique
et la perte d�identit�. On assure ainsi, en contrepartie � ce qui a
�t� dit au point pr�c�dent,
la mise en valeur croissante de l�identit� culturelle de chaque peuple.
Dans le pass�, le milieu
et les institutions stables aidaient les individus � se situer au coeur
d�une culture.
Aujourd�hui, cette responsabilit� rel�ve en grande partie des personnes
elles-m�mes.
L��ducation classique enseignait � analyser les grandes oeuvres litt�raires
du pass�.
L��ducation moderne, sans n�gliger ce choix, doit pr�parer les �tudiants
� analyser les
cultures vivantes, leurs valeurs dominantes, leur �volution, leur impact
sur les mentalit�s et
sur les comportements. Aujourd�hui, �duquer signifie apprendre � la
personne �
s�auto�duquer sans arr�t, dans un milieu culturel fluide, en constante
�volution. De l�
d�coule la n�cessit� de l��ducation permanente, qui est devenue une
exigence
incontournable pour les cultures en train de changer.
6. Dans la soci�t� moderne, le pluralisme culturel pose des probl�mes
nouveaux et difficiles
aux responsables de l��ducation. Une solution faussement raisonnable
pousse certains
gouvernements � une politique de l��ducation qui, tout simplement, fait
abstraction des
convictions religieuses et morales des familles, qui sont repouss�es
dans la sph�re priv�e.
C�est l� oublier le droit primordial qu�ont les familles de transmettre
� leurs enfants leurs
propres croyances et leur h�ritage spirituel. Au nom de ce m�me pluralisme,
on revendique
actuellement une autre solution: diversifier les services offerts �
la population, en tenant
compte des convictions des familles et des ressources disponibles de
l�Etat. Jean-Paul II,
s�adressant aux membres du Conseil Pontifical pour la Culture, d�clarait:
�Souvent, les
conceptions de l�homme pr�sentes dans la soci�t� moderne sont devenues
des syst�mes de
) Jean-Paul II, Discours au Conseil Pontifical pour la Culture, 19 novembre
1999. 3
pens�e qui ont tendance � s��loigner de la v�rit� et � exclure Dieu,
persuad�s que, ce faisant,
ils affirment la primaut� de l�homme, au nom de sa pr�tendue libert�
et de sa r�alisation
pleine et libre. En travaillant de cette fa�on, ces id�ologies privent
l�homme de sa dimension
constitutive de personne cr��e � l�image et � la ressemblance de Dieu.
Cette grave
mutilation devient aujourd�hui une vraie menace pour l�homme, parce
qu�elle conduit � le
concevoir sans aucun rapport � la transcendance� . Une politique de
l��ducation 3
respectueuse du pluralisme culturel devra par cons�quent r�server un
espace l�gitime �
l�enseignement religieux et � la formation morale. C�est l� une mise
en pratique pertinente
de la �libert� de l��ducation�.
Comme on le voit, la gestion d�un syst�me d��ducation moderne pose �
la soci�t� des probl�mes
administratifs extr�mement complexes; mais le plus grand d�fi est d�ordre
culturel.
2. - LES NOUVELLES CULTURES OU L�ESPRIT DE NOTRE TEMPS
La naissance de �nouvelles cultures� est un ph�nom�ne qui s�est r�p�t�
pendant toute l�histoire
et qui a marqu� tous les grands changements historiques. C�est justement
un ph�nom�ne
semblable qui se d�roule sous nos yeux. Mais la prise de conscience
sociale de ces transitions
culturelles dans le pass� a �t� tr�s diversifi�e. Notre �poque, sans
doute plus que les pr�c�dentes,
a essay� de comprendre les �tats d��me qui caract�risent les g�n�rations
successives. L�expression
�nouvelles cultures� a �t� forg�e pr�cis�ment pour r�unir les valeurs
et les contrevaleurs qui
fa�onnent l�esprit de notre temps.
La nouveaut� de l�expression n�indique pas en soi la cr�ation de valeurs
absolument originales,
mais plut�t l�accentuation diff�rente mise sur les espoirs, les aspirations
et les angoisses qui
diff�rencient notre soci�t� de celles qui l�ont pr�c�d�e. Observons
aussi que l�av�nement d�une
nouvelle culture s�accompagne tr�s souvent du d�veloppement d�une contreculture,
qui met en
crise les valeurs et les institutions re�ues jusqu�alors dans un groupe.
2.1 - Tendances typiques
Une nouvelle culture est comme un esprit en mouvement; elle est difficile
� interpr�ter, car elle
est une r�alit� �in fieri�, un ph�nom�ne en cours. La complexit�
du probl�me ne doit cependant
pas d�courager les efforts tent�s pour discerner les faits, car ce qui
est en jeu, c�est ni plus ni
moins que l�avenir � construire. Si nous essayons de saisir la mentalit�
et la sensibilit� courantes
qui naissent de nos jours, nous pouvons signaler certains traits
psychosociaux. Un premier coup
d�oeil, rapide et global, nous r�v�le une configuration �trange de tendances
relativement nouvelles
et contradictoires, dont beaucoup se pr�sentent sous la forme de mouvements
de revendication:
�cologistes, pacifistes, f�ministes, importance du Tiers-Monde, mouvements
de lib�ration, r�veil
religieux. Et face � de nombreux engagements g�n�reux, on trouve aussi
pas mal de
comportements pr�occupants: permissivit� morale, individualisme dominant,
consum�risme
effr�n�, diffusion de la drogue, mouvements homosexuels (�gay�),
etc. Les analystes h�sitent au
moment d�indiquer les tendances de fond et leurs interpr�tations varient
en fonction du point de
vue de chacun.
2.2 - Cinq traits principaux
Pour notre part, nous retenons cinq traits qui nous semblent particuli�rement
ad�quats pour
caract�riser les nouvelles mentalit�s. Ils constituent autant d�orientations
qui apparaissent assez
g�n�rales et durables, et qui promettent de fa�onner notre avenir. Ce
sont les suivants: une
inqui�tude g�n�ralis�e face � l�avenir, un besoin universel de justice
et de paix, l��mergence de
nouvelles valeurs et d�un nouveau mode de rapport homme-femme, une aspiration
� construire
l�avenir en toute connaissance de cause. Quelques br�ves indications
vont nous permettre de
pr�ciser notre point de vue.
1. Dans toutes les soci�t�s s�est r�pandu progressivement un sentiment
de peur et d�angoisse;
une crainte sourde s�est g�n�ralis�e quant � la destruction de la nature
et de l�environnement
(pensez au r�cent Sommet des Nations Unies, tenu � Johannesbourg, en
Afrique du Sud,
du 26 ao�t au 4 octobre 2002). Tout le monde craint les cons�quences
impr�visibles de
l�exp�rimentation biologique et s�inqui�te pour l�avenir de la famille
humaine face aux
risques insupportables de l�apocalypse nucl�aire. Un sentiment d�angoisse
existentiel
provoque en nous tous une r�action �l�mentaire, une recherche radicale
de survie du genre
humain. La culture actuelle r�v�le non seulement une crise des moeurs
ou la crise de
l�ath�isme, mais c�est l��tre m�me de l�homme qui est en question. La
p�nurie religieuse,
dont parlait le jeune Marx, n�est pas seulement celle du prol�tariat.
La p�nurie spirituelle
frappe maintenant toutes les classes qui forment la soci�t� moderne.
La grande tentation de
nos jours, c�est le fatalisme et le sentiment d�impuissance en face
de probl�mes extr�mement
complexes qui nous d�passent tous. Malgr� tout, les meilleurs esprits
repoussent cette
tentation de l�che abandon, ce d�terminisme tragique qui paralyse trop
de nos
contemporains, en fermant leur horizon culturel.
2. La recherche universelle de justice et de paix s�exprime avec force
ces derniers temps. En
se d�couvrant solidaires entre eux, nos contemporains trouvent de plus
en plus intol�rable
la coexistence de la mis�re avec l�opulence. Tout en ayant conscience
que certains
mouvements ne sont pas des na�fs, je pense que le �Forum social� ou
les �altermondialistes�
(�Antiglobal�) peuvent �tre compt�s ici. Dans le monde entier
s��l�ve une
aspiration universelle � ce que, finalement, soit mis en application
un principe d�unit�, de
justice et de coresponsabilit� dans la libert� et le respect de tous
les hommes. Il y a en
gestation une esp�ce d�universalisme culturel. Plus que jamais, la d�fense
des droits humains
appara�t comme une exigence et un signe de lib�ration. Des foules enti�res
trouvent
insupportable que le monde moderne nie leur libert� fondamentale, leur
droit au
d�veloppement et surtout leur enti�re libert�. Il n�est pas �tonnant
que le Pape lui-m�me
parle de la n�cessit� de globaliser les droits humains, la solidarit�,
la paix.
3. La mont�e de nouvelles valeurs offre cependant aussi une piste de
r�flexion qui peut
conduire � une grande clarification. Sommes-nous assez attentifs aux
valeurs que
recherchent beaucoup de nos contemporains surtout parmi les jeunes g�n�rations
et dans
les jeunes nations? Essayons de comprendre les angoisses qui s�expriment
� travers des
valeurs qui s�affirment aujourd�hui avec force, par exemple le respect
de l�identit�, la qualit�
de la vie, l�acc�s � l��ducation, � la culture, � la communication,
le r�le nouveau de la
femme, l�estime du travail et du temps libre, le go�t pour la vie en
groupe, l�int�r�t
renouvel� pour le fait religieux, la r��valuation de la tol�rance et
du pluralisme, la
red�couverte de la famille, le dialogue entre les g�n�rations, l�attention
aux handicap�s et
l�aspiration universelle � la paix et � la concorde. Il faut en outre
savoir �valuer l��trange
recherche d�exp�riences religieuses qui semble exprimer un nouveau besoin
dans les milieux
les plus divers, surtout parmi les jeunes. Parmi les nouvelles valeurs,
il faut faire une place
sp�ciale � la prise de conscience g�n�ralis�e que chaque personne poss�de
sa dignit� et ses
droits propres et qu�elle peut l�gitimement aspirer � une libre participation
aux affaires
communes. Ces tendances culturelles ne sont jamais exemptes d�ambig�it�,
mais elles sont
assur�ment porteuses d�espoirs. Cette importance nouvelle de l�esp�rance
est peut-�tre l�un
des signes les plus clairs qui caract�risent les nouvelles cultures.
Les �ducateurs en
particulier ont une responsabilit� sp�cifique dans la compr�hension
et le discernement de ces
nouvelles valeurs.
4. Les nouveaux rapports homme-femme constituent eux aussi un tournant
culturel de port�e
historique. Il ne s�agit pas d�un simple mouvement de revendication,
qui par ailleurs n�a �t�
reconnu par beaucoup que trop tardivement. Nous assistons � la recherche
d�une nouvelle
condition de la femme dans la soci�t� moderne, sp�cialement dans les
nations ou les cultures
qui continuent, encore aujourd�hui, � leur refuser toute parole et tout
r�le dans la soci�t�.
On est � la recherche d�un nouvel �quilibre du f�minin au niveau de
toute l�humanit�. On
saisit mieux maintenant ce fait culturel dans toute sa complexit� et
toutes ses implications.
Si la femme acquiert une libert� et une responsabilit� �gales � celle
de l�homme dans la
collectivit�, on acc�de � plus d�humanit�. Le b�n�ficiaire, ce sera
le genre humain tout
entier, aussi bien les femmes que les hommes. Dans cette perspective,
on comprend que
l�homme aussi bien que la femme sont appel�s � �tre sujets et acteurs
du changement de la
condition f�minine. En d�autres mots, l�homme aussi bien que la femme
sont appel�s �
grandir ensemble dans leur n�cessaire et irr�ductible compl�mentarit�.
Il s�agit d�une
�volution qui regarde toute l�humanit� en tant que telle; ce sera un
des changements les plus
profonds que la culture moderne aura connus. Nous ne sommes qu�au d�but
d�une �volution
culturelle qui appelle tout le monde, hommes et femmes, � rendre un
service indispensable
� l��tre humain en tant que tel.
5. Toute la famille humaine aspire � b�tir l�avenir en toute connaissance
de cause. Jamais
comme aujourd�hui les �tres humains n�ont eu une telle conscience de
leur unit� et de leur
interd�pendance. Pour la premi�re fois dans l�histoire, l�humanit� dans
son ensemble est
appel�e � prendre en mains son avenir, � construire en toute connaissance
de cause un
nouveau monde, digne de l�homme et de tous les hommes. C�est l� une
vision de la culture
qui va bien au del� d�une simple adaptation aux valeurs dominantes d�une
soci�t� gouvern�e
surtout par l��conomique. La culture de l�avenir sera celle pour laquelle
l�homme se
construira lui-m�me � partir de ses convictions personnelles et de ses
id�aux les plus nobles.
La culture appara�t essentiellement comme une cr�ation dans la libert�.
C�est pr�cis�ment
l�affirmation de cet id�al que les jeunes g�n�rations et les jeunes
nations attendent des
dirigeants intellectuels, politiques et spirituels.
3. - LE RAPPORT �COLE-�DUCATION
Dans le courant de sa longue histoire, l��cole en tant qu�institution
a rarement d� faire face � un
ensemble aussi impressionnant de bouleversements politiques, sociaux,
scientifiques et culturels.
Partons de ce qui nous est le plus proche: les nouveaux modes de
production de la culture.
) Cf F. FUKUYAMA, �L�Occident peut se briser�. Dans cet article, apr�s
avoir pos� la 4
question: �L�Occident� est-il vraiment un concept coh�rent?�, cet auteur
�crit: �Les attaques du 11
septembre ont constitu� un tournant important, mais, au bout du compte,
la modernisation et la
globalisation resteront les principes structurants fondamentaux de la
politique mondiale� (Tir� du
journal espagnol El Pa�s, �dition Internet, 17/08/2002)
Pendant des si�cles, l��cole s�est identifi�e � une certaine id�e de
la civilisation et elle reconnaissait
qu�elle avait un r�le civilisateur propre. Eh bien! Ce postulat semble
aujourd�hui avoir �t� rejet�:
la nouvelle culture qui se r�pand maintenant est produite et transmise
par des puissants rivaux de
l�universit� qui ont envahi le champ de l�enseignement, de la recherche,
de la documentation et
de l�information. Les �coles ont encore � d�couvrir comment elles peuvent
passer de la
comp�tition � la coop�ration avec ces nouveaux agents de production
de la culture. Pensons, par
exemple, aux moyens de communication sociale, aux industries de la culture,
aux banques de
donn�es, aux communications par satellite, aux �tudes et aux enseignements
li�s aux industries
priv�es et aux Etats.
Le plus grand d�fi pour l��cole est celui de d�finir son r�le sp�cifique
dans l�effort de
modernisation de la soci�t�. Comment r�concilier la croissance �conomique
avec le progr�s de
l�humanisme? Il faut se rendre compte que le langage dur de la productivit�
moderne ne se marie
pas facilement avec le discours humaniste. Pensons � un th�oricien du
n�olib�ralisme comme
Francis Fukuyama et sa th�orie de la fin de l�histoire . Les
agents �conomiques �prouvent en 4
effet une sorte de pudeur et de malaise quand ils sont amen�s � disserter
sur les valeurs qui
gouvernent la culture de l�esprit. La froide rationalit� du pragmatisme,
de la rentabilit�, de la
comp�titivit�, ne s�accorde pas facilement avec la logique du savoir
et de la recherche. Comme
on le voit, la question de fond est celle du r�le culturel qui rel�ve
sp�cifiquement de l��cole.
Parler de la culture n�a jamais �t� facile; rarement ce sujet a �t�
abord� sans h�sitations et sans
r�serves, parce qu�il touche au domaine de l�esprit, de l�id�al, des
valeurs les plus hautes que
l��cole repr�sente. Les �v�nements eux-m�mes se chargent de r�v�ler
aux soci�t�s et aux
�tudiants que l�enjeu prioritaire pour l�avenir, c�est le probl�me de
la culture. En effet. Les
questions les plus urgentes sont avant tout d�ordre �thique et culturel
parce qu�elles concernent
le sens de la vie humaine, les nouveaux modes de procr�ation, l�exp�rimentation
biologique. Dans
cette situation, nous nous rendons � peine compte que les d�couvertes
r�centes de la science et
de la technologie n�ont pas chang� l�interpr�tation de l�homme et de
la vie, mais qu�elles ont
acquis carr�ment la capacit� technique de reproduire la vie, comme on
a pu le voir clairement par
le succ�s du s�quen�age du g�nome humain et du clonage. Ajoutons � ces
probl�mes ceux qui
concernent la protection de l�environnement, les nouvelles pauvret�s,
le juste d�veloppement de
tous les groupes humains et de tous les peuples, la responsabilisation
des grands secteurs de la
culture, comme les moyens de communication sociale, et les nouveaux
d�fis pos�s par les
migrations interethniques, en constante augmentation. L�Italie ne fait
pas ici exception, bien au
contraire!
Dans une soci�t� comme celle-l�, dans laquelle toutes les id�ologies
sont en crise et o� le pur
pragmatisme r�v�le sa dramatique insuffisance et ses effets d�stabilisants,
l��cole doit s�affirmer
comme un lieu g�n�rateur de culture, d�di� � la recherche de sens, comme
un centre de r�flexion
libre et d��ducation, toutes deux indispensables pour assurer la sauvegarde
culturelle d�une nation.
) Cf PILAR DEL CASTILLO. �L�avenir de la soci�t�, c�est le pr�sent de
l��ducation�. In El Pa�s, 5
�dition en ligne du 16/09/2002.
La Ministre de l�Education, de la Culture et des Sports d�Espagne,
pour expliquer l�urgence de la r�forme du syst�me �ducatif en cours
affirme clairement que �les
pays doivent adapter p�riodiquement leur syst�me d��ducation�. Selon
ses propres mots, �l��ducation
est, d�une certaine fa�on, le �lieu� o� la soci�t� et la culture jouent
ce qu�elles sont et ce qu�elles
veulent �tre�.
La mission de l��cole n�est pas moins n�cessaire et urgente aujourd�hui
qu�hier. Que du contraire!
Les soci�t�s libres ne pourront survivre et progresser pendant longtemps
sans la libre recherche
du savoir, sans la cr�ativit� qui na�t de la recherche, sans un approfondissement
� r�alis� de
g�n�ration en g�n�ration � des valeurs permanentes du monde civilis�.
Ces valeurs sont bas�es
sur une anthropologie humaniste et spirituelle; elles s�appellent: v�rit�,
justice, droit, libert�,
primaut� de la personne et de son destin spirituel, sens de la solidarit�
et du bien commun. Ces
valeurs fondamentales des soci�t�s civilis�es ne sont jamais acquises
une fois pour toutes. Et elles ne peuvent se d�velopper sans la r�flexion,
l��ducation et l��tude, qui les font impr�gner les
consciences et les institutions. C�est l� une des fonctions les plus
nobles de l��cole.
Face � ce d�cor fait de d�fis, il est donc naturel que l��cole, au moins
dans la plus grande partie
du monde occidental, s�efforce d�adapter ses projets et ses programmes,
ainsi que le montrent les
r�formes des syst�mes �ducatifs r�alis�es ou en cours de r�alisation
dans plusieurs pays, ces
derni�res ann�es. La contribution de Hannah Arendt a justement consist�
� faire voir que
l��ducation prend place �entre le pass� et l�avenir�, entre la stabilit�
et le changement, entre la
tradition et l�innovation. Pourtant, il me semble que le plus important
dans tout cela, c�est le 5
changement global de l��cole, conditionn� particuli�rement par
la modification de deux rapports:
le rapport entre l��cole et l��ducation et le rapport entre l��cole
et la soci�t�.
3.1 - �cole et �ducation
Dans le pass�, la famille et l��cole assuraient la formation compl�te
des jeunes. Il n�y avait aucune
place pour d�autres influences, favorables ou d�favorables � une bonne
�ducation. Aujourd�hui
� comme on l�a dit pr�c�demment � il faut compter avec d�autres agents
d��ducation, qui ont
parfois plus de poids que la famille ou l��cole elles-m�mes.
1. Les moyens de communication sociale, qui, de cha�nes d�information,
sont devenus des
v�ritables r�seaux d��ducation, cr�ateurs de nouvelle culture, avec
tout ce que cela
implique: creuset de mod�les, diffusion de valeurs, de fa�ons de vivre
et d�interpr�ter la
r�alit�, etc. En raison de leur efficacit� et de leur continuit�, m�me
s�ils ne se pr�sentent pas
avec des offres formelles d��ducation, ils exercent sur des personnalit�s
en formation une
influence non n�gligeable.
2. Les lieux de loisirs et les activit�s librement choisies, qui se
sont multipli�s, et qui ne sont
pas fix�s par des programmes scolaires, exercent �galement une grande
influence sur la
construction de la personne et contribuent � la fa�onner.
3. Les lieux de socialisation r�serv�s aux jeunes, o� ils discutent
et rencontrent des adultes et
leurs compagnons, sont devenus une sorte d��universit� de la vie� o�
s��laborent une
certaine fa�on de voir la vie et des r�gles de conduite.
Voil� le premier changement: la nouvelle distribution des r�les dans
l��ducation. L��cole et la
famille continuent d�exercer un r�le important, mais elles ne sont plus
seules � intervenir dans le
processus �ducatif. Elles doivent admettre que nous vivons aujourd�hui
dans un milieu pluraliste,
o� les propositions sont multiples, et que, par cons�quent, elles doivent
assumer plus qu�avant
l�obligation de faire converger des influences et des propositions �ducatives
parall�les ou
franchement divergentes. Il en r�sulte un nouveau besoin, dont l��cole
fait l�exp�rience: celui de
ne pas se contenter d��tre un simple supermarch� de l�information et
de la transmission de
donn�es, mais renforcer le t�moignage et le d�veloppement des valeurs
qui rassemblent ou qui
servent de filtre critique aux influences multiples qui assi�gent toutes
les personnes, et surtout les
jeunes.
3.2 - �cole et Soci�t�
Le second changement important concerne le rapport entre l��cole et
la communaut� humaine
dans laquelle elle fonctionne. L��cole n�est plus la propri�t� d�un
groupe d��ducateurs �
communaut�s religieuses ou Etats � et les familles ne sont pas de simples
clients d�une entreprise
d��ducation � laquelle ils confient leurs enfants en exigeant d�elle
un service sp�cifique r�tribu�
directement (cas de l��cole priv�e) ou indirectement (cas de l��cole
publique).
Aujourd�hui, l��cole s�int�gre toujours plus dans la dynamique de la
soci�t� et participe � doit
participer � en toute responsabilit� � la programmation et � la gestion.
En plusieurs endroits, on
en est venu � une gestion communautaire de l��cole sanctionn�e par la
loi. Le rapport entre �cole
et Communaut� aujourd�hui est marqu� d�une r�alit� appel�e participation.
Aussi bien la soci�t�
que les familles ne restent plus hors de l��cole. Aujourd�hui, elles
ne se contentent plus de fournir
des �l�ves aux �coles. Aujourd�hui, elles revendiquent leur droit �
participer � l��laboration du
projet �ducatif et des r�gles qui servent de guide � l��ducation.
3.3 - �cole et �vang�lisation
Autre �l�ment du changement: le rapport �cole-�vang�lisation (ou
programme scolaire -
formation chr�tienne). Le changement porte surtout sur la fa�on de pr�senter
la formation
chr�tienne: non plus bas�e sur une exigence r�glementaire � on doit
se comporter de telle fa�on
parce que le r�glement l�exige � mais sur une proposition de vie faite
aux jeunes, qui doivent
l�assumer dans une atmosph�re de libert� et, donc, de libre choix, sans
contraintes ext�rieures
d�aucune sorte.
Nous passons ainsi d�une pastorale de l�obligation � une �pastorale
de la proposition�. On offre
� l��l�ve l�occasion de recevoir une formation chr�tienne. On doit donc
miser en permanence sur
le bon sens, sur la spontan�it� et sur la libre r�ponse du jeune. Le
devoir de formation chr�tienne
doit �tre impr�gn� de cette valeur qu�on appelle Libert�.
On doit d�autant plus insister sur ce point que l�on a conscience du
caract�re pluraliste qui r�gne
dans l��cole elle-m�me: beaucoup d�enseignants, de parents et d��l�ves
ne sont pas croyants ou
ne sont pas de religion catholique, m�me en Europe. Je voudrais dire
en passant que cette
multiplicit� culturelle est une valeur en elle-m�me et que l��ducation
a justement un r�le
) Jean-Paul II, Message pour la Journ�e Mondiale de la Paix, 8 d�cembre
2000, n/ 20: 6
�L��ducation peut contribuer au renforcement de l�humanisme int�gral,
ouvert � la dimension �thique
et religieuse, et qui accorde toute son importance � la connaissance
et � l�estime des cultures et des
valeurs spirituelles des diff�rentes civilisations�.
) L��cole Catholique au seuil de troisi�me mill�naire. Congr�gation
pour l��ducation 7
Catholique, 28 d�cembre 1997.
particulier � jouer dans la construction d�un monde plus solidaire et
pacifique Evidemment, dans 6
un tel contexte, la proposition chr�tienne appara�t comme une parmi
d�autres. Face � cette r�alit�,
l��cole Catholique est mise au d�fi de red�couvrir son identit� comme
milieu d��vang�lisation et
de voir comment cela peut se r�aliser dans le respect des divers parcours
de recherche religieuse
des membres de sa communaut� �ducative.
Ce qu�on vient de dire entra�ne, parmi d�autres, les cons�quences suivantes:
1. L��cole catholique doit privil�gier le t�moignage de la foi plut�t
que la simple explication
th�orique des v�rit�s de la foi. Et ceci ne peut se faire qu�� la condition
que les membres de
la Communaut� �ducative aient une exp�rience personnelle de Dieu.
2. Le t�moignage de vie de la Communaut� �ducative, en tant que communaut�,
prend
toujours plus d�importance. Il ne suffit pas d�avoir quelques enseignants,
bons chr�tiens
pour leur compte. Mais il faut un v�cu commun qui rende visible cette
autre mani�re
d�affronter la vie. C�est l� l�unique moyen d��vang�liser la culture.
3. Mais le t�moignage lui-m�me ne suffit pas. Il faut d�velopper dans
l��cole catholique une
culture v�ritablement inspir�e par la foi et impr�gn�e des valeurs �vang�liques;
cette culture
s�exprime par des choix, des crit�res, une m�thodologie, un mode d�organisation.
Ce n�est
qu�ainsi que pourra appara�tre la dimension anthropologique et humanisatrice
de la foi et
sa contribution � la construction de l�humanit�.
4. La synth�se entre la culture et la vie que l��cole catholique se
propose de r�aliser exige une
autre synth�se: celle entre la Foi et la Vie, qu�il revient aux �ducateurs
d�exprimer. Ces deux
synth�ses doivent conduire le jeune � une unit� existentielle et dynamique,
sur laquelle se
fondent la Foi, l�Existence et la Pens�e. �Dans le projet �ducatif de
l��cole catholique, en
effet, il n�y a pas de s�paration entre les moments d�apprentissage
et les moments
d��ducation, entre les moments th�oriques ou techniques et les moments
de sagesse. Chaque
mati�re pr�sente non seulement des connaissances � acqu�rir, mais aussi
des valeurs �
assumer et des v�rit�s � d�couvrir� . 7
5. Etant donn� la situation actuelle des �coles catholiques, qui comptent
peu de personnel
religieux et de nombreux la�cs, la formation de ces derniers est devenue
plus que jamais
n�cessaire, de m�me que leur engagement dans le processus �ducatif devenu
aujourd�hui
le centre d�int�r�t de l��ducation catholique.
C�est l� un des �l�ments constitutifs de l�aspect proph�tique et de
la signifiance de l��ducation
catholique aujourd�hui. Il ne s�agit naturellement pas d�un �fait accompli�
ni d�un �mal
n�cessaire�. Mais il s�agit de prendre conscience de la vocation et
de la mission du la�c, dont la
pr�sence dans les activit�s temporelles, pour les animer chr�tiennement
et les impr�gner d�esprit
chr�tien, est l�expression de sa qualit� de baptis�. L��ducation est
l�un de ces devoirs. En d�autres
mots, m�me s�il y avait davantage de pr�tres et de religieux, la pr�sence
de la�cs dans les �coles
catholiques est indispensable, parce qu�il faut mettre � profit les
diff�rentes formes d�exp�rience
de vie chr�tienne et ouvrir des espaces � des contributions diverses,
de sorte que l��cole devienne
un image v�ritable de l��glise.
4. - LA PROPOSITION ACTUELLE DE L��COLE SAL�SIENNE
Le changement de statut des �coles sal�siennes, d� � la n�cessit� de
faire davantage appel � des
la�cs, est donc un signe des temps que nous devons accepter comme un
d�fi et comme une
nouvelle occasion. Mais il est indispensable, au long de ce processus
de renouvellement, de
conserver l�identit� de l��cole sal�sienne, en restant fid�le au g�nie
p�dagogique de Don Bosco.
C�est ainsi que nos �coles sont rest�es sal�siennes, non seulement parce
qu�elles sont toujours
propri�t�s de la Congr�gation Sal�sienne, mais surtout parce qu�on y
respire cette atmosph�re
typique et qu�on y pratique le style d��ducation qui a toujours caract�ris�
les oeuvres de Don
Bosco, tout en relevant les d�fis pos�s par notre soci�t� actuelle.
4.1 - Le projet �ducatif sal�sien
Comme les gens, les institutions ont leur physionomie propre. Chaque
groupe d��ducateurs met
en oeuvre un projet �ducatif. Les projets �ducatifs, tout en
suivant les m�mes programmes
scolaires et en respectant les m�mes r�glementations, sont diff�rents.
Cette diversit� provient
principalement de la mani�re de concevoir les objectifs de l��ducation
et du style adopt� pour
intervenir dans le d�veloppement des jeunes.
Don Bosco a formul� les objectifs de l��ducation en une phrase simple
et compr�hensible: aider
le jeune � devenir �un honn�te citoyen parce que bon chr�tien�. Par
cette phrase, il voulait
exprimer la totalit� de son id�al: former des b�tisseurs de la cit�
et des hommes croyants. Dans
cette formule toutes les dimensions de la personnalit� sont prises en
compte. Au milieu d�elles,
la foi qui les �claire et les unit.
4.2 - L�ambiance �ducative sal�sienne
L��cole sal�sienne se caract�rise par un deuxi�me aspect: le climat
humain et �l�ambiance�,
entendue comme l�ensemble des �l�ments ind�finissables qui influent
sur chacun de nous m�me
sans qu�on y pense.
On dirait quelque chose qui rentre par les pores, quelque chose que
l�on respire. Cette ambiance
nous influence � chaque minute qui passe. C�est comme la respiration.
Nous ne nous en
apercevons que quand nous nous arr�tons pour l�observer. Il peut ainsi
arriver que, pour l�enfant
ou le jeune, elle reste quelque chose d�ind�finissable, m�me si tous
les deux la per�oivent. C�est
ce que nous avons pris l�habitude d�appeler �l�esprit de famille�.
L�ambiance fut une des pr�occupations de Don Bosco. � une �poque o�
r�gnaient les r�glements,
il insista sur la spontan�it� et la place qu�il fallait lui laisser.
� une �poque r�gie par de multiples
niveaux d�autorit�, Don Bosco mit en �vidence la n�cessit� d�entretenir
avec l��duqu� la
familiarit� et la convivialit�. Pour lui, l��ducation �tait �une
affaire de coeur�, une transmission
vitale de valeurs, la cr�ation d�un �cosyst�me o� l�on respirait l�optimisme
et le bonheur, o�
circulait une s�rie de valeurs qui petit � petit fa�onnaient la personnalit�
du jeune. Notre devoir,
disait-il, est de faire en sorte que le jeune devienne assez ami avec
nous pour nous ouvrir son
coeur, et pour que nous puissions agir sur lui � partir du centre m�me
de sa vie. De cette fa�on,
il sera possible, non seulement de lui offrir des outils lui permettant
de faire l�apprentissage de la
r�alit�, mais en outre, de l�accompagner dans l��laboration de ses propres
crit�res et projets de
vie. Cet aspect acquiert aujourd�hui plus d�importance encore, en raison
des carences fr�quentes
de la vie familiale, qui constitue v�ritablement la premi�re �cole de
vie.
Le climat, l�ambiance, r�sultent de la convergence de beaucoup d��l�ments.
Mais l��l�ment
principal du climat �ducatif, c�est le type de rapports que les �ducateurs
entretiennent avec leurs
�l�ves.
Ce peut �tre un rapport froid, celui d�une autorit� distante; ou bien
un rapport purement
conventionnel; ou bien encore un rapport de sympathie, d�intimit� et
de service constant. Ce
dernier s�exprime par une disponibilit� � dialoguer, � partager la vie,
� parler des sujets qui
int�ressent les jeunes. Tel �tait le climat �ducatif chez Don Bosco.
4.3 - Les rapports entre les �ducateurs
Le troisi�me �l�ment de l��cole sal�sienne, c�est le rapport entre les
�ducateurs. D�apr�s un
t�moin des premiers temps de l�Oratoire de Turin, les �ducateurs se
m�laient aux jeunes et leur
offraient leur amiti� en toute simplicit�. Ce comportement est le fruit
d�une mentalit� partag�e
qui provient de Don Bosco lui-m�me et dont les caract�ristiques sont:
la modestie, l�aptitude �
la sympathie, la disponibilit� � rendre service, le rapport de collaboration
et de soutien
r�ciproques.
Les r�glements sal�siens recommandent que l�on vise � former entre les
�ducateurs une
communion d�id�aux et d�int�r�ts, impr�gn�e de l�esprit �vang�lique
de libert� et de charit�.
Les �ducateurs peuvent entretenir trois sortes de rapports:
1. Rapport de travail: c�est un rapport r�duit au strict minimum: la
prestation d�un service en
�change de la r�mun�ration correspondante.
2. Rapport professionnel: outre la prestation de service et la r�mun�ration,
il existe un rapport
d�amiti� et d��changes sur des sujets qui touchent au m�tier commun.
3. Rapport �vocationnel�: c�est le type de rapport sp�cifique des �ducateurs
chr�tiens, similaire
� celui qui unit les religieux en communaut� ou les pr�tres dans leur
fonction pastorale.
Le rapport vocationnel est celui qui r�unit gr�ce � une vision de la
vie et des valeurs identiques
que l�on veut cultiver ensemble. Ce type de rapport est celui qui convient
le mieux � un groupe
d��ducateurs qui d�sirent mettre en oeuvre un projet �ducatif, dans
la coh�rence et la
progressivit�. En d�finitive, il est bas� sur la conviction qu�il existe
un ensemble de valeurs que
nous cultivons et une mission que nous accomplissons ensemble.
) Paul VI, Populorum Progressio, 5, 43, 80. 8
5. - L��GLISE FACE � LA CRISE ACTUELLE
La pens�e de l��glise sur le changement d��poque que nous vivons ne
peut �tre appr�ci�e � sa
juste mesure que dans une perspective nettement culturelle. C�est toujours
l�horizon des cultures
et des civilisations qui est �voqu� dans l�entreprise du d�veloppement
des peuples et de tous les
groupes humains.
L�expression-cl� de Paul VI dans l�Encyclique �Populorum Progressio�
est celle-ci: �le
d�veloppement int�gral de l�homme et le d�veloppement solidaire de l�humanit��.
Ces deux
aspects, l�individuel et le collectif, sont ins�parables: �le d�veloppement
int�gral de l�homme ne
peut �tre atteint hors du d�veloppement solidaire de l�humanit��. Il
en va de l�avenir de la
civilisation: �Dans cette marche, nous sommes tous solidaires... Ce
qui est en jeu, c�est la survie
de tous ces b�b�s innocents, l�acc�s � une condition digne de l�homme
de tant de familles dans
la pauvret�, la paix dans le monde, l�avenir de la civilisation�. L�essentiel
du message est r�sum�
dans ces mots: �Le d�veloppement ne se r�duit pas � une simple croissance
�conomique; pour �tre
vrai, il doit �tre int�gral, c�est-�-dire promouvoir tous les hommes
et tout l�homme�.8
Il faut d�velopper en m�me temps la culture des personnes ais�es et
celle des pauvres, celle des
bienfaiteurs et celle des b�n�ficiaires, celle des nations riches et
celle des pays qui aspirent � sortir
de la mis�re. Telle est la signification la plus profonde de l�enseignement
de l�Eglise concernant
la justice et le d�veloppement; en d�finitive, c�est un appel � la fraternit�
humaine. On n�atteindra
pas un v�ritable d�veloppement sans promouvoir le dynamisme spirituel
aussi bien des riches que
des pauvres. Les citoyens des pays les plus riches doivent proc�der
� une profonde r�vision de
leur culture, pour apprendre � critiquer les valeurs de leur soci�t�
de consommation et � se mettre
� l��coute de leurs fr�res, de tous ceux qui sont dans le besoin et
la mis�re. Chez les peuples
�conomiquement pauvres qui veulent acc�der � la modernit�, il faut aussi
des changements
culturels, puisqu�ils devront accepter les valeurs de la soci�t� technique
et industrielle, mais sans
sacrifier l�essentiel de leurs traditions ancestrales.
On ne peut cependant opposer les exigences de la justice aux exigences
de la culture, puisque
l�oeuvre de justice est une des fonctions les plus hautes de l�humanisme.
Il s�agit au sens propre
d�une oeuvre de civilisation et d��l�vation de l�homme. Les besoins
fondamentaux de l�homme
ne sont pas seulement d�ordre physique et mat�riel; ils sont aussi d�ordre
spirituel et culturel.
L�homme a assur�ment le besoin vital de se nourrir, de jouir d�une bonne
sant�, de trouver un
endroit o� vivre en s�curit�; mais il a un besoin tout aussi vital de
savoir, de comprendre le monde
en mutation, d��tre respect� dans son identit� propre, pour pouvoir
s�affirmer et grandir dans sa
culture. Par cons�quent, l�homme aspire de toutes ses forces � satisfaire
en m�me temps ses
besoins essentiels de justice et de culture.
La r�flexion de l��glise sur les exigences de la justice dans le monde
insiste � bon droit sur les
relations r�ciproques concr�tes qui existent entre culture, �ducation,
promotion du
d�veloppement, lutte contre la faim, action pour la justice et pour
la paix. Il s�agit, d�clarait Jean-
Paul II � l�UNESCO en 1980, �d�un immense syst�me de vases communicants�.
C�est
pr�cis�ment au nom de la justice que l��glise refuse tous les humanismes
ferm�s sur eux-m�mes,
qui, au bout du compte, finissent par trahir l��tre humain.
5.1 - Racines culturelles et morales du sous-d�veloppement
L�analyse r�aliste des formes actuelles de sous-d�veloppement conduit
� reconna�tre que les
pauvret�s de notre temps ont leurs racines dans certains facteurs d�ordre
politique et, finalement,
dans un mal moral d� aux manquements et aux omissions de beaucoup de
gens. Par cons�quent,
il faudra agir au niveau du p�ch� social ou sur les structures
de p�ch�, entendues comme la
somme ou le r�sultat des manquements et des omissions d�une foule d�individus.
L�objectif positif
est de b�tir un avenir de l�humanit� plus digne pour tous, dans lequel
le d�fi du d�veloppement
se pr�sente comme un appel urgent � la fraternit� universelle, une r�alit�
dynamique capable de
red�finir le progr�s v�ritable � partir de l��tre authentique de l�homme.
S�en tenir uniquement aux
objectifs �conomiques ou � l�accumulation de biens mat�riels, comme
le fait la globalisation en
cours � qui a un urgent besoin d��tre humanis�e � c�est trahir la v�ritable
finalit� du
d�veloppement. Une profonde r�forme morale et culturelle s�impose, si
nous voulons que le
monde reste ma�tre de son destin commun.
Les chr�tiens sont convaincus que dans la crise actuelle la lumi�re
de l��vangile finira par
transformer les cultures dominantes qui freinent, de fa�on aussi scandaleuse,
les tentatives de
promotion de tous et menacent l�avenir de l��tre humain dans le monde.
Il faut en finir avec la
culture de la soci�t� de consommation, avec les id�ologies oppressantes
et aussi avec la simple
r�signation en face de la mis�re des masses. Nous sommes appel�s, au
contraire, � �tablir une
culture de la solidarit� et de l�engagement efficace au service du bien
commun de toute la famille
humaine.
5.2 - Vers une nouvelle culture de la solidarit�
Il y a donc un appel �nergique � l�adresse de tous les peuples et de
chacun pour susciter un
mouvement indispensable de solidarit� humaine, capable de r�pondre efficacement
aux devoirs
urgents et graves du d�veloppement. C�est le seul moyen moral de promouvoir
le d�veloppement
int�gral de tous les hommes et de toutes les femmes de notre temps et
d��difier une paix v�ritable.
L�encyclique �Sollicitudo Rei Socialis� traduit cet objectif
par l�expression �Opus solidaritatis
pax�, la paix est le fruit de la solidarit�. Ce principe est
r�affirm� par Jean-Paul II dans son
intervention � l�occasion du premier anniversaire des �v�nements du
11 septembre 2001. �Le
terrorisme est un fl�au qu�il faut combattre, mais il faut combattre
aussi la pauvret� et l�injustice
qui lui servent de terreau�. Le d�fi peut sembler humainement disproportionn�,
mais l��glise ne
doute pas de la force de l�amour et de la fraternit�, inspir�s de l��vangile.
Il faut revenir � l�amour
entre fr�res, dans l�esprit de la �civilisation de l�amour�.
Il faut agir au niveau des mentalit�s, des fa�ons de penser, de travailler,
de faire de la politique et
de concevoir la famille humaine. Les cultures elles-m�mes doivent changer
pour que la justice
puisse fonctionner, pour que les injustices soient combattues efficacement.
Cette conception
culturelle du d�veloppement est finalement la seule r�aliste, car elle
seule fait appel au dynamisme
le plus profond de nos soci�t�s et � la psychologie de nos contemporains.
�Aujourd�hui, nos probl�mes ne sont pas seulement politiques. Ce sont
des probl�mes
moraux (et culturels) qui touchent au sens de la vie. Nous avons cru
que, tant qu�il y avait
la croissance �conomique, nous pouvions rel�guer tout le reste dans
la sph�re du priv�.
Maintenant que la croissance �conomique commence � s�essouffler et que
l��cologie morale
est dans le chaos, nous commen�ons � comprendre que notre vie commune
r�clame quelque
chose de plus qu�une pr�occupation exclusive pour l�accumulation de
biens mat�riels�. 9
� propos de cette interaction entre le domaine technico-�conomique et
le domaine politique et
culturel, un auteur d�clare:
�Changer les mod�les sociaux, politiques et �conomiques sans changer
le monde des
symboles et des valeurs (la culture) rendra impossible toute r�forme
de fond. En sens
inverse, changer la culture sans tenir compte de l��conomique et du
politique pourra se
r�v�ler �galement trompeur. Nous vivons en fait dans une interaction
de fonctions�.10
C�est seulement ainsi qu�on pourra r�aliser la n�cessaire int�gration
du principe de l�anthropologie
culturelle ��duquer par la culture� avec le principe �cr�er la culture
par l��ducation�.
) R. BELLAH (et autres) H�bitos del coraz�n, Madrid, 1989, p.374.
9
) C. DIAZ MARCOS, Evangelizar la cultura. R�le du christianisme
dans la transformation 10
sociale. Santander, 1995, 7.
) Ndt. En fran�ais dans le texte. 11
6. - CONCLUSION
Parler �d�inculturer l��ducation� n�est donc pas simplement une fa�on
de parler anthropologique,
p�dagogique ou pastorale, mais une �qualification indispensable de
l��ducation et de l��cole�.
L��ducation, en effet, se r�alise dans le contexte d�un peuple,
au service duquel elle se place �
l�int�rieur du processus d�humanisation de ce peuple. L��cole doit
tenir compte de la r�alit�
socioculturelle de ses destinataires et de l�ouverture � l�ensemble
de l�humanit�.
Le but de l�inculturation n�est pas de sauvegarder des cultures
traditionnelles, ni de cr�er des
�apartheid� culturels ni non plus d�absolutiser dans l�abstrait une
culture id�ale. Au contraire. Au
milieu de la d�sunion qui frappe les peuples et de l��loignement croissant
entre les nations, il est
de faire de l��cole un instrument d�unit� dans la pluralit� et, gr�ce
� cela, d�apporter dans le
processus galopant que nous vivons et qui touche toutes les cultures,
la lumi�re et la vie de
l��vangile, pour que chaque culture puisse devenir, pour tout homme,
un �habitat� digne de 11
l�homme et que la lumi�re qu�il rayonne ajoute � la splendeur du cosmos
entier.
Don Pascual Ch�vez V., SDB
Alba (CN), 29 novembre 2002
Traduit de l�italien par L. Cl�ment
Tournai. No�l 2003