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L`ÉCOLE FACE AUX DÉFIS ACTUELS `Pour une école inculturée et créatrice de culture`

DISCOURS ET MESSAGES - PASCUAL CHÁVEZ


L'ECOLE FACE AUX DEFIS ACTUELS

L��COLE FACE AUX D�FIS ACTUELS
�Pour une �cole incultur�e et cr�atrice de culture�

Roma, 18.09.�02

Le drame de l�humanit� d�aujourd�hui, c�est le foss� entre l��ducation et la culture, en g�n�ral, entre l��cole et l��ducation, en particulier. J�ai voulu commencer cette intervention en paraphrasant une phrase c�l�bre de Paul VI (EN 20), parce qu�elle me permet de poser correctement le probl�me de l��cole et de son indispensable solution par le biais de l�int�gration de l��ducation dans la culture � aussi bien la particuli�re que l�universelle � et celle de l��cole dans l��ducation. C�est seulement ainsi que l��ducation atteindra son plein effet humanisant � de m�me que la culture; c�est seulement ainsi que l��cole pourra devenir promotrice et cr�atrice de culture. C�est cela que nous voulons dire par les expressions: �inculturer l��ducation� ou �pour une �cole incultur�e�.

L�insistance pressante de Jean Paul II � demander qu�on ne r�duise pas l�Union Europ�enne � un grand march� de biens mat�riels, mais qu�elle soit aussi un lieu d��change de biens culturels et spirituels, semble faire �cho � la d�claration du Directeur de l�UNESCO lors de l�inauguration de la �D�cennie Mondiale du D�veloppement Culturel�:

�Tout au long des derni�res d�cennies, nous avons pu nous rendre compte de ce que, chaque fois qu�on a pris comme objectif une croissance �conomique en d�saccord avec le milieu culturel, il se produit de graves d�s�quilibres, tant �conomiques que culturels, et le potentiel cr�atif d�un peuple s�affaiblit consid�rablement. Si le d�veloppement doit viser � ce que tous et chacun puissent ��tre plus� et vivre mieux, il doit se baser sur un d�veloppement plus intensif des ressources aussi bien humaines que mat�rielles de chaque communaut�, en favorisant la libre expression des talents et des int�r�ts de tous ses membres. Cela veut dire, en derni�re analyse, que c�est dans la culture qu�il faut rechercher leurs priorit�s, leurs motivations et leurs finalit�s� (Paris, 21 janvier 1988).

1. - LA RELATION �DUCATION-CULTURE

Intimement reli�es au progr�s de l�homme, l��ducation et la culture ne peuvent se comprendre que dans leur relation r�ciproque. Nous allons examiner ici l��ducation dans son rapport � la culture, consid�r�e dans sa double dimension, individuelle et sociale; en d�autres termes, il s�agit de la croissance des personnes ainsi que de la mani�re d��tre typique des soci�t�s humaines. Aucune soci�t� ne peut se perp�tuer sans une forme au moins rudimentaire d��ducation, gr�ce � laquelle elle transmet aux jeunes g�n�rations ses valeurs, ses connaissances et la perception d�un destin commun. Le texte suivant, emprunt� � un grand anthropologue sp�cialiste de la culture, illustre � merveille cette r�alit�:

) A.L. KROEBER, 1917, cit� par G.P. Murdoch, Cultura y Sociedad, M�xico, 1987, p.72. 2

�Prenez un oeuf de fourmi de chaque sexe: des oeufs frais, non couv�s. D�truisez tous les autres oeufs et tous les individus de l�esp�ce. Prenez bien soin de ces deux oeufs: surveillez la temp�rature, l�humidit�, la protection et la nourriture. Toute la �soci�t�� des fourmis, avec toutes les aptitudes, les possibilit�s, les r�alisations et les activit�s de l�esp�ce, sera reconstitu�e, sans aucune restriction, en une g�n�ration. Mais r�unissez sur une �le d�serte ou dans un enclos isol� deux cents b�b�s, en bonne sant� physique, issus des classes sociales les plus �lev�es des pays les plus civilis�s, assurez-leur nourriture et protection, comme il se doit, mais tenez-les � l��cart de leur esp�ce. Qu�obtiendrons-nous? La civilisation � laquelle ils ont �t� arrach�s? Le dixi�me de cette civilisation? Non! M�me pas le moindre morceau des r�sultats obtenus par la tribu sauvage la plus arri�r�e. Seulement une paire ou une l�gion de muets, sans connaissances ni arts, sans feu, sans ordre, sans religion. La civilisation resterait absente � l�int�rieur de cet enclos; non pas d�sint�gr�e ni m�me frapp�e � mort, mais effac�e d�un coup d��ponge. L�h�r�dit� de la fourmi conserve tout ce qu�elle poss�de, de g�n�ration en g�n�ration. Mais l�h�r�dit� humaine ne conserve pas, et n�a jamais conserv�, parce qu�elle en est incapable, une seule parcelle de la civilisation, la seule r�alit� propre � l�homme�.2

L��ducation informelle se donne d�abord dans la famille et, ensuite, par l�initiation progressive aux activit�s communautaires: rapports avec la parent�le et le voisinage, apprentissages divers, participation au travail, aux f�tes, aux c�l�brations, au culte religieux. L�enfant acquiert ici sa langue et ses connaissances, les usages, les croyances, les traditions, les comportements et les r�gles de vie en soci�t� indispensables � son int�gration dans le groupe. Avec le progr�s des soci�t�s, l��ducation est all�e en se d�veloppant, prenant la forme d�une fonction sp�cifique, confi�e � des groupes ou des institutions particuliers: l��cole primaire, moyenne et sup�rieure, l�universit�; elles avaient pour t�che de continuer ce processus d�inculturation ou d�int�gration des individus dans leurs soci�t�s respectives, en leur permettant en m�me temps d�assimiler les progr�s de l�humanit�. L��ducation formelle, celle qui est attach�e aux syst�mes �ducatifs des diff�rents pays, a en effet pour fonction de pr�server le pr�cieux patrimoine du pass� pour r�pondre aux d�fis du pr�sent et pr�parer l�avenir.

1.1 - La culture gr�co-latine et l��ducation.

Fondamentalement, le mod�le �ducatif des soci�t�s modernes plonge ses racines dans les cultures gr�co-latine et jud�o-chr�tienne. Pour le meilleur et pour le pire, ce mod�le d��cole a marqu� l�Occident, ainsi que tous les pays qui ont accueilli la modernisation �conomique, politique, sociale et �ducative. Le bon c�t�: il a favoris� l�unit� de la famille humaine; le mauvais c�t�: en sacrifiant les cultures particuli�res des peuples, on a confondu l�unit� avec l�uniformit�. Au nom de la �civilisation�, on a sacrifi� l�inculturation et on a impos� la �transculturation�, c�est-�-dire le transfert h�g�monique d�une culture � une autre! Combien de guerres, de conflits et de troubles politiques actuels n�ont-ils pas leur origine dans cette tentative de priver des peuples et des nations de leur identit� culturelle! Il est vrai que les traditions culturelles de la Chine, de l�Inde, de l�Egypte, ont produit des mod�les p�dagogiques admirables, dont notre monde peut encore s�inspirer; mais leurs m�thodes �ducatives n�ont connu ni la syst�matisation ni le rayonnement universel du mod�le gr�co-romain de l�Occident.

L�id�al grec de l��ducation proposait un humanisme, c�est-�-dire une raison de vivre digne de l�homme. Cette p�dagogie originale, appel�e �paideia�, �tait motiv�e par la formation int�grale de l�homme: corps, �me, imagination, raison, caract�re, esprit. Le jeune se d�veloppait gr�ce � la gymnastique, la musique, la danse, les math�matiques, la grammaire, la litt�rature, les lettres, les sciences, la rh�torique, l�art, la philosophie. La fr�quentation des grands auteurs offrait des exemples de courage et de noblesse, et les jeunes s�entra�naient ainsi � imiter les h�ros. Il s�impose de noter surtout que le g�nie hell�nistique a cr�� toutes les disciplines intellectuelles, pratiques et artistiques dont se nourrissent encore nos syst�mes �ducatifs actuels: grammaire, math�matique, g�om�trie, histoire, th��tre, sculpture, musique, droit, rh�torique, philosophie, sciences politiques, m�decine, physique.

A la suite des Grecs, les Romains se firent les propagandistes d�une p�dagogie humaniste, li�e � la culture classique: Cic�ron traduisait �paideia� par �humanitas�, le fait de devenir pleinement homme.

1.2 - La p�dagogie chr�tienne des origines

La diffusion du christianisme dans tout l�Empire romain a entra�n� une nouvelle synth�se culturelle, gr�ce � laquelle les valeurs classiques se sont vues int�gr�es et enrichies par une vision �vang�lique du monde et du destin de l�humanit�. Ces valeurs sont centr�es sur une certaine philosophie de la personne humaine et de son destin transcendant, sur un certain id�al de la famille et du bien commun, sur une conception du travail et du rapport � la nature, sur une vision de l��conomie et de la politique, sur l�id�e que chaque peuple se fait de lui-m�me et de ses rapports avec le monde. C�est dans ce contexte que sont n�s les droits de l�homme, la d�mocratie, la science moderne, l�Etat repr�sentatif, l�exploration et l�exploitation de la terre, le droit universel.

Pour d�crire bri�vement les valeurs typiques apport�es par ce mod�le d��ducation � la culture de l�homme moderne, nous devrions reconna�tre les �l�ments suivants: la vision particuli�re du bonheur de l�homme vu dans l��conomie divine, le respect de l�esprit et de la libert�, le go�t pour la cr�ation et le d�passement, la rationalit� face � un univers � conna�tre et � utiliser, le besoin d�entreprendre et de se distinguer, la recherche de l�excellence, le sens de la comp�tition et de l��mulation, la pr�occupation pour les villes et les droits de l�homme, l�aptitude � servir le bien commun gr�ce � un travail comp�tent, une conception de la personne cr��e � l�image de Dieu et appel�e � un destin �ternel. L��ducation classique atteignait son objectif quand les jeunes �taient convaincus, comme le dit Pascal, que �l�homme passe infiniment l�homme�.

1.3 - Vers un nouveau mod�le culturel et �ducatif

Par une sorte de paradoxe, c�est pr�cis�ment le succ�s de l��ducation classique qui a entra�n� sa d�rive, par le fait qu�elle a favoris� le prodigieux d�veloppement des connaissances qui ont conduit � la r�volution technologique et � la naissance de l�esprit moderne. Aujourd�hui, on �prouve bien des difficult�s � d�finir l��ducation, dans une culture marqu�e, depuis lors, par le pluralisme des convictions et des comportements, par l�obsolescence rapide des connaissances, par la socialisation des biens culturels, par la scolarisation g�n�ralis�e et l�universit� de masse, par le r�le dominant des moyens de communication sociale dans la culture moderne, par le d�veloppement du secteur quaternaire qui privil�gie l�innovation permanente et la recherche. Il ne faut donc pas s��tonner si l��cole et l�universit� traditionnelles sont r�ellement en crise, face � un monde soumis � une �volution acc�l�r�e, qui n�accepte plus qu�� contrecoeur les �lites et les hi�rarchies pr��tablies, dans lequel existent de puissants courants anti-intellectuels qui s�en prennent aux d�tenteurs du savoir, dont le pouvoir, dit-on, m�ne � la domination sociale, au militarisme et � la destruction de l�environnement. La sociologie de l��ducation s�est int�ress�e � ces probl�mes, pour en mesurer la gravit� et la complexit�. Mais, � elle seule, elle est incapable de leur apporter des solutions satisfaisantes. Dans l��tat actuel de la r�flexion p�dagogique et philosophique, on peut mettre en �vidence quelques orientations fondamentales.

1. Aujourd�hui plus que jamais, il importe de red�finir les objectifs de l��ducation. La tradition bimill�naire de l��ducation classique et chr�tienne offre une r�ponse valable quand elle affirme que l�objectif de l��ducation, c�est la formation d�un esprit capable de libre jugement. C�est une contradiction p�dagogique de r�duire l��cole � un simple moyen de reproduction d�une id�ologie, ou d�endoctrinement politique, ou d�entra�nement de type militaire, ou tout simplement, � la formation technique requise par le syst�me �conomique. Sans nier les objectifs pratiques de l��ducation, on doit dire que sa finalit� la plus �lev�e est de nature humaniste, qu�elle exige donc la collaboration du jeune dans l�art d�apprendre � devenir une personne: cela doit �tre revendiqu� avec fermet�.

2. Il faut chercher � garder un �quilibre, difficile, entre la formation personnelle de l�apprenant et son information encyclop�dique. Le prodigieux d�veloppement des connaissances dans tous les domaines rend impossible aujourd�hui une assimilation synth�tique de tout le savoir. Dans la culture moderne, il faut d�sormais apprendre � vivre � c�t� d�un immense champ de non-savoir: les vastes secteurs des sciences r�serv�s aux sp�cialistes de disciplines toujours plus pointues. Il est d�s lors indispensable de s�efforcer ensemble de percevoir et d�affirmer la finalit� humaniste et �thique du savoir que l�on propose. L��cole, de son c�t�, devra s�efforcer de faire comprendre que la connaissance est encore plus importante que le savoir, car elle est la seule � former � la responsabilit� morale et � la sagesse.

3. La famille, en tant que premier milieu d��ducation, et les enseignants de m�tier, conservent tout leur r�le dans la soci�t� moderne. Sous le pr�texte d�une rationalisation politique ou �conomique, on ne peut pas, sans tomber dans la contradiction, mobiliser l��cole pour en faire un instrument de pouvoir, de manipulation �conomique, de reproduction sociale ou id�ologique. L�exp�rience montre qu�aucun projet �ducatif ne peut r�ussir sans la participation des familles, d�enseignants comp�tents et des forces vives d�une culture. Au niveau national, la politique de l��ducation est appel�e avant tout � assurer l��galit� des chances pour tous � tous les niveaux d�instruction, en mettant les ressources de l�Etat au service du syst�me �ducatif. Le r�le de l�Etat, c�est de stimuler, d�animer et de coordonner les t�ches �ducatives. Mais la mission d��duquer et d�instruire appartient � la communaut� humaine, aux familles, � l��cole, aux universit�s, � toutes les institutions culturelles qui constituent le milieu �ducatif proprement dit.

4. M�me s�il faut garantir la perspective humaniste de l��ducation, il faut bien reconna�tre que l��cole du pass� a pu favoriser, plus ou moins consciemment, un individualisme qui se pr�occupait peu des responsabilit�s des enseignants et des �tudiants vis-�-vis du changement social. Il faut redonner de l�importance aux cultures qui valorisent � au moins dans l�intention � la solidarit� et l�aspiration de tous au d�veloppement et � la justice. S�il est vrai que la formation humaniste des personnes garde toute sa valeur, il faut cependant renforcer, par rapport au pass�, la fonction sociale de l��ducation. Les soci�t�s traditionnelles se repr�sentaient le monde comme quelque chose de statique, dans lequel les rapports entre les classes sociales et entre les peuples �taient re�us comme une donn�e pratiquement immuable. Un des changements les plus profonds de notre �poque est la conviction croissante que les soci�t�s peuvent effectivement changer gr�ce � l�effort humain de tous. C�est l� la signification de l�interd�pendance que nous vivons aujourd�hui et qui se traduit dans le processus en cours de la globalisation. Cette situation r�clame une �ducation � la responsabilit� sociale ainsi qu�au sens civique et politique, dans le sens le plus large du terme, des b�tisseurs de la cit�. Cet aspect de l��ducation rev�t une urgence particuli�re dans un monde � la recherche de justice et de participation universelle � la culture. L��ducation, d�sormais, ne doit plus se concevoir uniquement comme un service � l�individu, mais aussi comme un facteur de d�veloppement et de promotion pour l�ensemble de la soci�t�.

5. La capacit� d�analyser la soci�t� et la culture fait donc partie int�grante de toute formation humaine. Ceci ne veut pas dire que chaque �tudiant doive se sp�cialiser en sociologie, mais que tous, dans une culture qui change � un rythme acc�l�r�, ont besoin de pouvoir pratiquer le discernement dans un contexte de valeurs pluralistes et d�id�ologies contradictoires. La formation au discernement culturel est une n�cessit�, si on veut �viter l�incertitude �thique et la perte d�identit�. On assure ainsi, en contrepartie � ce qui a �t� dit au point pr�c�dent, la mise en valeur croissante de l�identit� culturelle de chaque peuple. Dans le pass�, le milieu et les institutions stables aidaient les individus � se situer au coeur d�une culture. Aujourd�hui, cette responsabilit� rel�ve en grande partie des personnes elles-m�mes. L��ducation classique enseignait � analyser les grandes oeuvres litt�raires du pass�. L��ducation moderne, sans n�gliger ce choix, doit pr�parer les �tudiants � analyser les cultures vivantes, leurs valeurs dominantes, leur �volution, leur impact sur les mentalit�s et sur les comportements. Aujourd�hui, �duquer signifie apprendre � la personne � s�auto�duquer sans arr�t, dans un milieu culturel fluide, en constante �volution. De l� d�coule la n�cessit� de l��ducation permanente, qui est devenue une exigence incontournable pour les cultures en train de changer.

6. Dans la soci�t� moderne, le pluralisme culturel pose des probl�mes nouveaux et difficiles aux responsables de l��ducation. Une solution faussement raisonnable pousse certains gouvernements � une politique de l��ducation qui, tout simplement, fait abstraction des convictions religieuses et morales des familles, qui sont repouss�es dans la sph�re priv�e. C�est l� oublier le droit primordial qu�ont les familles de transmettre � leurs enfants leurs propres croyances et leur h�ritage spirituel. Au nom de ce m�me pluralisme, on revendique actuellement une autre solution: diversifier les services offerts � la population, en tenant compte des convictions des familles et des ressources disponibles de l�Etat. Jean-Paul II, s�adressant aux membres du Conseil Pontifical pour la Culture, d�clarait: �Souvent, les conceptions de l�homme pr�sentes dans la soci�t� moderne sont devenues des syst�mes de ) Jean-Paul II, Discours au Conseil Pontifical pour la Culture, 19 novembre 1999. 3

pens�e qui ont tendance � s��loigner de la v�rit� et � exclure Dieu, persuad�s que, ce faisant, ils affirment la primaut� de l�homme, au nom de sa pr�tendue libert� et de sa r�alisation pleine et libre. En travaillant de cette fa�on, ces id�ologies privent l�homme de sa dimension constitutive de personne cr��e � l�image et � la ressemblance de Dieu. Cette grave mutilation devient aujourd�hui une vraie menace pour l�homme, parce qu�elle conduit � le concevoir sans aucun rapport � la transcendance� . Une politique de l��ducation 3 respectueuse du pluralisme culturel devra par cons�quent r�server un espace l�gitime � l�enseignement religieux et � la formation morale. C�est l� une mise en pratique pertinente de la �libert� de l��ducation�.

Comme on le voit, la gestion d�un syst�me d��ducation moderne pose � la soci�t� des probl�mes administratifs extr�mement complexes; mais le plus grand d�fi est d�ordre culturel.

2. - LES NOUVELLES CULTURES OU L�ESPRIT DE NOTRE TEMPS

La naissance de �nouvelles cultures� est un ph�nom�ne qui s�est r�p�t� pendant toute l�histoire et qui a marqu� tous les grands changements historiques. C�est justement un ph�nom�ne semblable qui se d�roule sous nos yeux. Mais la prise de conscience sociale de ces transitions culturelles dans le pass� a �t� tr�s diversifi�e. Notre �poque, sans doute plus que les pr�c�dentes, a essay� de comprendre les �tats d��me qui caract�risent les g�n�rations successives. L�expression �nouvelles cultures� a �t� forg�e pr�cis�ment pour r�unir les valeurs et les contrevaleurs qui fa�onnent l�esprit de notre temps.

La nouveaut� de l�expression n�indique pas en soi la cr�ation de valeurs absolument originales, mais plut�t l�accentuation diff�rente mise sur les espoirs, les aspirations et les angoisses qui diff�rencient notre soci�t� de celles qui l�ont pr�c�d�e. Observons aussi que l�av�nement d�une nouvelle culture s�accompagne tr�s souvent du d�veloppement d�une contreculture, qui met en crise les valeurs et les institutions re�ues jusqu�alors dans un groupe.

2.1 - Tendances typiques

Une nouvelle culture est comme un esprit en mouvement; elle est difficile � interpr�ter, car elle est une r�alit� �in fieri�, un ph�nom�ne en cours. La complexit� du probl�me ne doit cependant pas d�courager les efforts tent�s pour discerner les faits, car ce qui est en jeu, c�est ni plus ni moins que l�avenir � construire. Si nous essayons de saisir la mentalit� et la sensibilit� courantes qui naissent de nos jours, nous pouvons signaler certains traits psychosociaux. Un premier coup d�oeil, rapide et global, nous r�v�le une configuration �trange de tendances relativement nouvelles et contradictoires, dont beaucoup se pr�sentent sous la forme de mouvements de revendication: �cologistes, pacifistes, f�ministes, importance du Tiers-Monde, mouvements de lib�ration, r�veil religieux. Et face � de nombreux engagements g�n�reux, on trouve aussi pas mal de comportements pr�occupants: permissivit� morale, individualisme dominant, consum�risme effr�n�, diffusion de la drogue, mouvements homosexuels (�gay�), etc. Les analystes h�sitent au moment d�indiquer les tendances de fond et leurs interpr�tations varient en fonction du point de vue de chacun.

2.2 - Cinq traits principaux

Pour notre part, nous retenons cinq traits qui nous semblent particuli�rement ad�quats pour caract�riser les nouvelles mentalit�s. Ils constituent autant d�orientations qui apparaissent assez g�n�rales et durables, et qui promettent de fa�onner notre avenir. Ce sont les suivants: une inqui�tude g�n�ralis�e face � l�avenir, un besoin universel de justice et de paix, l��mergence de nouvelles valeurs et d�un nouveau mode de rapport homme-femme, une aspiration � construire l�avenir en toute connaissance de cause. Quelques br�ves indications vont nous permettre de pr�ciser notre point de vue.

1. Dans toutes les soci�t�s s�est r�pandu progressivement un sentiment de peur et d�angoisse; une crainte sourde s�est g�n�ralis�e quant � la destruction de la nature et de l�environnement (pensez au r�cent Sommet des Nations Unies, tenu � Johannesbourg, en Afrique du Sud, du 26 ao�t au 4 octobre 2002). Tout le monde craint les cons�quences impr�visibles de l�exp�rimentation biologique et s�inqui�te pour l�avenir de la famille humaine face aux risques insupportables de l�apocalypse nucl�aire. Un sentiment d�angoisse existentiel provoque en nous tous une r�action �l�mentaire, une recherche radicale de survie du genre humain. La culture actuelle r�v�le non seulement une crise des moeurs ou la crise de l�ath�isme, mais c�est l��tre m�me de l�homme qui est en question. La p�nurie religieuse, dont parlait le jeune Marx, n�est pas seulement celle du prol�tariat. La p�nurie spirituelle frappe maintenant toutes les classes qui forment la soci�t� moderne. La grande tentation de nos jours, c�est le fatalisme et le sentiment d�impuissance en face de probl�mes extr�mement complexes qui nous d�passent tous. Malgr� tout, les meilleurs esprits repoussent cette tentation de l�che abandon, ce d�terminisme tragique qui paralyse trop de nos contemporains, en fermant leur horizon culturel.

2. La recherche universelle de justice et de paix s�exprime avec force ces derniers temps. En se d�couvrant solidaires entre eux, nos contemporains trouvent de plus en plus intol�rable la coexistence de la mis�re avec l�opulence. Tout en ayant conscience que certains mouvements ne sont pas des na�fs, je pense que le �Forum social� ou les �altermondialistes� (�Antiglobal�) peuvent �tre compt�s ici. Dans le monde entier s��l�ve une aspiration universelle � ce que, finalement, soit mis en application un principe d�unit�, de justice et de coresponsabilit� dans la libert� et le respect de tous les hommes. Il y a en gestation une esp�ce d�universalisme culturel. Plus que jamais, la d�fense des droits humains appara�t comme une exigence et un signe de lib�ration. Des foules enti�res trouvent insupportable que le monde moderne nie leur libert� fondamentale, leur droit au d�veloppement et surtout leur enti�re libert�. Il n�est pas �tonnant que le Pape lui-m�me parle de la n�cessit� de globaliser les droits humains, la solidarit�, la paix.

3. La mont�e de nouvelles valeurs offre cependant aussi une piste de r�flexion qui peut conduire � une grande clarification. Sommes-nous assez attentifs aux valeurs que recherchent beaucoup de nos contemporains surtout parmi les jeunes g�n�rations et dans les jeunes nations? Essayons de comprendre les angoisses qui s�expriment � travers des valeurs qui s�affirment aujourd�hui avec force, par exemple le respect de l�identit�, la qualit� de la vie, l�acc�s � l��ducation, � la culture, � la communication, le r�le nouveau de la femme, l�estime du travail et du temps libre, le go�t pour la vie en groupe, l�int�r�t renouvel� pour le fait religieux, la r��valuation de la tol�rance et du pluralisme, la red�couverte de la famille, le dialogue entre les g�n�rations, l�attention aux handicap�s et l�aspiration universelle � la paix et � la concorde. Il faut en outre savoir �valuer l��trange recherche d�exp�riences religieuses qui semble exprimer un nouveau besoin dans les milieux les plus divers, surtout parmi les jeunes. Parmi les nouvelles valeurs, il faut faire une place sp�ciale � la prise de conscience g�n�ralis�e que chaque personne poss�de sa dignit� et ses droits propres et qu�elle peut l�gitimement aspirer � une libre participation aux affaires communes. Ces tendances culturelles ne sont jamais exemptes d�ambig�it�, mais elles sont assur�ment porteuses d�espoirs. Cette importance nouvelle de l�esp�rance est peut-�tre l�un des signes les plus clairs qui caract�risent les nouvelles cultures. Les �ducateurs en particulier ont une responsabilit� sp�cifique dans la compr�hension et le discernement de ces nouvelles valeurs.

4. Les nouveaux rapports homme-femme constituent eux aussi un tournant culturel de port�e historique. Il ne s�agit pas d�un simple mouvement de revendication, qui par ailleurs n�a �t� reconnu par beaucoup que trop tardivement. Nous assistons � la recherche d�une nouvelle condition de la femme dans la soci�t� moderne, sp�cialement dans les nations ou les cultures qui continuent, encore aujourd�hui, � leur refuser toute parole et tout r�le dans la soci�t�. On est � la recherche d�un nouvel �quilibre du f�minin au niveau de toute l�humanit�. On saisit mieux maintenant ce fait culturel dans toute sa complexit� et toutes ses implications. Si la femme acquiert une libert� et une responsabilit� �gales � celle de l�homme dans la collectivit�, on acc�de � plus d�humanit�. Le b�n�ficiaire, ce sera le genre humain tout entier, aussi bien les femmes que les hommes. Dans cette perspective, on comprend que l�homme aussi bien que la femme sont appel�s � �tre sujets et acteurs du changement de la condition f�minine. En d�autres mots, l�homme aussi bien que la femme sont appel�s � grandir ensemble dans leur n�cessaire et irr�ductible compl�mentarit�. Il s�agit d�une �volution qui regarde toute l�humanit� en tant que telle; ce sera un des changements les plus profonds que la culture moderne aura connus. Nous ne sommes qu�au d�but d�une �volution culturelle qui appelle tout le monde, hommes et femmes, � rendre un service indispensable � l��tre humain en tant que tel.

5. Toute la famille humaine aspire � b�tir l�avenir en toute connaissance de cause. Jamais comme aujourd�hui les �tres humains n�ont eu une telle conscience de leur unit� et de leur interd�pendance. Pour la premi�re fois dans l�histoire, l�humanit� dans son ensemble est appel�e � prendre en mains son avenir, � construire en toute connaissance de cause un nouveau monde, digne de l�homme et de tous les hommes. C�est l� une vision de la culture qui va bien au del� d�une simple adaptation aux valeurs dominantes d�une soci�t� gouvern�e surtout par l��conomique. La culture de l�avenir sera celle pour laquelle l�homme se construira lui-m�me � partir de ses convictions personnelles et de ses id�aux les plus nobles. La culture appara�t essentiellement comme une cr�ation dans la libert�. C�est pr�cis�ment l�affirmation de cet id�al que les jeunes g�n�rations et les jeunes nations attendent des dirigeants intellectuels, politiques et spirituels.

3. - LE RAPPORT �COLE-�DUCATION

Dans le courant de sa longue histoire, l��cole en tant qu�institution a rarement d� faire face � un ensemble aussi impressionnant de bouleversements politiques, sociaux, scientifiques et culturels. Partons de ce qui nous est le plus proche: les nouveaux modes de production de la culture. ) Cf F. FUKUYAMA, �L�Occident peut se briser�. Dans cet article, apr�s avoir pos� la 4 question: �L�Occident� est-il vraiment un concept coh�rent?�, cet auteur �crit: �Les attaques du 11 septembre ont constitu� un tournant important, mais, au bout du compte, la modernisation et la globalisation resteront les principes structurants fondamentaux de la politique mondiale� (Tir� du journal espagnol El Pa�s, �dition Internet, 17/08/2002)

Pendant des si�cles, l��cole s�est identifi�e � une certaine id�e de la civilisation et elle reconnaissait qu�elle avait un r�le civilisateur propre. Eh bien! Ce postulat semble aujourd�hui avoir �t� rejet�: la nouvelle culture qui se r�pand maintenant est produite et transmise par des puissants rivaux de l�universit� qui ont envahi le champ de l�enseignement, de la recherche, de la documentation et de l�information. Les �coles ont encore � d�couvrir comment elles peuvent passer de la comp�tition � la coop�ration avec ces nouveaux agents de production de la culture. Pensons, par exemple, aux moyens de communication sociale, aux industries de la culture, aux banques de donn�es, aux communications par satellite, aux �tudes et aux enseignements li�s aux industries priv�es et aux Etats.

Le plus grand d�fi pour l��cole est celui de d�finir son r�le sp�cifique dans l�effort de modernisation de la soci�t�. Comment r�concilier la croissance �conomique avec le progr�s de l�humanisme? Il faut se rendre compte que le langage dur de la productivit� moderne ne se marie pas facilement avec le discours humaniste. Pensons � un th�oricien du n�olib�ralisme comme Francis Fukuyama et sa th�orie de la fin de l�histoire . Les agents �conomiques �prouvent en 4 effet une sorte de pudeur et de malaise quand ils sont amen�s � disserter sur les valeurs qui gouvernent la culture de l�esprit. La froide rationalit� du pragmatisme, de la rentabilit�, de la comp�titivit�, ne s�accorde pas facilement avec la logique du savoir et de la recherche. Comme on le voit, la question de fond est celle du r�le culturel qui rel�ve sp�cifiquement de l��cole.

Parler de la culture n�a jamais �t� facile; rarement ce sujet a �t� abord� sans h�sitations et sans r�serves, parce qu�il touche au domaine de l�esprit, de l�id�al, des valeurs les plus hautes que l��cole repr�sente. Les �v�nements eux-m�mes se chargent de r�v�ler aux soci�t�s et aux �tudiants que l�enjeu prioritaire pour l�avenir, c�est le probl�me de la culture. En effet. Les questions les plus urgentes sont avant tout d�ordre �thique et culturel parce qu�elles concernent le sens de la vie humaine, les nouveaux modes de procr�ation, l�exp�rimentation biologique. Dans cette situation, nous nous rendons � peine compte que les d�couvertes r�centes de la science et de la technologie n�ont pas chang� l�interpr�tation de l�homme et de la vie, mais qu�elles ont acquis carr�ment la capacit� technique de reproduire la vie, comme on a pu le voir clairement par le succ�s du s�quen�age du g�nome humain et du clonage. Ajoutons � ces probl�mes ceux qui concernent la protection de l�environnement, les nouvelles pauvret�s, le juste d�veloppement de tous les groupes humains et de tous les peuples, la responsabilisation des grands secteurs de la culture, comme les moyens de communication sociale, et les nouveaux d�fis pos�s par les migrations interethniques, en constante augmentation. L�Italie ne fait pas ici exception, bien au contraire!

Dans une soci�t� comme celle-l�, dans laquelle toutes les id�ologies sont en crise et o� le pur pragmatisme r�v�le sa dramatique insuffisance et ses effets d�stabilisants, l��cole doit s�affirmer comme un lieu g�n�rateur de culture, d�di� � la recherche de sens, comme un centre de r�flexion libre et d��ducation, toutes deux indispensables pour assurer la sauvegarde culturelle d�une nation.

) Cf PILAR DEL CASTILLO. �L�avenir de la soci�t�, c�est le pr�sent de l��ducation�. In El Pa�s, 5 �dition en ligne du 16/09/2002.

La Ministre de l�Education, de la Culture et des Sports d�Espagne, pour expliquer l�urgence de la r�forme du syst�me �ducatif en cours affirme clairement que �les pays doivent adapter p�riodiquement leur syst�me d��ducation�. Selon ses propres mots, �l��ducation est, d�une certaine fa�on, le �lieu� o� la soci�t� et la culture jouent ce qu�elles sont et ce qu�elles veulent �tre�.

La mission de l��cole n�est pas moins n�cessaire et urgente aujourd�hui qu�hier. Que du contraire! Les soci�t�s libres ne pourront survivre et progresser pendant longtemps sans la libre recherche du savoir, sans la cr�ativit� qui na�t de la recherche, sans un approfondissement � r�alis� de g�n�ration en g�n�ration � des valeurs permanentes du monde civilis�. Ces valeurs sont bas�es sur une anthropologie humaniste et spirituelle; elles s�appellent: v�rit�, justice, droit, libert�, primaut� de la personne et de son destin spirituel, sens de la solidarit� et du bien commun. Ces valeurs fondamentales des soci�t�s civilis�es ne sont jamais acquises une fois pour toutes. Et elles ne peuvent se d�velopper sans la r�flexion, l��ducation et l��tude, qui les font impr�gner les consciences et les institutions. C�est l� une des fonctions les plus nobles de l��cole.

Face � ce d�cor fait de d�fis, il est donc naturel que l��cole, au moins dans la plus grande partie du monde occidental, s�efforce d�adapter ses projets et ses programmes, ainsi que le montrent les r�formes des syst�mes �ducatifs r�alis�es ou en cours de r�alisation dans plusieurs pays, ces derni�res ann�es. La contribution de Hannah Arendt a justement consist� � faire voir que l��ducation prend place �entre le pass� et l�avenir�, entre la stabilit� et le changement, entre la tradition et l�innovation. Pourtant, il me semble que le plus important dans tout cela, c�est le 5 changement global de l��cole, conditionn� particuli�rement par la modification de deux rapports: le rapport entre l��cole et l��ducation et le rapport entre l��cole et la soci�t�.

3.1 - �cole et �ducation

Dans le pass�, la famille et l��cole assuraient la formation compl�te des jeunes. Il n�y avait aucune place pour d�autres influences, favorables ou d�favorables � une bonne �ducation. Aujourd�hui � comme on l�a dit pr�c�demment � il faut compter avec d�autres agents d��ducation, qui ont parfois plus de poids que la famille ou l��cole elles-m�mes.

1. Les moyens de communication sociale, qui, de cha�nes d�information, sont devenus des v�ritables r�seaux d��ducation, cr�ateurs de nouvelle culture, avec tout ce que cela implique: creuset de mod�les, diffusion de valeurs, de fa�ons de vivre et d�interpr�ter la r�alit�, etc. En raison de leur efficacit� et de leur continuit�, m�me s�ils ne se pr�sentent pas avec des offres formelles d��ducation, ils exercent sur des personnalit�s en formation une influence non n�gligeable.

2. Les lieux de loisirs et les activit�s librement choisies, qui se sont multipli�s, et qui ne sont pas fix�s par des programmes scolaires, exercent �galement une grande influence sur la construction de la personne et contribuent � la fa�onner.

3. Les lieux de socialisation r�serv�s aux jeunes, o� ils discutent et rencontrent des adultes et leurs compagnons, sont devenus une sorte d��universit� de la vie� o� s��laborent une certaine fa�on de voir la vie et des r�gles de conduite.

Voil� le premier changement: la nouvelle distribution des r�les dans l��ducation. L��cole et la famille continuent d�exercer un r�le important, mais elles ne sont plus seules � intervenir dans le processus �ducatif. Elles doivent admettre que nous vivons aujourd�hui dans un milieu pluraliste, o� les propositions sont multiples, et que, par cons�quent, elles doivent assumer plus qu�avant l�obligation de faire converger des influences et des propositions �ducatives parall�les ou franchement divergentes. Il en r�sulte un nouveau besoin, dont l��cole fait l�exp�rience: celui de ne pas se contenter d��tre un simple supermarch� de l�information et de la transmission de donn�es, mais renforcer le t�moignage et le d�veloppement des valeurs qui rassemblent ou qui servent de filtre critique aux influences multiples qui assi�gent toutes les personnes, et surtout les jeunes.

3.2 - �cole et Soci�t�

Le second changement important concerne le rapport entre l��cole et la communaut� humaine dans laquelle elle fonctionne. L��cole n�est plus la propri�t� d�un groupe d��ducateurs � communaut�s religieuses ou Etats � et les familles ne sont pas de simples clients d�une entreprise d��ducation � laquelle ils confient leurs enfants en exigeant d�elle un service sp�cifique r�tribu� directement (cas de l��cole priv�e) ou indirectement (cas de l��cole publique). Aujourd�hui, l��cole s�int�gre toujours plus dans la dynamique de la soci�t� et participe � doit participer � en toute responsabilit� � la programmation et � la gestion. En plusieurs endroits, on en est venu � une gestion communautaire de l��cole sanctionn�e par la loi. Le rapport entre �cole et Communaut� aujourd�hui est marqu� d�une r�alit� appel�e participation. Aussi bien la soci�t� que les familles ne restent plus hors de l��cole. Aujourd�hui, elles ne se contentent plus de fournir des �l�ves aux �coles. Aujourd�hui, elles revendiquent leur droit � participer � l��laboration du projet �ducatif et des r�gles qui servent de guide � l��ducation.

3.3 - �cole et �vang�lisation

Autre �l�ment du changement: le rapport �cole-�vang�lisation (ou programme scolaire - formation chr�tienne). Le changement porte surtout sur la fa�on de pr�senter la formation chr�tienne: non plus bas�e sur une exigence r�glementaire � on doit se comporter de telle fa�on parce que le r�glement l�exige � mais sur une proposition de vie faite aux jeunes, qui doivent l�assumer dans une atmosph�re de libert� et, donc, de libre choix, sans contraintes ext�rieures d�aucune sorte.

Nous passons ainsi d�une pastorale de l�obligation � une �pastorale de la proposition�. On offre � l��l�ve l�occasion de recevoir une formation chr�tienne. On doit donc miser en permanence sur le bon sens, sur la spontan�it� et sur la libre r�ponse du jeune. Le devoir de formation chr�tienne doit �tre impr�gn� de cette valeur qu�on appelle Libert�.

On doit d�autant plus insister sur ce point que l�on a conscience du caract�re pluraliste qui r�gne dans l��cole elle-m�me: beaucoup d�enseignants, de parents et d��l�ves ne sont pas croyants ou ne sont pas de religion catholique, m�me en Europe. Je voudrais dire en passant que cette multiplicit� culturelle est une valeur en elle-m�me et que l��ducation a justement un r�le ) Jean-Paul II, Message pour la Journ�e Mondiale de la Paix, 8 d�cembre 2000, n/ 20: 6 �L��ducation peut contribuer au renforcement de l�humanisme int�gral, ouvert � la dimension �thique et religieuse, et qui accorde toute son importance � la connaissance et � l�estime des cultures et des valeurs spirituelles des diff�rentes civilisations�. ) L��cole Catholique au seuil de troisi�me mill�naire. Congr�gation pour l��ducation 7 Catholique, 28 d�cembre 1997.

particulier � jouer dans la construction d�un monde plus solidaire et pacifique Evidemment, dans 6 un tel contexte, la proposition chr�tienne appara�t comme une parmi d�autres. Face � cette r�alit�, l��cole Catholique est mise au d�fi de red�couvrir son identit� comme milieu d��vang�lisation et de voir comment cela peut se r�aliser dans le respect des divers parcours de recherche religieuse des membres de sa communaut� �ducative.

Ce qu�on vient de dire entra�ne, parmi d�autres, les cons�quences suivantes:

1. L��cole catholique doit privil�gier le t�moignage de la foi plut�t que la simple explication th�orique des v�rit�s de la foi. Et ceci ne peut se faire qu�� la condition que les membres de la Communaut� �ducative aient une exp�rience personnelle de Dieu.

2. Le t�moignage de vie de la Communaut� �ducative, en tant que communaut�, prend toujours plus d�importance. Il ne suffit pas d�avoir quelques enseignants, bons chr�tiens pour leur compte. Mais il faut un v�cu commun qui rende visible cette autre mani�re d�affronter la vie. C�est l� l�unique moyen d��vang�liser la culture.

3. Mais le t�moignage lui-m�me ne suffit pas. Il faut d�velopper dans l��cole catholique une culture v�ritablement inspir�e par la foi et impr�gn�e des valeurs �vang�liques; cette culture s�exprime par des choix, des crit�res, une m�thodologie, un mode d�organisation. Ce n�est qu�ainsi que pourra appara�tre la dimension anthropologique et humanisatrice de la foi et sa contribution � la construction de l�humanit�.

4. La synth�se entre la culture et la vie que l��cole catholique se propose de r�aliser exige une autre synth�se: celle entre la Foi et la Vie, qu�il revient aux �ducateurs d�exprimer. Ces deux synth�ses doivent conduire le jeune � une unit� existentielle et dynamique, sur laquelle se fondent la Foi, l�Existence et la Pens�e. �Dans le projet �ducatif de l��cole catholique, en effet, il n�y a pas de s�paration entre les moments d�apprentissage et les moments d��ducation, entre les moments th�oriques ou techniques et les moments de sagesse. Chaque mati�re pr�sente non seulement des connaissances � acqu�rir, mais aussi des valeurs � assumer et des v�rit�s � d�couvrir� . 7

5. Etant donn� la situation actuelle des �coles catholiques, qui comptent peu de personnel religieux et de nombreux la�cs, la formation de ces derniers est devenue plus que jamais n�cessaire, de m�me que leur engagement dans le processus �ducatif devenu aujourd�hui le centre d�int�r�t de l��ducation catholique. C�est l� un des �l�ments constitutifs de l�aspect proph�tique et de la signifiance de l��ducation catholique aujourd�hui. Il ne s�agit naturellement pas d�un �fait accompli� ni d�un �mal n�cessaire�. Mais il s�agit de prendre conscience de la vocation et de la mission du la�c, dont la

pr�sence dans les activit�s temporelles, pour les animer chr�tiennement et les impr�gner d�esprit chr�tien, est l�expression de sa qualit� de baptis�. L��ducation est l�un de ces devoirs. En d�autres mots, m�me s�il y avait davantage de pr�tres et de religieux, la pr�sence de la�cs dans les �coles catholiques est indispensable, parce qu�il faut mettre � profit les diff�rentes formes d�exp�rience de vie chr�tienne et ouvrir des espaces � des contributions diverses, de sorte que l��cole devienne un image v�ritable de l��glise.

4. - LA PROPOSITION ACTUELLE DE L��COLE SAL�SIENNE

Le changement de statut des �coles sal�siennes, d� � la n�cessit� de faire davantage appel � des la�cs, est donc un signe des temps que nous devons accepter comme un d�fi et comme une nouvelle occasion. Mais il est indispensable, au long de ce processus de renouvellement, de conserver l�identit� de l��cole sal�sienne, en restant fid�le au g�nie p�dagogique de Don Bosco. C�est ainsi que nos �coles sont rest�es sal�siennes, non seulement parce qu�elles sont toujours propri�t�s de la Congr�gation Sal�sienne, mais surtout parce qu�on y respire cette atmosph�re typique et qu�on y pratique le style d��ducation qui a toujours caract�ris� les oeuvres de Don Bosco, tout en relevant les d�fis pos�s par notre soci�t� actuelle.

4.1 - Le projet �ducatif sal�sien

Comme les gens, les institutions ont leur physionomie propre. Chaque groupe d��ducateurs met en oeuvre un projet �ducatif. Les projets �ducatifs, tout en suivant les m�mes programmes scolaires et en respectant les m�mes r�glementations, sont diff�rents. Cette diversit� provient principalement de la mani�re de concevoir les objectifs de l��ducation et du style adopt� pour intervenir dans le d�veloppement des jeunes. Don Bosco a formul� les objectifs de l��ducation en une phrase simple et compr�hensible: aider le jeune � devenir �un honn�te citoyen parce que bon chr�tien�. Par cette phrase, il voulait exprimer la totalit� de son id�al: former des b�tisseurs de la cit� et des hommes croyants. Dans cette formule toutes les dimensions de la personnalit� sont prises en compte. Au milieu d�elles, la foi qui les �claire et les unit.

4.2 - L�ambiance �ducative sal�sienne

L��cole sal�sienne se caract�rise par un deuxi�me aspect: le climat humain et �l�ambiance�, entendue comme l�ensemble des �l�ments ind�finissables qui influent sur chacun de nous m�me sans qu�on y pense. On dirait quelque chose qui rentre par les pores, quelque chose que l�on respire. Cette ambiance nous influence � chaque minute qui passe. C�est comme la respiration. Nous ne nous en apercevons que quand nous nous arr�tons pour l�observer. Il peut ainsi arriver que, pour l�enfant ou le jeune, elle reste quelque chose d�ind�finissable, m�me si tous les deux la per�oivent. C�est ce que nous avons pris l�habitude d�appeler �l�esprit de famille�. L�ambiance fut une des pr�occupations de Don Bosco. � une �poque o� r�gnaient les r�glements, il insista sur la spontan�it� et la place qu�il fallait lui laisser. � une �poque r�gie par de multiples

niveaux d�autorit�, Don Bosco mit en �vidence la n�cessit� d�entretenir avec l��duqu� la familiarit� et la convivialit�. Pour lui, l��ducation �tait �une affaire de coeur�, une transmission vitale de valeurs, la cr�ation d�un �cosyst�me o� l�on respirait l�optimisme et le bonheur, o� circulait une s�rie de valeurs qui petit � petit fa�onnaient la personnalit� du jeune. Notre devoir, disait-il, est de faire en sorte que le jeune devienne assez ami avec nous pour nous ouvrir son coeur, et pour que nous puissions agir sur lui � partir du centre m�me de sa vie. De cette fa�on, il sera possible, non seulement de lui offrir des outils lui permettant de faire l�apprentissage de la r�alit�, mais en outre, de l�accompagner dans l��laboration de ses propres crit�res et projets de vie. Cet aspect acquiert aujourd�hui plus d�importance encore, en raison des carences fr�quentes de la vie familiale, qui constitue v�ritablement la premi�re �cole de vie. Le climat, l�ambiance, r�sultent de la convergence de beaucoup d��l�ments. Mais l��l�ment principal du climat �ducatif, c�est le type de rapports que les �ducateurs entretiennent avec leurs �l�ves. Ce peut �tre un rapport froid, celui d�une autorit� distante; ou bien un rapport purement conventionnel; ou bien encore un rapport de sympathie, d�intimit� et de service constant. Ce dernier s�exprime par une disponibilit� � dialoguer, � partager la vie, � parler des sujets qui int�ressent les jeunes. Tel �tait le climat �ducatif chez Don Bosco.

4.3 - Les rapports entre les �ducateurs

Le troisi�me �l�ment de l��cole sal�sienne, c�est le rapport entre les �ducateurs. D�apr�s un t�moin des premiers temps de l�Oratoire de Turin, les �ducateurs se m�laient aux jeunes et leur offraient leur amiti� en toute simplicit�. Ce comportement est le fruit d�une mentalit� partag�e qui provient de Don Bosco lui-m�me et dont les caract�ristiques sont: la modestie, l�aptitude � la sympathie, la disponibilit� � rendre service, le rapport de collaboration et de soutien r�ciproques. Les r�glements sal�siens recommandent que l�on vise � former entre les �ducateurs une communion d�id�aux et d�int�r�ts, impr�gn�e de l�esprit �vang�lique de libert� et de charit�.

Les �ducateurs peuvent entretenir trois sortes de rapports:

1. Rapport de travail: c�est un rapport r�duit au strict minimum: la prestation d�un service en �change de la r�mun�ration correspondante.

2. Rapport professionnel: outre la prestation de service et la r�mun�ration, il existe un rapport d�amiti� et d��changes sur des sujets qui touchent au m�tier commun.

3. Rapport �vocationnel�: c�est le type de rapport sp�cifique des �ducateurs chr�tiens, similaire � celui qui unit les religieux en communaut� ou les pr�tres dans leur fonction pastorale.

Le rapport vocationnel est celui qui r�unit gr�ce � une vision de la vie et des valeurs identiques que l�on veut cultiver ensemble. Ce type de rapport est celui qui convient le mieux � un groupe d��ducateurs qui d�sirent mettre en oeuvre un projet �ducatif, dans la coh�rence et la progressivit�. En d�finitive, il est bas� sur la conviction qu�il existe un ensemble de valeurs que nous cultivons et une mission que nous accomplissons ensemble.

) Paul VI, Populorum Progressio, 5, 43, 80. 8

5. - L��GLISE FACE � LA CRISE ACTUELLE

La pens�e de l��glise sur le changement d��poque que nous vivons ne peut �tre appr�ci�e � sa juste mesure que dans une perspective nettement culturelle. C�est toujours l�horizon des cultures et des civilisations qui est �voqu� dans l�entreprise du d�veloppement des peuples et de tous les groupes humains.

L�expression-cl� de Paul VI dans l�Encyclique �Populorum Progressio� est celle-ci: �le d�veloppement int�gral de l�homme et le d�veloppement solidaire de l�humanit��. Ces deux aspects, l�individuel et le collectif, sont ins�parables: �le d�veloppement int�gral de l�homme ne peut �tre atteint hors du d�veloppement solidaire de l�humanit��. Il en va de l�avenir de la civilisation: �Dans cette marche, nous sommes tous solidaires... Ce qui est en jeu, c�est la survie de tous ces b�b�s innocents, l�acc�s � une condition digne de l�homme de tant de familles dans la pauvret�, la paix dans le monde, l�avenir de la civilisation�. L�essentiel du message est r�sum� dans ces mots: �Le d�veloppement ne se r�duit pas � une simple croissance �conomique; pour �tre vrai, il doit �tre int�gral, c�est-�-dire promouvoir tous les hommes et tout l�homme�.8 Il faut d�velopper en m�me temps la culture des personnes ais�es et celle des pauvres, celle des bienfaiteurs et celle des b�n�ficiaires, celle des nations riches et celle des pays qui aspirent � sortir de la mis�re. Telle est la signification la plus profonde de l�enseignement de l�Eglise concernant la justice et le d�veloppement; en d�finitive, c�est un appel � la fraternit� humaine. On n�atteindra pas un v�ritable d�veloppement sans promouvoir le dynamisme spirituel aussi bien des riches que des pauvres. Les citoyens des pays les plus riches doivent proc�der � une profonde r�vision de leur culture, pour apprendre � critiquer les valeurs de leur soci�t� de consommation et � se mettre � l��coute de leurs fr�res, de tous ceux qui sont dans le besoin et la mis�re. Chez les peuples �conomiquement pauvres qui veulent acc�der � la modernit�, il faut aussi des changements culturels, puisqu�ils devront accepter les valeurs de la soci�t� technique et industrielle, mais sans sacrifier l�essentiel de leurs traditions ancestrales.

On ne peut cependant opposer les exigences de la justice aux exigences de la culture, puisque l�oeuvre de justice est une des fonctions les plus hautes de l�humanisme. Il s�agit au sens propre d�une oeuvre de civilisation et d��l�vation de l�homme. Les besoins fondamentaux de l�homme ne sont pas seulement d�ordre physique et mat�riel; ils sont aussi d�ordre spirituel et culturel. L�homme a assur�ment le besoin vital de se nourrir, de jouir d�une bonne sant�, de trouver un endroit o� vivre en s�curit�; mais il a un besoin tout aussi vital de savoir, de comprendre le monde en mutation, d��tre respect� dans son identit� propre, pour pouvoir s�affirmer et grandir dans sa culture. Par cons�quent, l�homme aspire de toutes ses forces � satisfaire en m�me temps ses besoins essentiels de justice et de culture.

La r�flexion de l��glise sur les exigences de la justice dans le monde insiste � bon droit sur les relations r�ciproques concr�tes qui existent entre culture, �ducation, promotion du d�veloppement, lutte contre la faim, action pour la justice et pour la paix. Il s�agit, d�clarait Jean- Paul II � l�UNESCO en 1980, �d�un immense syst�me de vases communicants�. C�est pr�cis�ment au nom de la justice que l��glise refuse tous les humanismes ferm�s sur eux-m�mes, qui, au bout du compte, finissent par trahir l��tre humain.

5.1 - Racines culturelles et morales du sous-d�veloppement

L�analyse r�aliste des formes actuelles de sous-d�veloppement conduit � reconna�tre que les pauvret�s de notre temps ont leurs racines dans certains facteurs d�ordre politique et, finalement, dans un mal moral d� aux manquements et aux omissions de beaucoup de gens. Par cons�quent, il faudra agir au niveau du p�ch� social ou sur les structures de p�ch�, entendues comme la somme ou le r�sultat des manquements et des omissions d�une foule d�individus. L�objectif positif est de b�tir un avenir de l�humanit� plus digne pour tous, dans lequel le d�fi du d�veloppement se pr�sente comme un appel urgent � la fraternit� universelle, une r�alit� dynamique capable de red�finir le progr�s v�ritable � partir de l��tre authentique de l�homme. S�en tenir uniquement aux objectifs �conomiques ou � l�accumulation de biens mat�riels, comme le fait la globalisation en cours � qui a un urgent besoin d��tre humanis�e � c�est trahir la v�ritable finalit� du d�veloppement. Une profonde r�forme morale et culturelle s�impose, si nous voulons que le monde reste ma�tre de son destin commun. Les chr�tiens sont convaincus que dans la crise actuelle la lumi�re de l��vangile finira par transformer les cultures dominantes qui freinent, de fa�on aussi scandaleuse, les tentatives de promotion de tous et menacent l�avenir de l��tre humain dans le monde. Il faut en finir avec la culture de la soci�t� de consommation, avec les id�ologies oppressantes et aussi avec la simple r�signation en face de la mis�re des masses. Nous sommes appel�s, au contraire, � �tablir une culture de la solidarit� et de l�engagement efficace au service du bien commun de toute la famille humaine.

5.2 - Vers une nouvelle culture de la solidarit�

Il y a donc un appel �nergique � l�adresse de tous les peuples et de chacun pour susciter un mouvement indispensable de solidarit� humaine, capable de r�pondre efficacement aux devoirs urgents et graves du d�veloppement. C�est le seul moyen moral de promouvoir le d�veloppement int�gral de tous les hommes et de toutes les femmes de notre temps et d��difier une paix v�ritable. L�encyclique �Sollicitudo Rei Socialis� traduit cet objectif par l�expression �Opus solidaritatis pax�, la paix est le fruit de la solidarit�. Ce principe est r�affirm� par Jean-Paul II dans son intervention � l�occasion du premier anniversaire des �v�nements du 11 septembre 2001. �Le terrorisme est un fl�au qu�il faut combattre, mais il faut combattre aussi la pauvret� et l�injustice qui lui servent de terreau�. Le d�fi peut sembler humainement disproportionn�, mais l��glise ne doute pas de la force de l�amour et de la fraternit�, inspir�s de l��vangile. Il faut revenir � l�amour entre fr�res, dans l�esprit de la �civilisation de l�amour�.

Il faut agir au niveau des mentalit�s, des fa�ons de penser, de travailler, de faire de la politique et de concevoir la famille humaine. Les cultures elles-m�mes doivent changer pour que la justice puisse fonctionner, pour que les injustices soient combattues efficacement. Cette conception culturelle du d�veloppement est finalement la seule r�aliste, car elle seule fait appel au dynamisme le plus profond de nos soci�t�s et � la psychologie de nos contemporains.

�Aujourd�hui, nos probl�mes ne sont pas seulement politiques. Ce sont des probl�mes moraux (et culturels) qui touchent au sens de la vie. Nous avons cru que, tant qu�il y avait la croissance �conomique, nous pouvions rel�guer tout le reste dans la sph�re du priv�. Maintenant que la croissance �conomique commence � s�essouffler et que l��cologie morale est dans le chaos, nous commen�ons � comprendre que notre vie commune r�clame quelque chose de plus qu�une pr�occupation exclusive pour l�accumulation de biens mat�riels�. 9 � propos de cette interaction entre le domaine technico-�conomique et le domaine politique et culturel, un auteur d�clare: �Changer les mod�les sociaux, politiques et �conomiques sans changer le monde des symboles et des valeurs (la culture) rendra impossible toute r�forme de fond. En sens inverse, changer la culture sans tenir compte de l��conomique et du politique pourra se r�v�ler �galement trompeur. Nous vivons en fait dans une interaction de fonctions�.10 C�est seulement ainsi qu�on pourra r�aliser la n�cessaire int�gration du principe de l�anthropologie culturelle ��duquer par la culture� avec le principe �cr�er la culture par l��ducation�.

) R. BELLAH (et autres) H�bitos del coraz�n, Madrid, 1989, p.374. 9 ) C. DIAZ MARCOS, Evangelizar la cultura. R�le du christianisme dans la transformation 10 sociale. Santander, 1995, 7. ) Ndt. En fran�ais dans le texte. 11


6. - CONCLUSION Parler �d�inculturer l��ducation� n�est donc pas simplement une fa�on de parler anthropologique, p�dagogique ou pastorale, mais une �qualification indispensable de l��ducation et de l��cole�. L��ducation, en effet, se r�alise dans le contexte d�un peuple, au service duquel elle se place � l�int�rieur du processus d�humanisation de ce peuple. L��cole doit tenir compte de la r�alit� socioculturelle de ses destinataires et de l�ouverture � l�ensemble de l�humanit�.

Le but de l�inculturation n�est pas de sauvegarder des cultures traditionnelles, ni de cr�er des �apartheid� culturels ni non plus d�absolutiser dans l�abstrait une culture id�ale. Au contraire. Au milieu de la d�sunion qui frappe les peuples et de l��loignement croissant entre les nations, il est de faire de l��cole un instrument d�unit� dans la pluralit� et, gr�ce � cela, d�apporter dans le processus galopant que nous vivons et qui touche toutes les cultures, la lumi�re et la vie de l��vangile, pour que chaque culture puisse devenir, pour tout homme, un �habitat� digne de 11 l�homme et que la lumi�re qu�il rayonne ajoute � la splendeur du cosmos entier.

Don Pascual Ch�vez V., SDB
Alba (CN), 29 novembre 2002
Traduit de l�italien par L. Cl�ment
Tournai. No�l 2003