Le visage humain de la globalisation
Cher(e)s participant(e)s � la Rencontre R�gionale
sur l�exclusion, sur le th�me �L�attention aux
jeunes en situation � haut risque�.
Je remercie les organisateurs de m�avoir invit�. Dans l�impossibilit�
d��tre physiquement pr�sent
� cette rencontre, comme c��tait bien mon intention, je vous envoie
ce salut, qui est aussi un
message. Les milieux o� se vit l�exclusion sont un des secteurs qui
se sont le plus d�velopp�s
pendant ces six derni�res ann�es dans la R�gion; ils constituent certainement
la r�alit� la plus
actuelle et aussi la plus prometteuse proph�tiquement � cette �poque
de globalisation.
La globalisation comme �fait humain�
Jean-Paul II d�finit la globalisation comme un �fait humain�; comme
telle, elle n�est donc ni bonne
ni mauvaise; qu�elle soit bonne ou mauvaise d�pend de la finalit� au
service de laquelle on la met.
Mais il est certain que la globalisation produit une accumulation de
richesses au profit d�un petit
nombre (pays, classes sociales, individus) au prix d�un appauvrissement
croissant du plus grand
nombre.
Pour illustrer ce fait, il suffit de penser � l��cart terrifiant, scandaleux
et inhumain entre l�homme
le plus riche du monde (M. Bill Gates, dont la fortune personnelle est
estim�e � environ 60
milliards de dollars) et la personne la plus pauvre de la plan�te, celle
qui n�a absolument rien pour
vivre. Pour visualiser cette situation, nous pouvons invoquer la �Parabole
du Riche Ripailleur et
du Pauvre Lazare� (Lc 16, 19-31).
Bien entendu, ce tableau prend des dimensions dramatiques quand nous
comparons les pays les
plus riches, qui poss�dent tous les biens de la globalisation (les nouvelles
technologies
informatiques et t�l�matiques, la �new economy� - la nouvelle
�conomie - l�interp�n�tration des
cultures et ce qu�on a pris l�habitude d�appeler �la soci�t� de l�information�)
avec les pays dans
lesquels on doit lutter pour survivre, et qui accumulent toutes les
s�quelles de la pauvret�.
Nous pouvons affirmer � bon droit que ce qu�on a obtenu par ce mod�le
social, c�est la
globalisation de la pauvret�.
Le n�olib�ralisme et le visage in-humain de la globalisation
Il est certain que le mal de la globalisation peut �tre attribu� � son
mariage avec le n�olib�ralisme,
une forme de capitalisme sauvage, qui est en train d�en faire une version
raffin�e de colonialisme , 1
par lequel les nations puissantes, pouss�es par leur app�t du gain et
gr�ce au libre march�,
s�approprient les pays faibles, en les rendant toujours plus pauvres
et plus d�pendants.
) C�est un mouvement qui n�a pas encore de nom mais seulement une �tiquette:
on l�a 2
appel� �le peuple de Seattle�, par r�f�rence � la grande manifestation
de protestation qui s�est
d�roul�e dans cette ville contre la globalisation, � l�occasion d�une
r�union du FMI (Fonds Mon�taire
International). Ces protestations ont continu� � Davos lors d�une r�union
de l�Organisation Mondiale
du Commerce (OMC), � Barcelone lors de la r�union manqu�e de la Banque
Mondiale, � G�nes lors
de la r�union du G8, le groupe des 8 pays les plus riches du monde.
) Un personnage aussi peu suspect que l�ancien pr�sident du FMI, Michel
de Camdessus, a 3
d�clar�: �la pauvret� peut faire sauter tout le syst�me�.
) La Semaine Internationale, 9 juin 2001. 4
Nous sommes donc face � une globalisation dans laquelle la dimension
�conomique a fini par
absorber les autres dimensions: la culturelle, l��thique, l�anthropologique
et la politique, celles qui
pr�cis�ment repr�sentent le bon c�t� de la globalisation.
A l�heure actuelle, la globalisation pr�sente un visage inhumain et
injuste pour la simple raison
qu�elle d�s-humanise, en �tant � des millions de gens leur dignit� humaine,
en les privant des
conditions qui leur permettraient de vivre une vie digne de l�homme.
Comme toutes les sortes d�injustices, la globalisation fait du tort
� tous: � ceux qui la pilotent
parce qu�elle les rend in-humains (non-humains), et � ceux qui la subissent
parce qu�elle les d�shumanise.
Je pense au texte d�Isa�e d�crivant la passion du Serviteur de Yahv�:
�Comme il a terrifi� les
foules, d�figur�, m�connaissable, n�ayant plus rien d�humain�
(Is 52, 14). Pourvu qu�au moins,
comme dans le cantique du Proph�te, ce serviteur devienne un instrument
de salut!
Les protestations des organisations qui luttent contre la globalisation,
d�j� consid�r�es par les
sociologues comme le premier grand mouvement de contestation du 21 si�cle
, font voir que �me 2
la pauvret� a des limites et qu�elle peut se retourner contre ceux qui
la provoquent, ou
l�accroissent ou restent indiff�rents et inactifs en face d�elle . 3
Rien d��tonnant que, face � ces r�actions, on commence � parler maintenant
du �visage humain
de la globalisation�. Nous sommes convaincus que nous n�avons pas de
syst�me meilleur pour
l�instant, mais surtout que les protestations, violentes ou non, ne
r�solvent rien et que, par
cons�quent, il faut chercher des alternatives. Comme le d�clare l�ancien
pr�sident de la
Commission Europ�enne, Jacques Delors: �Se rebeller contre le d�s�quilibre
international actuel
est un droit sacrosaint. Mais ce n�est pas en cassant des vitrines que
l�on construit une alternative.
Il est temps de proposer quelque chose� . 4
C�est ce qu�il faut faire lors d�une rencontre comme la n�tre; dans
ce but, nous pouvons trouver
dans la Doctrine Sociale de l�Eglise des id�es que le Pape a expos�es
dans les orientations qu�il
a propos�es � ce sujet.
Donner un visage humain � la globalisation
C�est justement parce que la globalisation est un fait humain qu�elle
doit satisfaire aux principes
) Richard STENNET, cit� par Alejandro Llano dans �La otra cara de la
globalizaci�n� - 5
�L�autre visage de la globalisation�, (Journal espagnol El pa�s du 27
juin 2001).
) Jean-Paul II, qui ajoute: �L��tre humain doit toujours �tre une fin,
et jamais un moyen, un 6
sujet et non un objet, et encore moins un produit commercial�. Discours
� l�Acad�mie Pontificale de
Sciences Sociales, 27 avril 2001.
de la morale personnelle et sociale pour pouvoir �tre l�gitim�e, conform�ment
� cette affirmation
que �un r�gime qui ne fournit pas aux �tres humains une raison humaine
de s�occuper les uns des
autres ne peut conserver longtemps sa l�gitimit�� . 5
Le Saint P�re, � partir de la doctrine sociale de l�Eglise, a insist�
sur trois principes fondamentaux
:
1. - Globalisation des droits humains
Il est �vident que le premier principe qui doit gouverner la globalisation,
pour qu�elle cesse d��tre
une fin en soi � laquelle on sacrifie � comme � un dieu moloch � les
personnes et qu�elle devienne
un moyen de contribuer � l�humanisation du monde, �c�est la valeur de
la personne humaine,
source de tous les droits et de tout ordre social� . 6
Cela signifie qu�il faut prendre au s�rieux les droits des plus faibles
de la soci�t� et promouvoir
une culture de la vie plut�t que cette contre-culture dominante de la
mort.
A la globalisation de l��conomie doit correspondre la globalisation
des droits humains.
2. - Globalisation de la solidarit�
Le principe �nonc� ci-dessus nous am�ne n�cessairement � opposer � la
globalisation grandissante
de la pauvret� la globalisation de la solidarit�.
Elle signifie: donner la pr�f�rence aux exclus, aux plus pauvres, �
ceux qui n�ont pas la parole et
qui ne �comptent� pas dans les statistiques quand on mesure le volume
des exc�dents que l�on
n�arrive pas � int�grer dans le (d�s-)ordre �conomique actuel.
On ne peut pas rester indiff�rent devant l�appauvrissement de continents,
de pays, de banlieues.
A la globalisation de la pauvret�, il faut opposer la globalisation
de la solidarit�.
3. - Globalisation de la subsidiarit�
Enfin, dans un monde qui devient de plus en plus - d�une certaine fa�on
- un village global,
marqu� par sa tendance � uniformiser les cultures et gommer les diff�rences,
il est imp�ratif
d�emp�cher que la globalisation ne devienne �une nouvelle forme de colonialisme�.
Tout processus d�int�gration, comme celui qui sous-tend la globalisation,
sera r�ellement
b�n�fique quand il permettra de d�passer le monocentrisme culturel et
�conomique et qu�il
d�veloppera le polycentrisme culturel et la distribution des richesses.
A la globalisation par un Centre du pouvoir et celle des d�cisions doit
r�pondre la globalisation
de la subsidiarit�.
Sur la base de ces principes, nous pouvons cr�er des alternatives qui
rendent plus humain le visage
de la globalisation.
Il est indubitable que l�on doit proc�der � des r�formes structurelles
au niveau international et
r�diger un nouveau droit international. Il est indubitable que les grands
probl�mes
macrocosmiques doivent �tre r�solus dans le microcosme de notre vie
et de nos actions �ducatives
et pastorales. C�est l� que doivent germer et grandir les propositions
alternatives.
L�exp�rience de Don Bosco et le Syst�me Pr�ventif
Nous, Sal�siens, nous poss�dons dans l�histoire de la Congr�gation et
dans le Syst�me Pr�ventif
une grande richesse que nous pouvons et que nous devons exploiter pour
donner un visage
humain � la globalisation.
La r�ponse de Don Bosco � la r�volution industrielle de la fin du 19
si�cle n�a pas consist� en �me
un d�bat acad�mique, mais dans son inventivit� pastorale, qui l�a pouss�
� sortir dans les rues, �
accueillir les enfants et les jeunes qui arrivaient de la campagne et
se trouvaient expos�s au risque
d��tre exploit�s, � signer avec les patrons des contrats qui garantissaient
les droits de ces jeunes,
et, surtout, � leur offrir une exp�rience �ducative qui les aiderait
� r�ussir dans la vie.
A la suite de cet exemple lumineux, il y a aujourd�hui des centaines
de Sal�siens, de membres de
la Famille Sal�sienne, �ducateurs, p�dagogues, psychologues, volontaires,
qui travaillent en faveur
des enfants mis au travail, des adolescents soldats, des enfants victimes
du tourisme sexuel, des
enfants de la rue. Une fois de plus, ce ne sont pas les nombreux discours
et les protestations - bien
qu�utiles - qui sont la meilleure r�ponse aux probl�mes sociaux.
Le caract�re g�nial du Syst�me Pr�ventif est li�, en premier lieu, �
l�exp�rience spirituelle et
�ducative de Don Bosco. En effet, son choix fondamental fut celui d��duquer
la jeunesse pauvre,
abandonn�e et en danger.
L��l�ment le plus innovant est, sans doute, la place centrale donn�e
au jeune et l�effort fait pour
�viter qu�il fasse des exp�riences n�gatives qui pourraient mettre en
danger sa sant�, sa vie, sa
r�alisation comme personne humaine, son salut �ternel, et pour qu�il
puisse d�velopper toutes ses
dimensions lui permettant d�atteindre son �panouissement et son bonheur
dans le Christ.
Pour cette raison, Don Bosco se pr�occupait moins de la r�insertion
sociale des jeunes que de leur
�ducation, en essayant d��veiller les ressources int�rieures et de susciter
les �nergies pour le bien
que chaque jeune poss�de, m�me le plus fragile.
Appliquer le Syst�me Pr�ventif � l��re de la globalisation veut dire
r�affirmer l�option, plus que
jamais d�actualit�, pour les jeunes les plus pauvres, ceux qui sont
abandonn�s dans des situations
dangereuses, qui, malheureusement, se multiplient chaque jour � cause
du mod�le social dominant.
Il implique en outre de cr�er un style de relations - ce que Don Bosco
appelait �amorevolezza� -