LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR
PÈRE ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME
VIES PLEINES
Je pense que cest précisément ce qui nous importe le plus : sentir que notre vie est pleine. Cest une aspiration profondément humaine. En ce sens, je dois vous dire que je connais beaucoup de gens qui vivent et ont vécu une vie pleine. Et ils nous montrent le chemin du bonheur.
Je commence par vous raconter deux faits réels. Je crois quen raison de lâge significatif des personnages, ils méritent attention.
Au mois de mai dernier, après la célébration évocatrice de Marie Auxiliatrice à Turin-Valdocco, jai commencé ma visite aux œuvres salésiennes de Croatie. Je dois avouer que jai été fortement impressionné par la solidité des communautés chrétiennes que jy ai rencontrées, très impressionné aussi par les jeunes que jai rencontrés, des centaines de jeunes daujourdhui, modernes, hyper connectés, immergés dans le réseau numérique comme tous les jeunes du monde, mais vivant la foi chrétienne avec une force qui ma très profondément marqué.
Dans lune des maisons salésiennes, nous sommes arrivés à dix heures du soir. Nous y avons été accueillis avec la musique dune danse régionale caractéristique. Un groupe fourni denfants, dadolescents, de jeunes et de parents était là et nous attendait. Il y avait aussi toute la communauté salésienne avec un confrère salésien (dont je ne mentionne pas le nom pour ne pas le gêner) portant une vieille soutane semblant remonter à Don Bosco, et qui, à 92 ans, le visage souriant et serein, dansait et chantait avec les jeunes en nous attendant.
Le jour suivant, jai pu voir, à divers moments des différentes célébrations, que notre frère nonagénaire était acclamé par les jeunes qui lapplaudissaient, lappelaient; et lui souriait, heureux, au milieu deux. Et je pensais à la phrase de Don Bosco: « Je me sens bien ici avec vous ». Je me suis dit : voilà un Salésien qui a vécu et vit une vie pleine. Je nai pas dit une vie facile (« J’ai aussi souffert de la faim et de la dureté de la Seconde Guerre Mondiale », ma-t-il dit), mais il a vécu une vie pleine de sens et parfaitement heureuse de lessentiel.
«L’an prochain au Paradis»
Quelques jours plus tôt, à la fête du Valdocco, un autre Salésien de 94 ans était là avec moi. Vivre la fête de Marie Auxiliatrice au Valdocco a toujours été un cadeau inestimable pour lui, même si chaque fois, en plaisantant, il affirme : « Lan prochain, je serai déjà au Paradis! ». Mais cette année encore, nous avons pu célébrer cette merveilleuse journée ensemble. Eh bien ! Quel na pas été mon grand étonnement de le voir, avec ses 94 ans, ne pas arrêter de se proposer pour accompagner Salésiens et laïcs venus dArgentine pour visiter quelques lieux des plus significatifs de Turin, tel le Sanctuaire de la Consolata. Au retour, ils étaient fatigués, surtout lui, mais pendant plusieurs jours, il a partagé avec ces personnes la joie dêtre dans la maison de Don Bosco et de réaliser tout ce que cela signifie.
Je ne cessais de me demander : quest-ce qui donne cette force, cette motivation ? La réponse est simple et logique. Comme le chantait Bob Dylan : « The answer, my friend, is blowin’ in the wind : Écoute, mon ami, écoute dans le vent, écoute, la réponse est dans le vent! » Le vent de Don Bosco qui continue à souffler dans le cœur des Salésiens et gonfle les voiles de notre Famille. Le vent dun Esprit qui ne cessera jamais de nous donner du souffle… malgré les années qui passent.
Jajoute un dernier témoignage qui, selon moi, a un fort impact sur le monde entier. Le Pape François aura 82 ans en décembre prochain si Dieu veut; et son choix de vivre une vie simple, toute remplie dÉvangile, touche toutes les consciences. Il est moralement reconnu comme lhomme le plus influent dans le monde actuellement. Ses messages sont pleins de simplicité et dauthenticité, une invitation forte pour ceux qui souhaitent se laisser toucher et envahir par la force de Jésus. Voilà où se trouve la plénitude de ces vies et de beaucoup dautres encore.
Quand la force est l’amour
Ce sont des vies qui veulent se dépenser au service des autres, en se donnant avec amour. La vie de millions et de millions de mamans, de papas, de grands-parents qui trouvent une pleine satisfaction dans une vie donnée. Quand la force de la vie est lAmour, les efforts, les sacrifices, les fatigues, lanimation des jeunes pendant la nuit, ou les déambulations épuisantes à travers la ville au lieu daller se reposer ne pèsent pas et ne coûtent pas.
Jai été frappé et ému par une histoire qui a beaucoup à voir avec lamour ou linconfort des sacrifices. On raconte que dans un village africain est arrivé un touriste occidental habillé pour un safari, avec ses magnifiques caméras et autres appareils photos. Voilà quil aperçoit une fillette de 10 ans, toute menue, portant un bébé potelé sur son dos. Le touriste dit à la fillette : « Petite, ça ne te fatigue pas de porter un si lourd fardeau?» La fillette, avec beaucoup de bon sens et le cœur plein damour, répondit : « Ce nest pas un fardeau, monsieur, cest mon petit frère. »
Voilà la clé dune vie pleine, quel que soit le chemin où le Seigneur nous a appelés. Une vie pétrie damour : cest ainsi que nous désirons que soit la nôtre.