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DEUXIÈME
PARTIE :
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UN PROJET DE SAINTETÉ OFFERT AUX JEUNES
On
peut affirmer que Don Bosco n'a jamais écrit pour le plaisir d'écrire ni pour
le plaisir de se raconter lui-même. Les Mémoires de l'Oratoire ont été rédigés
tardivement, nous l'avons vu, sur ordre de Pie IX pour l'édification de ses
fils religieux. Mais, bien plus tôt, l'urgence pastorale lui avait fait prendre
la plume au profit de ses jeunes et des chrétiens des milieux populaires.
Le
tout premier de ses écrits, une biographie de son ami Comollo (1844), s'ouvrait
par ces mots caractéristiques : « Comme l'exemple des actions vertueuses vaut
beaucoup plus que n'importe quel élégant discours, il ne sera pas hors de
propos de vous présenter une notice historique sur la vie... etc. ». Et nous
savons qu'un des signets de son bréviaire portait cette phrase de saint Maxime
de Turin : « Validiora sunt exempla quam werba, et plus est opere docere quam
voce »:« Les exemples ont plus de force que les paroles ; et l'on enseigne mieux
avec des ceuvres qu'avec des discours » [1]. A cette
certitude le portaient à la fois son tempérament réaliste, sa tournure d'esprit
concrète, la psychologie de ses jeunes peu intéressés par les considérations
générales, mais tout yeux et tout oreilles devant qui leur proposait des
exemples vivants :« Un prince dans un /111/ livre
apprend mal son devoir... », à plus forte raison
les gamins de Turin ! Le Seigneur lui-même d'ailleurs semblait l'encourager
dans cette voie, en lui envoyant à Valdocco des
garçons d'une vertu exceptionnelle, tout indiqués pour être proposés aux autres
comme stimulants modèles.
Maître spirituel, Don Bosco l'a été en
premier lieu, par dessein providentiel, de
ses innombrables adolescents et jeunes gens du
patronage et du foyer de Valdocco [2].
Guidé par ses intuitions de psychologue, par sa capacité d'affection et de don,
par son sens pratique, mais tout autant par sa foi, par ses rêves, par ses
charismes d'envoyé de Dieu, il découvre et met au point une méthode de
formation chrétienne et une formule de sainteté pour ses jeunes. Et les résultats
viennent lui donner l'assurance que la voie choisie est valable : des saints
authentiques se lèvent entre les pauvres murs de son école, sur la cour de
récréation et dans l'humble chapelle Saint François de Sales [3].
Coup sur coup, en cinq ans (1859-1864), Don Bosco fait paraître, dans la collection
des Lectures Catholiques, trois
biographies d'adolescents de son Oratoire, qui toutes seront rééditées de son
vivant [4]. /112/
Ajoutons que cette période a une valeur
privilégiée dans l'expérience et dans la réflexion de Don Bosco. C'est l'âge
d'or de l'Oratoire, comme l'a noté Don Stella : « La décennie 1853-1863 est
celle où germent la plus grande ' partie de ses initiatives, certaines arrivant
déjà à leur pleine maturité ; le premier noyau de la Congrégation salésienne existe déjà. C'est la période où il écrit la plus grande partie des ceuvres
d'u~ certain souffle, où se perçoit son ceuvre personnelle d'écrivain... C'est l'âge d'or de son activité
directe d'éducateur... où il fut au contact permanent de ses jeunes, sur la
cour, dans le face à face des rencontres directes, au confessionnal, dans les
mots du soir où presque toujours s'instaurait un dialogue entre Don Bosco et
son public. C'est la décennie qui donne à Don Bosco Dominique Savio, Magon, Besucco, et plusieurs de ses
meilleurs collaborateurs : Cagliero, Bonetti, Barberis,
Berto, Cerruti... On commençait à bien savoir
désormais que l'Oratoire était l'objet de faveurs divines particulières » [5].
Ces réflexions suffisent à faire
comprendre pourquoi et comment Don Bosco a exprimé la substance de sa doctrine
spirituelle principalement à travers la présentation d'exemples vivants, et
au maximum à travers l'exemple vivant de jeunes qu'il avait lui-même conduit à
la sainteté. De ce point de vue, les trois biographies de Savio, Magon et Besucco ont un exceptionnel intérêt. -
Mais on ne saurait sous-estimer non plus
la valeur de l'un des instruments de formation que Don Bosco lui-même mit très
tôt entre les mains de ses garçons et dont Savio, Magon et Besucco imprégnèrent leur pensée et leur vie : le manuel Il Giovane
provveduto, rédigé et imprimé dès 1847, donc à peine réalisée
l'installation définitive à Valdocco. Il
peut /113/ servir
excellemment d'introduction aux vies de ces trois adolescents.
Et en conclusion, nous verrons que Don
Bosco ne se laissait nullement accaparer par les âmes d'élite, mais s'occupait
de tous et de chacun. Une autre série de textes nous permettra de faire un
dernier pas dans la présentation concrète de la sainteté à portée des jeunes.
Nous avons la chance de posséder des lettres de
Don Bosco à ses garçons, lettres individuelles ou lettres adressées à des
groupes. Evidemment, el les n'étaient pas
destinées à être publiées ! Nous y verrons le bon berger s'adapter à chacune de
ses brebis, la conduire au pas qui convient, lui offrir la nourriture qu'elle
attend. Rien de mieux pour illustrer cette conviction de Don Bosco que chaque
jeune est personnellement appelé à la sainteté.
/114/
I
LE GARÇON INSTRUIT DE LA PRATIQUE
DE SES DEVOIRS
DE PIÉTÉ CHRÉTIENNE [6]
Ce n'est pas seulement un manuel de
prières et de dévotion. Don Bosco a voulu en faire, comme il dit dans le prologue,
« une méthode de vie chrétienne », un vade mecum /115/ du
jeune chrétien qui y apprend à éclairer sa foi et à orienter sa conduite autant
qu'à prier et chanter la louange de Dieu. L'élément pour nous le plus
intéressant est que nous y voyons Don Bosco exposer sa
conception de la vie spirituelle du jeune chrétien.
Pour le rédiger Don Bosco, selon l'usage
admis à l'époque, a largement puisé dans la littérature antérieure et contemporaine
destinée aux jeunes, en particulier dans Charles Gobinet (1613-1690), recteur du collège Duplessis à Paris, éducateur connu, imprégné de l'esprit de saint
François de Sales, auteur d'une Instruction de la jeunesse
en la piété chrétienne, tirée de l'Ecriture Sainte
et des SS. Pères (Paris 1655), traduite et largement
diffusée en Piémont ; et aussi dans le Guide
angélique, instructions pratiques pour la jeunesse, par
un prêtre séculier milanais (Turin 1767), ouvrage luí-même
inspiré du précédent et du courant jésuite qui mettait en relief la figure de
saint Louis de Gonzague. Mais tout en puisant à ces
sources, Don Bosco a donné à son manuel sa profonde marque personnelle :
simplicité et vigueur du style, conception « salésienne » de la sainteté des
jeunes. Les lignes essentielles de sa pensée pourraient être exprimées ainsi :
1) Pas de vocation humaine sans la
perspective du salut. Nous sommes tous des sauvés
: le Dieu d'amour, en son Fils, nous appelle à sa propre vie
(c'est « la grâce »).
2) En conséquence : « Mes fils, nous
sommes faits pour la joie ! », certes pour la joie
éternelle, mais aussi pour une joie présente, offerte déjà aux enfants, aux
jeunes : précisément la joie de se sentir fils de Dieu et de pouvoir l'aimer activement.
Contrairement à ce que dit le monde, c'est le joug du péché qui est pesant et
le joug du Seigneur qui est léger.
3) Cette joie envahit tout l'être ; elle
peut et doit se vivre dans l'ordinaire de la vie. Elle s'entretient ou se
récupère par la communion eucharistique et par la confession sincère. La /116/ sainteté
est donc possible même aux jeunes ; mieux, elle est
facile, à portée de la main.
4) Dieu aime les jeunes d'un amour
particulier. Il est souverainement important de lui répondre au plus tôt, dès
sa jeunesse. Les trois vertus majeures à
travers lesquelles s'exprime ce don de soi sont l'amour de Dieu (auquel se lie
étroitement l'amour de Marie), l'obéissance inspirée par la confiance envers
les guides providentiels, et la pureté, sauvegarde concrète du caractère
spirituel de l'être, de la vie, et de la joie [7].
Ce programme, Don Bosco l'a vu
s'incarner dans la vie de centaines de ses garçons, devenus des hommes épanouis
par la grâce de Dieu.
Les extraits que nous présentons
proviennent de l'édition de 1863, la dernière dont nous soyons sûrs qu'elle
soit sortie entièrement de la main de Don Bosco. Dans les éditions suivantes,
en effet, sont intervenus des collaborateurs pour certains compléments.
24. Préface : « A la jeunesse ». Notre Dieu est le Dieu de la joie.
Il y a deux ruses principales dont se
sert habituellement le démon pour détourner les jeunes du sentier de la vertu.
La première, c'est de leur faire croire que le service du Seigneur les
condamnera nécessairement à une vie plutôt triste et privée de tout
divertissement et plaisir. Or ce n'est pas vrai, mes chers garçons. Je veux
vous enseigner une méthode de vie chrétienne qui puisse aussi vous rendre
joyeux et vous épanouir, vous indiquant où sont les divertissements et /117/ plaisirs
véritables, de sorte que vous puissiez dire avec le saint prophète David : «
Servons le Seigneur dans une sainte allégresse : servite Domino in laetitia ». Le petit livre que je vous
offre n'a pas d'autre but : vous apprendre à servir le Seigneur et à vivre dans
l'allégresse.
L'autre ruse, c'est de vous bercer de
l'illusion d'une longue vie, vous persuadant que vous aurez tout le temps de
vous convertir dans un âge plus avancé ou au moment de la mort. Mes fils très
chers, soyez sur vos gardes, car un grand nombre sont tombés dans ce piège. Qui
vous assure que vous aurez une longue vie ? Avez-vous signé un pacte avec la
mort pour qu'elle vous attende jusqu'à la vieillesse ? Vie et mort sont entre
les mains du Seigneur, qui en dispose à son gré.
Et même si Dieu vous accorde une longue
vie, écoutez l'avis important qu'il vous donne : la route que l'homme
entreprend durant sa jeunesse, il continue de la suivre jusqu'à la vieillesse
et jusqu'à la mort. Adolescens juxta viam suam etiam cum senuerit non recedet ab
ea (Prov 22,6). Ce
qui veut dire : si nous commençons à vivre selon le bien maintenant que nous
sommes jeunes, nous seront vertueux dans l'âge mûr, et nous arriverons à une
sainte mort, qui nous introduira dans une joie éternelle. Si au contraire nous
laissons le vice prendre possession de nous dès notre jeunesse, il est fort
probable qu'il continue de régner en nous dans toute la suite de notre vie
jusqu'à notre mort, qui alors deviendra le funeste prélude d'une éternité
malheureuse. Pour prévenir un si grand malheur, je vous offre ici une méthode
de vie courte et facile, mais apte à vous permettre de devenir la consolation de
vos parents, l'honneur de votre patrie, de bons citoyens sur cette terre en
attendant de devenir un jour d'heureux habitants du ciel [8]. /118/
Ce petit ouvrage est divisé en trois
parties. Dans la première vous trouverez ce que vous devez faire et ce que vous
devez éviter pour vivre en vrais chrétiens. Dans la seconde on a recueilli
quelques-unes des pratiques de dévotion habituellement en usage dans les
paroisses et les maisons d'éducation. La troisième contient l'office de la Sainte Vierge, les vêpres de l'année liturgique et l'office des défunts. A la fin de cette
partie vous trouverez aussi un exposé dialogué sur les fondements de notre
sainte religion catholique répondant aux besoins actuels [9].
Il est suivi d'un choix de cantiques.
Mes chers garçons, je vous aime de tout
mon coeur, et il suffit que vous soyiez jeunes pour que je vous donne toute mon affection. Je puis
vous assurer que vous pouvez trouver bien des livres écrits pour vous par des
personnes de loin plus vertueuses et plus savantes que moi ; mais difficilement
vous trouverez quelqu'un qui plus que moi vous aime /119/ en
Jésus Christ et qui désire davantage votre bonheur [10].
Le Seigneur soit donc toujours avec vous, et qu'avec sa grâce, mettant en
pratique ces quelques conseils, vous puissiez réaliser le salut de votre âme et
accroître ainsi la gloire de Dieu, but suprême de ce petit livre.
Vivez heureux, et que la sainte crainte
de Dieu soit votre richesse tout au long de votre vie.
Votre très affectionné en Jésus Christ
Jean Bosco, prêtre.
Ce qui est nécessaire à un jeune.pour devenir vertueux [11]
25. Art. II. Les adolescents sont grandement aimés de Dieu [12].
O mes chers fils, vous êtes tous créés
pour le Paradis, et Dieu, ce Père plein d'amour, éprouve une grande douleur
lorsqu'il est contraint d'envoyer quelqu'un en enfer. Ah ! /120/ combien
le Seigneur vous aime, et désire vous voir accomplir des oeuvres bonnes pour vous rendre ensuite participants de cet immense
bonheur qu'il a préparé pour tous dans le Paradis !
Bien persuadés, mes chers fils, que nous
sommes tous créés pour le Paradis, nous devons orienter chacune de nos actions
vers ce grand but. Pour nous y encourager, il y a la perspective de la
récompense qui nous est promise et du châtiment qui nous menace. Mais ce qui
doit bien davantage nous pousser à aimer Dieu et à le servir, c'est le grand
amour qu'il nous porte [13].
Bien sûr, il aime tous les hommes, qui sont l'ouvrage de ses mains, mais il
porte une affection toute spéciale aux adolescents, jusqu'à trouver en eux ses
délices : Deliciae meae esse cum filIIs
hominum /121/ (Prov 8,31). Oui, vous êtes les délices et l'amour de ce Dieu qui
vous a créés. Il vous aime parce que vous avez encore devant vous la
possibilité de faire tant d'oeuvres bonnes
! Il vous aime parce que vous êtes à un âge de simplicité, d'humilité,
d'innocence, non encore devenu, en général, la malheureuse proie de l'ennemi
infernal.
Le Sauveur lui-même a donné aussi des
marques de sa particulière bienveillance à l'égard des enfants. Il dit qu'il regarde
comme fait à lui-même tout le bien qu'on leur fait. Il a des menaces terribles
pour ceux qui les scandalisent par leurs paroles ou leurs actes. Voici ses
propres termes : « Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi,
il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule de moulin et
qu'on le précipitât au fond de la mer ». Il aimait être entouré par les
enfants, il les appelait à lui, les embrassait, leur donnait sa divine
bénédiction.
Puisque le Seigneur vous aime à ce point
à l'âge où vous êtes, quelle ne doit pas être votre ferme résolution de correspondre
à cet amour, en ayant soin de faire en toutes choses ce qui lui plaît et
d'éviter tout ce qui pourrait lui déplaire !
26. Art. IV. La première vertu d'un garçon est l'obéissance à
ses parents [14]
Comme un jeune arbre, même quand il est
planté dans la bonne terre d'un jardin, pousse de travers et finit mal s'il
n'est pas cultivé et en quelque sorte guidé jusqu'à ce qu'il ait /122/ atteint
un certain développement, de même vous, mes fils très chers, vous vous
tournerez sûrement vers le mal si vous ne vous laissez pas guider par ceux qui
sont chargés de votre éducation. Ces guides providentiels, vous les trouvez
dans la personne de vos parents et de ceux qui en tiennent la place, et vous
devez leur obéir avec exactitude. « Honore ton père et ta mère, et tu auras
longue vie sur cette terre », dit le Seigneur. En quoi consiste donc cet «
honneur » ? Il consiste dans l'obéissance, dans le respect et dans
l'assistance.
Dans l'obéissance : et donc lorsqu'ils
vous commandent quelque chose, faites-le promptement, sans vous faire prier, et
surtout n'imitez pas certains enfants qui haussent les épaules, secouent la
tête, ou ce qui est pire encore, répondent insolemment, faisant injure à leurs
parents et à Dieu même qui par eux commande telle ou telle chose. Bien que
notre Sauveur fût tout-puissant, il voulut néanmoins, pour nous enseigner
l'obéissance, être soumis en tout à la sainte Vierge et à saint Joseph et
exercer un humble métier d'artisan. Et c'est pour obéir encore à son Père
céleste qu'il mourut dans les douleurs de la croix.
Vous devez de même porter un grand
respect à votre père et à votre mère. Gardez-vous donc de rien faire sans leur /123/ permission,
de vous montrer impatients devant eux, ou de découvrir leurs défauts. Saint
Louis de Gonzague n'entreprenait rien sans une
permission de ses parents, et en leur absence il la demandait aux serviteurs de
la maison...
Vous devez encore assister vos parents
dans leurs besoins, soit en leur rendant à la maison les menus services dont
vous êtes capables, soit plus encore en leur remettant votre argent ou ce que
vous recevez, et en en faisant usage selon leurs conseils. C'est encore un
strict devoir, pour un jeune chrétien, de prier matin et soir pour ses parents,
afin que Dieu leur accorde tous les biens spirituels et temporels.
Ce que je vous dis ici de vos parents
s'applique aussi à vos éducateurs et à vos maîtres : d'eux aussi recevez de bon coeur, avec humilité et respect, les
enseignements, les conseils, les corrections, tenant pour sûr qu'ils n'ont en
vue que votre plus grand bien, et qu'en leur obéissant, c'est comme si vous
obéissiez à Jésus et à sa très sainte Mère.
J'ai encore deux choses à vous
recommander avec tout mon coeur. La
première est la sincérité envers vos supé•rieurs : ne cherchez pas à
dissimuler vos manquements derrière de fausses raisons, encore moins à les
nier. Dites toujours la vérité avec franchise ; car la fausseté nous rend fils
du démon, prince du mensonge, et quand la vérité viendra au jour, vous serez
regardés comme des menteurs et vous perdrez l'honneur devant vos supérieurs et
vos compagnons. En second lieu, je vous invite à prendre les conseils et
recommandations de vos supérieurs comme règle de votre vie et de votre
conduite. Heureux serez-vous si vous agissez ainsi ! Vos jours s'écouleront
dans la joie, vos actions seront accomplies comme elles doivent, et elles
édifieront le prochain. Je termine donc en vous disant : « Donnez-moi un garçon
obéissant, il est sur le chemin de la sainteté. Dans le cas contraire, il
marche sur une route qui le conduira à la perte de toutes les vertus ».
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27. Art. VI. Lecture et parole de Dieu
Outre le temps que vous donnez
habituellement à votre prière du matin et du soir, je vous exhorte à consacrer
aussi quelques instants à la lecture d'un livre qui traite de choses
spirituelles, par exemple le livre de l'Imitation de Jésus
Christ, l'Introduction à la vie dévote de
saint François de Sales, la Préparation à la mort de saint Alphonse, Jésus dans le ccpur du jeune chrétien, les vies des saints,
ou d'autres de ce genre [15].
Ce que vous lirez dans ces livres fera
un bien énorme à votre âme. Et votre mérite devant Dieu pourrait redoubler si
vous racontez à d'autres ce que vous avez lu, ou si vous en faites la lecture
devant eux, et plus encore en présence de ceux qui ne sauraient pas lire.
Notre corps, s'il est privé de
nourriture, s'affaiblit et meurt, et la même chose arrive à notre âme si nous
ne lui donnons pas sa nourriture. L'aliment de notre âme, c'est la parole de
Dieu, qui nous est distribuée dans les prédications, dans l'explication de l'Evangile, au catéchisme [16]. /125/ Soyez
donc très assidus à vous rendre au moment voulu à l'église, à vous y maintenir
dans la plus grande attention ; et songez à vous appliquer à vous-mêmes tout ce
qui peut vous convenir. D'autre part il est de grande importance que vous
veniez au catéchisme. Dire :« J'ai déjà passé l'examen pour la sainte communion
» ne vaudrait rien, car votre âme continue d'avoir besoin de nourriture
exactement comme votre corps ; si vous la privez de cet aliment, vous l'exposez
aux plus graves dommages.
Gardez-vous aussi de la ruse du démon
qui vous suggère : « Ce qui est dit va tout juste pour mon camarade Pierre,
cette autre leçon est faite pour Paul ». Non, mes amis, c'est à vous que
s'adresse le prédicateur, pensant que les vérités qu'il expose s'appliquent à
votre situation. Et si ce qui est dit n'est pas nécessaire pour vous corriger,
cela pourra servir à vous préserver de commettre quelque faute.
Quand donc vous avez entendu une
prédication, tâchez de vous en souvenir durant la journée ; et plus encore le
soir avant de vous coucher, arrêtez-vous un moment à réfléchir sur les choses
entendues. Votre âme tirera de là grand profit.
Enfin je vous recommande de faire tout
votre possible pour accomplir ces devoirs religieux dans vos paroisses, car
votre curé a reçu de Dieu à un titre particulier la charge de prendre soin de
votre âme [17].
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III
LETTRES A DES JEUNES
Dans les écrits précédents, Don Bosco
s'adressait à tous ses jeunes globalement, pour leur présenter l'idéal de sainteté
qu'il concevait pour eux, soit sous la forme théorique du Garçon
instruit, soit sous la forme concrète des trois bioeraphies. Mais ces biographies elles-mêmes attestent à quel point son
intervention d'éducateur, de père spirituel était individualisée. C'est même là lin des aspects les plus frappants de son action, et peut-être
son plus grand miracle : qu'il ait été assez détaché de soi et assez zélé au
milieu de la roule de ses adolescents pour trouver le temps, l'occasion et la façon
de regarder et de traiter chacun comme un être uni7ue, racheté
par le Christ, qui a sa vocation particulière et qu'il faut aider dans la découverte de sa personnalité et du Jessein secret de Dieu sur lui.
De cette attitude, nous avons la preuve
tangible dans les lettres qu'il
écrivit à de nombreux garçons, encore adolescents, ou
jeunes en âge de choisir leur avenir. Ils lui /205/ écrivaient en confiance, pour lui demander conseil, ou simplement pour
lui dire leur affection, et tout écrasé de besogne qu'il fût, toujours il
répondait. Ces correspondants se rangent facilement en deux catégories : les
uns étaient ses propres « fils » dans quelqu'une de ses maisons, étudiants ou
simples apprentis ; les autres appartenaient à l'une ou l'autre des familles
aisées où il recrutait ses bienfaiteurs. Tous, à ses yeux, étaient des fils de
Dieu à conduire sur le chemin de la vie temporelle et éternelle.
Mais il lui arrivait aussi, spécialement
aux périodes de fêtes (Nouvel-An, fête
de son saint patron..), quand l'abondance des occupations l'empêchait de
répondre en détail à la foule des lettres reçues, de formuler sa réponse de
façon collective aux garçons d'une maison, aux étudiants, aux apprentis, aux
élèves d'une classe... Mais même alors, le contexte lui étant bien connu, il
répondait d'une façon concrète et circonstanciée.
Nous retrouverons ici la doctrine
substantielle du saint éducateur. Mais ce qui transparaît le plus, c'est sa
propre sainteté vécue. La merveille des lettres,
c'est qu'elles nous livrent Don Bosco en acte de charité, d'une charité
auréolée de ses vertus les plus typiquement salésiennes : « l'amorevolezza »,
la confiance, la joie qui toujours encourage, la stimulation à l'effort, le
regard vers Dieu et son saint service... Tout cela, en un style vif, rapide,
nerveux.
Nous présentons dans l'ordre
chronologique les lettres individuelles, puis les lettres collectives,
utilisant l'édition en quatre volumes de Don E. Ceria, l'Epistolario, et plus d'une fois aussi ses
notes explicatives (voir l'Introduction, p. 27).
/206/
55. « Te souviens-tu du pacte que nous
avons conclu entre nous ? »
A un élève de troisième, fils de
l'avocat Roggeri de Sanfront, des environs de Turin. Ce pieux garçon avait dressé chez lui
un petit oratoire et invité Don Bosco à venir l'inaugurer. (Epist. I, 138).
Très cher Giuseppino,
Tu as bien fait de m'écrire : cela m'a
tant fait plaisir. Quand le petit oratoire sera en tout point terminé, je viendrai
y faire ma petite prédication, comme je l'ai promis, et à cette occasion nous
continuerons à parler de notre amitié et de nos affaires particulières. Te
souviens-tu du pacte que nous avons stipulé et conclu entre nous ? Etre des amis et nous unir tous les deux pour aimer Dieu d'un seul ceeur et d'une seule âme.
La joie que tu me dis éprouver à
t'occuper des choses saintes est un bon point ; cela veut dire que le Seigneur
t'aime bien, et que de ton côté tu dois t'empresser grandement de l'aimer. Cela
veut dire aussi une autre chose que je me réserve de te révéler à toi seul,
quand tu viendras à Turin. [1]
Je te serai grandement reconnaissant de
saluer papa et maman de ma part ; à monsieur le Vicaire tu donneras mon
bonjour, et à ton petit frère tu feras une caresse.
Que Dieu vous conserve tous en santé et
en grâce, et si tu veux rester mon ami, va réciter un Salve Regina à la Sainte Vierge pour moi, qui suis de tout coeur
Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre
Turin, 8 octobre 1856
/207/
56. « Prends courage. Fais-toi riche...
de la vraie richesse »
A Ottavio Pavia, jeune
garçon de Chieri, apprenti dans un atelier de
tailleurs, et ancien élève de l'Oratoire de Turin (Epist. I, 183-184).
Très cher Pavia,
J'ai reçu la lettre que tu m'as écrite,
et je te remercie du bon souvenir que tu gardes de nous. Prends courage ; faistoi riche ; mais rappelle-toi que la première richesse et la
seule vraie richesse est la sainte crainte de Dieu.
Sois attentif à tes devoirs, aie
confiance en tes patrons, aime-les et respecte-les.
Travaillons pour le paradis.
Que le Seigneur nous conserve toujours
dans le chemin de la vertu ; prie pour moi et crois-moi tout entier à toi.
Bosco G., prêtre
Turin, 29 janvier 1860.
57. Conseils à un élève de l'Oratoire en
vacances
De la maison de retraite de S. Ignazio-sur-Lanzo, Don Bosco répond à une lettre d'un élève de l'Oratoire, Stefano
Rossetti, de Montafia. Il
deviendra plus tard recteur du séminaire d'Asti
(Epist. I, 194)
Mon fils très aimé,
La lettre que tu m'as écrite m'a
vraiment fait plaisir. Tu y donnes la preuve que tu as compris quels sont mes /208/ sentiments à ton égard. Oui, mon cher, je t'aime de tout mon coeur, et mon amour me porte à faire tout ce que je peux pour te
faire progresser dans l'étude et dans la piété, et te guider sur le chemin du
ciel.
Rappelle-toi les nombreux avis que je
t'ai donnés en diverses circonstances. Sois joyeux, mais que ta joie soit authentique,
comme celle d'une conscience pure de tout péché. Etudie pour
devenir très riche, mais riche de vertu, et la plus grande richesse est la
sainte crainte de Dieu. Fuis les mauvais compagnons, sois l'ami des bons ;
remets-toi entre les mains de ton Archiprêtre, suis ses conseils et tout ira
bien.
Salue tes parents de ma part ; prie le
Seigneur pour moi, et tant que Dieu te maintient loin de moi, je le prie de te
garder toujours à lui, jusqu'au moment où tu seras de nouveau avec nous. En
attendant je suis avec une paternelle affection
Ton très affectionné Bosco Gio., prêtre.
S. Ignazio près
de Lanzo, 25 juillet 1860
58. Le petit marquis se prépare à sa
première communion
Nous citons ici l'une des très
nombreuses lettres envoyées par Don Bosco à l'un ou l'autre des membres de la
famille De Maistre, famille profondément
croyante et l'une des plus généreuses à son égard. Pendant son premier séjour à
Rome en 1858, il avait été l'hôte du comte Rodolphe, fils aîné de Joseph de Maistre, l'auteur des célèbres ouvrages Le
Pape et Les soirées de Saint-Pétersbourg.
Par la suite, il eut des contacts avec
toute sa nombreuses famille : cinq fils, parmi lesquels Emmanuel et Eugène, et
six filles, parmi lesquelles Marie, épouse du marquis turinais
Fassati et maman de deux fils auxquels Don Bosco se plaisait à écrire
: Azélie (qui /209/ épousera
le baron Ricci des Ferres) et Emmanuel. C'est à ce dernier, garçonnet d'une dizaine d'années, qu'est adressée la
lettre suivante. Il passe l'été à Montemagno, lieu
de villégiature de la famille Fassati, avec
un de ses cousins, le comte Stanislas Medolago, futur
sociologue catholique. (Epist. I,
209).
Cher Emmanuel,
Pendant que tu jouis de la campagne avec
ton cher Stanislas, je viens en compagnie de
maman [2] te rendre visite avec ce billet que je me fais un devoir de t'écrire.
Mon but est de te proposer un beau
projet, écoute bien. Ton âge et les études entreprises semblent suffisantes
pour te permettre d'être admis à la sainte communion. Je voudrais donc que la
prochaine Pâque soit pour toi ce grand jour de ta sainte première communion.
Qu'en dis-tu, cher Emmanuel ? Essaie d'en parler avec tes parents et tu entendras
leur avis. Mais je voudrais que tu commences dès à présent à te préparer, et
donc que tu sois particulièrement exemplaire à pratiquer :
1° L'obéissance exacte à tes parents et
à tes autres supérieurs, sans jamais faire opposition à n'importe lequel de
leurs ordres ;
2° La précision dans l'accomplissement
de tes devoirs, spécialement de ceux de l'école, sans jamais te faire gronder
pour les accomplir ;
3° Avoir en grande estime tout ce qui
touche à la piété. Et donc bien faire le signe de la sainte croix, prier à
genoux dans une attitude recueillie, assister exemplairement aux fonctions
d'église.
J'aurais grand plaisir à recevoir de toi
une réponse à ces propositions. Je te prie de saluer de ma part Azélie et Stanislas. Soyez tous joyeux dans le
Seigneur. /210/
Que Dieu vous bénisse tous ; priez pour
moi ; toi spécialement, ô cher Emmanuel, fais-moi honneur par ta bonne
conduite, et crois-moi toujours
Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre
Turin, 8 septembre 1861.
59. Un saint écrit à une petite fille
Souvent la petite marquise Azélie écrivait à Don Bosco au nom de sa maman, et Don Bosco
respectait cette aimable médiation. La marquise Marie Fassati préparait à Montemagno une
fête du Coeur de Marie pour le 8
septembre. Elle devait être précédée d'un triduum de
prédication qui servait d'exercices spirituels. A peine rentré de Lanzo S. Ignazio, Don Bosco fait savoir qu'il a trouvé le compagnon
prédicateur. Avec Emmanuel il utilisait le tutoiement. A vec
Azélie, même encore très jeune, il ne se le permet pas. (Epist. I, 232).
Très chère en Jésus et Marie,
Il est entendu avec le chanoine Galletti que nous allons à Montemagno en
l'honneur de Marie. Nous avons seulement besoin de savoir :
1° Quand commencent les prédications et
combien seront-elles,
2° Si l'usage est de prêcher en italien
ou en piémontais.
Je vous remercie beaucoup des heureuses
nouvelles que vous me donnez, regrettant de ne pouvoir écrire souvent. Je vous
recommande seulement d'être la consolation de papa et de maman et l'exemple
d'Emmanuel par votre conduite /211/ vraiment
chrétienne. L'ennemi des âmes voudra vous mettre à l'épreuve ; mais ne craignez
pas, obéissez, espérez en Jésus eucharistie et en Marie immaculée.
La bénédiction du Seigneur soit sur
vous, sur papa et maman et sur mon grand ami Emmanuel. Qu'ils prient aussi pour
moi, qui de tous me professe
Très obligé serviteur Bosco Gio, prêtre.
Turin, 15 août 1862.
60. « Les autres sont inquiets. Moi j'ai
confiance en toi »
L'expulsion des jésuites et d'autres
religieux enseignants ayant entraîné la fermeture de nombreux collèges du
Piémont, les familles nobles envoyèrent leurs fils étudier dans les collèges
religieux de la France voisine. C'est ainsi que le jeune marquis Emmanuel Fassati fut envoyé chez les jésuites de Mongré près de Lyon, le 1er octobre 1863 (voir Epist. 1, 282). Don Bosco ne cessa de le suivre de ses
encouragements affectueux (Epist. I,
398).
Cher Emmanuel,
Dans la chère lettre que tu as eu la
gentillesse de m'envoyer, tu me demandais si j'avais prié pour que la Sainte
Vierge t'accorde la bonne volonté et l'énergie pour étudier. Je l'ai fait
volontiers et de grand coeur pendant tout le mois de Marie.
Mais je ne sais pas si j'ai été exaucé. J'aimerais beaucoup le savoir, même si
j'ai des raisons de croire que oui. Papa, maman et Azélie vont bien ; souvent je les vois à cinq heures et demie du
soir et notre conversation en grande partie roule toujours sur toi. Les autres
sont toujours inquiets, craignant que tu ne puisses poursuivre dans tes études
et qu'ainsi tu ajoutes quelque affliction à celles nombreuses /212/ qu'ils
ont déjà eues cette année, comme tu le sais. Moi je les console toujours, m'appuyant
sur l'intelligence, la bonne volonté et les promesses d'Emmanuel. Est-ce que je
me trompe ? Je pense que non. Encore deux mois et puis quelle belle fête si tes
examens sont bien réussis ! Donc, cher Emmanuel, je continuerai à te
recommander au Seigneur. De ton côté fais un effort : fatigue, diligence,
soumission, obéissance, que tout soit mis en oeuvre pour
la réussite de tes examens.
Que Dieu te bénisse, cher Emmanuel ;
sois toujours la consolation de tes parents par ta bonne conduite ; prie aussi
pour moi qui suis de tout coeur.
Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre.
Turin, ler juin 1866.
Nous ajoutons ce paragraphe, conclusion
d'une lettre envoyée à Emmanuel, maintenant jeune homme, le 14 septembre 1868 (Epist. 1, 574).
Très cher Emmanuel,
Tu traverses l'âge le plus dangereux,
mais le plus beau de ta vie. Prends courage : le moindre sacrifice accompli au
temps de la jeunesse fait acquérir un trésor de gloire dans le ciel.
61. De Rome, il n'oublie pas Bernard, le
cordonnier
Deux brèves lettres envoyées par Don
Bosco alors qu'il se trouvait à Rome pour le concile du Vatican. Il trouve le
temps de répondre même à ses apprentis de Valdocco. Bernard
Musso, /213/ cordonnier, sera plus tard coadjuteur salésien et chef d'atelier à Buenos
Aires. Les deux lettres sont sans date, mais elles furent envoyées avec
d'autres en février 1870 (Epist. II,
78-79).
Mon très cher Musso,
J'ai reçu ta lettre et je comprends tout
ce que tu veux me dire. Sois tranquille: Je penserai à toi, toi de ton côté pense
à être exemplaire dans l'accomplissement de tes devoirs, spécialement pour
empêcher les mauvaises conversations parmi tes compagnons. Dieu fera le reste.
Salue ton maître d'atelier et tes
camarades ; bientôt je serai de nouveau avec vous. Priez pour
moi qui suis de tout coeur
Votre très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.
Mon cher Bernard Musso,
En ce moment j'ai grand besoin d'être
aidé par tes prières et celles de tes compagnons. Cherche-moi donc parmi tes
amis ceux qui désirent m'aider, et conduis-les chaque jour à l'autel de Jésus
eucharistie pour lui recommander mes besoins. Quand je serai de retour à Turin,
tu me présenteras ceux qui t'ont accompagné dans ces visites, et à tous je donnerai
un beau souvenir.
Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre
62. « Sois tranquille. Sois brave, Pour
le reste, j'y pense moi-même »
Encore deux brèves lettres, cette fois à
un élève de l'Oratoire, ensuite étudiant au collège de Lanzo. Augustin Anzini venait du canton du Tessin. Désireux de se faire salésien, mais hésitant pour /214/ raison
de santé, il avait confié à Don Bosco ses incertitudes. Les deux billets furent
écrits à un mois d'intervalle (Epist. II,
293 et 1104).
Très cher Anzini,
Sois tranquille. Quand nous pourrons
nous parler, nous arrangerons les choses de sorte qu'elles profitent pour le temps
et pour l'éternité. Joie, prière, sainte communion : voilà nos soutiens.
Que Dieu te bénisse, et prie pour moi
qui suis en J.C.
Ton ami très affectionné
Turin, 20-7-73. G.
Bosco, prêtre
Très cher Anzini,
Sois tranquille, lors des exercices
spirituels nous arrangerons tout. Occupe-toi seulement de devenir bon comme
saint Louis, pour le reste j'y penserai moi-même.
Que Dieu te bénisse. Crois-moi
Ton très affectionné en J.C. Turin, 22-8-73. G. Bosco, prêtre
63. « Franceschino, Don Bosco veut te servir de père »
Francesco Bonmartini était
fils unique de la comtesse Bonmartini-Mainardi de
Padoue, très pieuse veuve, coopératrice zélée et fille spirituelle de Don
Bosco. Nous conservons dix-sept lettres du saint, sept adressées à la comtesse,
deux à son fils et huit à son digne précepteur Don Tullio de Agostini (MB XV, 667-679). François, très cher à Don Bosco, suivait les
cours du petit séminaire de Padoue lorsque sa mère tomba très gravement malade (Epist. IV, 350).
/215/
Mon cher Franceschino.
Tu m'écris que les nouvelles de maman
sont très graves. J'en suis navré. Tous nos orphelins, dans toutes nos églises,
prient sans discontinuer pour elle.
Quoi qu'il arrive pour l'avenir, tu sais
que Don Bosco a promis à toi-même, à ta maman, à Don Tullio, qu'il veut te servir de père, spécialement quant à l'âme.
Pour toute éventualité, nous restons
proches l'un de l'autre.
Si ta maman se trouve en état de
comprendre, dis-lui que nous parlerons de nos affairés dans la bienheureuse
éternité.
Pour toi, pour Don Tullio, la chambre est prête.
Que Marie soit en toute chose notre
guide vers le paradis.
Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.
Turin, 15 décembre 1885.
Nous citons maintenant plusieurs lettres
envoyées collectivement aux garçons de l'Oratoire ou d'autres
maisons. Elles étaient lues et commentées au « mot du soir » et faisaient
grande impression sur les destinataires. Don Bosco d'une part ouvrait son ccpur plein d'affection, d'autre part distribuait conseils et avis,
utilisant plus d'une fois son don charismatique de vue à distance et de lecture
des consciences. Il est frappant de constater que souvent il se soit employé à
écrire de longues lettres.
/216/
64. « Mes chers fils, vous êtes mes
délices et ma consolation »
Lettre envoyée aux garçons
de l'Oratoire depuis S. Ignazio-surLanzo, où
Don Bosco était allé comme de coutume pour les exercices spirituels. Don Alasonatti était alors préfet de la maison
(Epist. I, 207).
Mes jeunes et fils très aimés,
La grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ
soit toujours avec vous !
Il y a seulement quelques jours que je
vis séparé de vous, ô mes fils très aimés, et il me semble que plusieurs mois
déjà se sont écoulés. Vous êtes vraiment mes délices et ma consolation, et il
me manque l'une et l'autre de ces deux choses lorsque je suis loin de vous.
Don Alasonatti m'a
fait savoir que vous priez pour moi et je vous en remercie. Moi aussi chaque
matin à la sainte messe, j'ai toujours recommandé de façon particulière vos âmes
au Seigneur. Mais je dois vous dire que la plus grande partie de mon temps, je
l'ai passée avec vous, observant en particulier et en général ce que vous êtes
en train de faire et de penser. Des choses particulières (et hélas il y en a
quelques-unes de graves) je parlerai à chacun selon l'opportunité à peine
rentré à la maison. Pour ce qui est des choses générales, je suis très content,
et vous avez de nombreuses raisons de l'être vous aussi. Il y a toutefois à
corriger un point de grande importance : la façon trop rapide dont vous récitez
ensemble vos prières. Si vous voulez faire une chose qui me soit agréable et
qui en même temps plaise au Seigneur et soit utile à vos âmes, efforcez-vous de
prier de façon ordonnée, en détachant les paroles et en en prononçant
entièrement les consonnes et les syllabes. Voilà ce que je vous propose, /217/ mes
bien-aimés, et ce que je désire ardemment voir réalisé lors de mon retour à la
maison.
D'ici trois jours je serai de nouveau au
milieu de vous et, avec l'aide du Seigneur, j'espère pouvoir vous raconter tant
de choses que j'ai vues, lues, entendues.
Que le Seigneur Dieu vous donne à tous
santé et grâce, et nous aide à former un seul coeur et
une seule âme pour l'aimer et le servir tous les jours de notre vie. Ainsi soit-il !
Votre ami très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.
De S. Ignazio, 23
juillet 1861
P.S. - Je
voudrais encore écrire une lettre à Don Turchi, à Rigamonti, à Placide Perucatti, à Bagnasacco, à Stassano et à Cugnolo, mais le temps me manque. Nous parlerons de vive voix.
65. « Marie, soyez pour nos étudiants le
siège de la vraie sagesse »
Peu de temps avant d'ouvrir la première
maison salésienne hors de Turin, le collège de Mirabello, Don Bosco s'en fut en pèlerinage au célèbre sanctuaire d'Oropa, dans la région montagneuse de Biella, pour recommander à la Vierge cette fondation. De làhaut il adressa cette lettre aux
étudiants restés cet été-là à l'Oratoire (Epist. I,
227).
Mes très chers fils étudiants,
Si vous vous trouviez, ô mes chers fils,
sur cette montagne, vous en seriez certainement émotionnés. Une grande
construction avec en son centre une église recueillie forme ce /218/ qu'on
appelle communément le Sanctuaire d'Oropa. Il
y a ici un va-et-vient continuel de pèlerins. Les uns remercient la Sainte Vierge pour des grâces obtenues, d'autres demandent d'être délivrés d'une maladie de
l'âme ou du corps, d'autres prient la Sainte Vierge de les aider à persévérer dans le bien, d'autres à faire une sainte mort. Jeunes et vieux, riches et
pauvres, paysans et seigneurs, gentilshommes, comtes, marquis, artisans,
marchands, hommes et femmes, bergers et étudiants de toute condition : on les
voit continuellement et en grand nombre s'approcher des sacrements de la confession
et de la communion et ensuite aller aux pieds d'une magnifique statue de Marie
pour implorer son céleste secours.
Mais au milieu de tant de gens, mon coeur éprouvait un vif regret. Lequel ? Celui de ne pas voir mes
chers étudiants. Oh oui, pourquoi ne puis-je avoir ici mes fils, les conduire
tous aux pieds de Marie, les lui offrir, les mettre tous sous sa puissante
protection, faire d'eux tous autant de Dominique Savio ou
de Louis de Gonzague ?
Pour donner réconfort à mon coeur, je suis allé devant l'autel miraculeux de Marie, et je lui ai
promis que, de retour à Turin, je ferais tout ce qui serait en mon pouvoir pour
faire pénétrer dans vos coeurs la dévotion à Marie, et en
vous recommandant à Elle je lui ai demandé pour vous ces grâces particulières :
« Marie, lui dis-je, bénissez notre maison tout entière, éloignez du coeur de nos jeunes jusqu'à l'ombre du péché ; soyez le guide des
étudiants, soyez pour eux le siège de la vraie sagesse. Qu'ils soient tous
vôtres, ,oujours vôtres ; regardez-les
toujours comme vos chers fils, et conservez-les toujours parmi ceux qui vous
sont dévoués ». Je crois que la Sainte Vierge m'aura exaucé, et i'espère que vous me donnerez votre aide pour que nous puissions
correspondre à la voix de Marie, à la grâce du Seigneur. /219/
Que la Sainte Vierge Marie me bénisse, qu'elle bénisse tous les prêtres, les abbés, et tous ceux qui
donnent leurs fatiguès à notre maison, qu'elle vous
bénisse tous. Que du ciel elle nous aide, et nous, nous ferons tous les efforts
nécessaires pour mériter sa sainte protection pendant la vie et à la mort.
Ainsi soit-il.
Votre ami très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.
Du Sanctuaire d'Oropa, 6 août 1863.
66. Don Bosco commente saint Paul à ses
apprentis
A la fin de 1873, Don Bosco s'était
rendu à Rome pour les dernières démarches en vue de l'approbation des
Constitutions. Il voulut adresser une lettre particulière au groupe des apprentis
de l'Oratoire et à leur aumônier-catéchiste Don Lazzero. C'est l'un des documents où
Don Bosco apparaît le plus clairement en son âme de « sauveur » des âmes « toutes rachetées par le sang précieux de J.C. ». La Compagnie de S. Joseph regroupait les apprentis plus
soucieux de maturité spirituelle (Epist. II,
339-340.)
Très cher Don Lazzero et mes très chers apprentis,
J'ai déjà écrit une lettre à tous mes
fils aimés de l'Oratoire. Toutefois, comme les apprentis sont la pupille de mes
yeux et comme en outre, j'ai demandé pour eux une bénédiction spéciale au Saint
Père, je pense vous faire plaisir en donnant satisfaction à mon coeur par une nouvelle lettre.
Que je vous porte une grande affection,
il n'est pas nécessaire que je vous le dise, je vous en ai donné des preuves
évidentes. Que de votre côté vous m'aimiez bien, je n'ai pas besoin que vous me
le disiez, vous me l'avez constamment démontré. Mais cette affection réciproque
entre nous, /220/ sur
quoi est-elle fondée ? Sur le portefeuille ? Pas sur le mien, car je l'ouvre
pour vous ; pas sur le vôtre, car, sans vous offenser, vous n'en avez pas.
Mon affection est donc fondée sur le
désir que j'ai de sauver vos âmes, qui ont toutes été rachetées par le sang précieux
de J.C. ; et
vous, vous m'aimez parce que je cherche à vous conduire sur la route du salut
éternel. Le bien de vos âmes : voilà donc le fondement de notre affection.
Mais, mes chers fils, chacun de vous
tient-il vraiment une conduite qui tende au salut de son âme, ou plutôt à sa
perte ? Si notre Divin Sauveur en ce moment même nous appelait à son tribunal
pour nous juger, nous trouverait-il tous préparés ? Résolutions prises et non
tenues, mauvais exemples donnés et non réparés, conversations qui enseignent le
mal aux autres : voilà des choses pour lesquelles nous devons craindre d'avoir
à subir des reproches.
Mais tandis que Jésus Christ pourrait
avec quelque raison nous faire de tels reproches, je suis aussi convaincu qu'un
grand nombre se présenteraient à lui avec la conscience pure et avec les
comptes de l'âme bien en ordre, et c'est là pour moi une consolation,
Quoi qu'il en soit, ô mes chers amis,
prenez courage ; moi je ne cesserai de prier pour vous, de travailler pour
vous, de me préoccuper de vous, et vous, vous me donnerez l'aide de votre bonne
volonté. Mettez en pratique ces paroles de saint Paul que je vous traduis :
« Exhorte les jeunes gens à la sobriété
; que jamais ils n'oublient qu'il est établi pour tous d'avoir à mourir et
qu'après la mort nous devrons tous nous présenter au tribunal de Jésus. Celui
qui ne souffre pas avec Jésus-Christ sur la terre ne peut être couronné de
gloire avec lui dans le ciel.
Fuyez le péché comme votre plus grand
ennemi, et fuyez la source du péché, c'est-à-dire les mauvaises conversations
qui sont la ruine des bonnes moeurs. Donnez-vous
le bon /221/ exemple
les uns aux autres en oeuvres comme en paroles, etc.,
etc. » [3] Don Lazzero vous dira le reste.
En attendant, ô mes chers, je me
recommande à votre charité, priez spécialement pour moi, et que les membres de
le Compagnie de S. Joseph, qui sont les plus fervents, fassent une sainte
communion pour moi.
Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous et qu'elle nous aide à persévérer
dans le bien jusqu'à la mort. Amen.
Votre ami très affectionné
Rome, 20 janvier 1874. G.
Bosco, prêtre
67. Voeux de bonne année aux chers fils de Mirabello
Outre l'Oratoire de Turin, les maisons
qui eurent le privilège de recevoir des lettres « intimes » de Don Bosco furent
le petit séminaire de Mirabello (diocèse
de Casale) pris en charge le 2 octobre
1863 par un directeur de vingt-six ans, Michel Rua, et le collège de Lanzo,
ouvert en octobre 1864 sous la direction de Don Ruffino, terrassé par la mort au bout d'une année et remplacé par Don Lemoyne. Ces
deux maisons furent comme un champ d'expérience pour toutes celles qui devaient
suivre et des pépinières de vocations sacerdotales et salésiennes. On comprend
que Don Bosco les ait entourées de soins particuliers.
Quinze mois après l'ouverture de Mirabello, après déjà plusieurs visites et un échange de correspondance,
Don Bosco envoie à ses fils cette lettre de vceux pour la nouvelle année (Epist. I,
331-332). /222/
Mes chers fils de Mirabello,
La gentillesse et les marques
d'affection filiale que vous m'avez manifestées lorsque j'ai eu la grande joie
de vous rendre visite, les lettres, les salutations que plusieurs d'entre vous m'ont
envoyées et que je conserverai comme un beau souvenir, m'invitaient à revenir
dès que possible m'entretenir un peu avec vous, ô mes fils très aimés.
Jusqu'ici je n'ai pas pu satisfaire ce désir, mais je le satisferai d'ici peu.
En attendant, pour contenter en partie les sentiments de mon coeur, j'ai pensé vous écrire une lettre, qui sera l'annonce de ma
venue chez vous.
Mais que vaut une lettre pour exprimer
tant de choses que je voudrais vous dire ? Je m'en tiendrai à dire les choses
en abrégé.
Je vous dirai donc que je vous remercie
de toutes les marques d'amitié que vous m'avez données et de la confiance que
vous m'avez témoignée en cette belle journée passée à Mirabello. Vos cris, vos vivats, votre geste de me baiser ou de me
serrer la main, votre sourire cordial, le fait de nous parler d'âme à âme, ou
de nous encourager réciproquement au bien : ce sont là choses qui m'ont embaumé
le coeur, et pour un peu, je ne puis y
penser sans me sentir remué jusqu'aux larmes.
Aussi, par la pensée, je vais souvent au
milieu de vous et je jouis de voir le grand nombre de ceux qui s'approchent
fréquemment de la sainte communion... Je vous dirai encore que vous êtes la
pupille de mes yeux et que chaque jour je fais mémoire de vous à la sainte
messe, et je demande à Dieu de vous conserver en santé et en grâce, de vous
faire progresser dans la science, que vous puissiez être la consolation de vos
parents et les délices de Don Bosco qui vous aime tant. /223/
Et comme étrenne, que vous donnera Don
Bosco ? Trois choses très importantes : un avis, un conseil, un moyen.
Un avis. Fuyez, ô mes chers, tout péché
d'immodestie ; les actes, pensées, regards, désirs, paroles, discours contraires
au sixième commandement, qu'on n'ait même pas à en parler parmi vous, comme dit
saint Paul.
Un conseil. Conservez avec la plus
grande jalousie, la belle, la sublime, la reine des vertus, la sainte vertu de
la pureté.
Un • moyen. Un moyen très efficace pour
terrasser et vaincre avec sûreté l'ennemi et vous assurer de conserver cette vertu,
c'est la communion fréquente, mais faite avec les dispositions voulues.
Je voudrais ici vous en dire plus que ne
comporte une lettre ; je recommande seulement à Don Rua de me faire ce plaisir
: vous commenter, en trois brèves instructions ou réflexions chacun de ces
points.
Et pour finir, ô mes chers, je vous
dirai que je vous porte une grande affection, que je désire tellement vous
revoir, et cela arrivera bientôt. Je veux que vous me donniez tous votre coeur,
afin que chaque jour je puisse l'offrir à Jésus dans le très saint sacrement
pendant que je célèbre la messe. J'irai vous revoir avec un grand désir de
parler à chacun des choses de l'âme, et à chacun je dirai trois choses : une
sur le passé, l'autre sur le présent, la troisième sur l'avenir.
Que la Sainte Vierge nous conserve tous à elle, toujours à elle ; et que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous. Amen.
Et vive mes chers fils de Mirabello !
Votre ami très affectionné en J.-C. Bosco Gio., prêtre.
Turin, 30 déc. 1864.
/224/
P.S. - Je
souhaite courage, patience et support au directeur, préfet, maîtres,
assistants, domestiques, au cher papa Provera et
à toute sa famille, à maman Rua, à mon petit ami Meliga, à Chiastellardo, au cher Ossella qui m'a écrit une belle lettre, etc.
68. « Je
vais chez vous comme père, ami et frère »
La lettre est sans date. Le contexte la
situe au début de juillet 1867 (Don Bosco se rendit à Mirabello le mardi 9). Elle était accompagnée d'une liste de noms de
garçons ayant besoin d'être rappelés à l'ordre par le directeur (Epist. I, 482-483)
A mes chers fils de Mirabello,
J'ai remis à plus tard, ô mes fils
aimés, la visite que je vous avais promise ; mais ce que je regrette surtout
c'est de ne pas même avoir pu aller célébrer avec vous la fête de saint Louis.
J'étudie en ce moment la façon de compenser ce retard en prolongeant mon séjour
parmi vous. Mardi soir, s'il plaît à Dieu, en fin de soirée, je serai à Mirabello.
Mais pourquoi vous prévenir ? Ne
suffit-il pas que je vienne comme d'habitude ? Non, mes chers, ça ne suffit
pas. J'ai besoin de vous parler en public pour vous raconter certaines choses,
qui, je le sais, vous feront plaisir ; de vous parler en privé de choses plutôt
désagréables, mais qu'il est nécessaire que vous sachiez ; de vous parler aussi
à l'oreille pour briser les cornes du démon qui voudrait devenir le maître et
patron de quelques-uns d'entre vous.
J'inclus ici une liste que, au cours
d'une visite faite tout récemment [4] j'ai pu établir de quelques-uns qui ont /225/ besoin
d'être spécialement prévenus et je prie votre directeur de vouloir leur dire de
ma part que j'ai grand besoin de parler à leitr âme,
à leur coeur, à leur conscience ; mais ce
besoin, je l'éprouve uniquement pour faire du bien à leurs âmes.
Du reste, je vous dis aussi que, dans
les fréquentes visites que je vous fais, j'ai vu des choses qui me donnent
grande consolation, spécialement ceux qui fréquentent la sainte communion et
accomplissent leurs devoirs de façon exemplaire. J'ai aussi noté de petites
négligences chez certains, mais de cela je ne fais pas grand cas.
Avec tout cela, ne vous faites aucune
sorte de souci. Je vais parmi vous comme père, comme ami et comme frère.
Remettez seulement votre coeur en mes mains pour quelques instants,
ensuite vous serez tous contents. Vous, vous serez contents pour la paix et la
grâce du Seigneur dont votre âme certainement aura été enrichie ; et moi, je
serai content de la grande et désirable consolation de vous voir tous en amitié
avec Dieu votre créateur.
Mais tout cela, c'est pour l'âme ; et
pour le corps il n'y a rien ? Sûrement, après que nous aurons donné à l'âme ce
qui lui convient, nous ne laisserons pas le corps à jeun. Dès à présent je
recommande au préfet de donner les ordres opportuns pour passer une belle
journée, et si le temps le permet pour faire aussi une promenade tous ensemble.
Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous ; et que la sainte Vierge vous fasse
tous riches de la vraie richesse qui est la sainte crainte de Dieu. Amen.
Priez pour moi qui suis de tout coeur
Votre très affectionné en J.-C. Gio. Bosco, prêtre.
/226/
69. A la
maisonnée de Lanzo : un programme pour l'année nouvelle
Non moins grande était l'affection
mutuelle entre le père et ses fils du collège de Lanzo. Nous possédons une
dizaine de lettres que leur adressa Don Bosco. Celle-ci fut envoyée à toute la
maisonnée au début de 1875. Comme celles citées précédemment, elle mêle les effusions
cordiales et les conseils pratiques (Epist. II,
436-438).
A mes très chers fils, directeur, assistants,
préfet, catéchiste, élèves et autres du collège de Lanzo.
La grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous. Amen.
Jusqu'à présent, mes fils très aimés, je
n'ai pu satisfaire un vif désir de mon cceur : celui de vous rendre visite. Une série continue d'occupations
compliquées et quelque léger malaise de santé m'en ont empêché.
Mais je veux vous dire une chose que
vous aurez peine à croire : plusieurs fois par jour je pense à vous, et chaque
matin à la sainte messe je vous recommande tous de façon particulière au
Seigneur. De votre côté vous me donnez des signes bien clairs que vous vous
souvenez de moi. Oh ! avec quel plaisir j'ai lu votre lettre de voeux ; avec quel plaisir
j'ai lu le prénom et le nom de chaque élève, de chaque classe, du premier au dernier
du collège ! J'avais l'impression de me trouver au milieu de vous, et dans mon coeur, j'ai répété plusieurs fois : Vive mes fils de Lanzo !
Je commence donc par vous remercier
tous, et de tout coeur, des vceux si chrétiens que vous me faites, et je prie Dieu de les
reverser au centuple sur vous et sur tous vos parents et amis. Oui ! Que Dieu
vous conserve tous en de longues années de vie heureuse ! Mais pour en venir à
des voeux plus précis, je demande pour
vous au ciel, santé, études, bonne conduite. /227/
Santé. Elle
est un don précieux du ciel, ayez-en soin. Gardez-vous de toute intempérance,
veillez à ne pas trop suer, à ne pas trop vous fatiguer, attention au passage
subit du chaud au froid. C'est ainsi que naissent le plus souvent les maladies.
Etude. Vous êtes
au collège pour acquérir un ensemble de connaissances grâce auxquelles vous
pourrez plus tard gagner le pain de votre vie. Quelle que soit votre condition,
votre vocation, votre future situation, vous devez faire en sorte que, même
venant à vous manquer toutes les ressources de votre famille, vous soyiez capables de gagner honnêtement votre subsistance. Qu'il ne
soit jamais dit de nous que nous vivons des sueurs d'autrui !
Bonne conduite. Le
bien qui unit ensemble la santé et l'étude, le fondement sur lequel elles
reposent, c'est la bonne conduite. Croyez-moi, mes chers fils, je vous dis là
une grande vérité : si vous persévérez dans une bonne conduite morale, vous
progresserez en santé et dans l'étude, vous serez aimés de vos supérieurs, de
vos compagnons, de vos amis et des gens de votre pays. Mais il en va tout autrement
pour ceux qui se laissent aller à la mauvaise conduite...
Courage donc, ô mes chers fils : mettez
tout votre soin à chercher, à étudier, à conserver et à développer ces trois
grands trésors : la santé, l'étude, la bonne conduite.
Une chose encore. J'entends une voix qui
vient de loin et crie :« O chers fils, ô élèves de Lanzo, venez nous sauver !»
Ce sont les voix de tant d'âmes qui attendent qu'une main secourable vienne les
écarter du seuil de la perdition pour les mettre sur le chemin du salut. Si je
vous dis cela, c'est que plusieurs d'entre vous sont appelés au sacerdoce, à la
conquête des âmes. Prenez courage ! Ils sont nombreux /228/ ceux
qui vous attendent. Rappelez-vous les paroles de saint Augustin : Animam salvasti, animam tuam proedestinasti[5].
Finalement, ô mes fils, je vous
recommande votre directeur [6].
Je sais qu'il n'est pas en très bonne santé ; priez pour lui, consolez-le par
votre bonne conduite, aimez-le, ayez envers lui une confiance sans limites.
Tout cela sera pour lui de grand réconfort, et pour vous de grand avantage.
Tandis que je vous assure que chaque
jour je vous recommande durant la sainte messe, je me recommande moi aussi à
vos prières, afin qu'il ne m'arrive pas le malheur de prêcher pour sauver les
autres et d'avoir ensuite à perdre ma pauvre âme. Ne cum alüs
praedicaverim, ego reprobus efficiar [7].
Que Dieu vous bénisse tous, et
croyez-moi en J.C.
Votre ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.
Turin, veille de l'Epiphanie 1875
70. « Vous
m'avez volé ce pauvre coeur »
Une année plus tard, Don Bosco répond de
nouveau aux vceux que lui ont envoyés ses fils
de Lanzo. En lisant cette lettre on pensera peut-être à celles qu'un saint Paul
écrivait aux Galates, ses « petits enfants » (4,
19), ou aux Philippiens, ses « frères bienaimés et tant désirés »(4,1). (Epist. III,
5). /229/
Mes chers amis, directeur, maîtres,
professeurs, élèves.
Laissez-moi vous le dire, et que
personne ne s'offense, vous êtes tous des voleurs. Je le dis et le répète, vous
m'avez tout pris.
Quand je suis allé à Lanzo, vous m'avez
enchanté par votre bienveillance et votre affabilité, vous avez captivé les
facultés de mon esprit par votre piété. Il me restait encore ce pauvre coeur, dont déjà vous m'aviez volé les affections en entier. Or
votre lettre signée par 200 mains amies et très chères ont pris possession
(sic) de tout ce coeur, dont il n'est plus rien
resté, sinon un vif désir de vous aimer dans le Seigneur, de vous faire du
bien, de sauver vos âmes à tous.
Ce généreux mouvement d'affection
m'invite à me rendre le plus vite possible chez vous pour une nouvelle visite,
qui je l'espère ne sera que peu retardée. En cette occasion, je veux que nous soyions joyeux d'âme et de corps, et que nous fassions voir au monde
combien on peut être joyeux d'âme et de corps sans offenser le Seigneur.
Je vous remercie donc très cordialement
de tout ce que vous avez fait pour moi. Je ne manquerai pas de faire mémoire de
vous chaque jour à la sainte messe, priant la Divine Bonté de vous accorder la santé pour étudier, la force pour combattre les tentations
et la grâce très précieuse de vivre et de mourir dans la paix du Seigneur.
Une proposition. Le 15 de ce mois, jour
consacré à saint Maurice, je célébrerai la messe à votre intention ; et vous,
me ferez-vous la charité de faire en ce jour-là la sainte communion pour que
moi aussi je puisse aller avec vous au paradis ?
Que Dieu vous bénisse tous, et
croyez-moi toujours en J.C.
Votre ami très affectionné
Turin, 3 janvier 1876 Gio. Bosco, prêtre.
/230/
71. Ceux d'Amérique aussi sont des fils
très chers.
Le départ des premiers missionnaires le
11 novembre 1875 allait permettre à la paternité de Don Bosco de s'élargir
jusqu'aux confins de l'Amérique latine. Là-bas aussi, il trouve des fils très
aimés, lesquels, comme ceux d'Italie, lui écrivent, surtout à l'occasion de sa
fête. Il répond aux garçons du collège de S. Nicolas-delos-Arroyos, en Argentine (voir Epist. III, 69), et à ceux du collège Pie XI de Villa Colón, près
de Montevideo en Uruguay, ouvert par Don Lasagna en
décembre 1876. C'est cette dernière lettre que nous citons ; elle est écrite de
Marseille, où Don Bosco a accompagné l'archevêque de Buenos Aires, Mons. Aneyros, venu à Rome età Turin
et de retour en Argentine (Epist. III, 200-201).
Mes fils très aimés,
O mes fils très aimés, vous ne pouvez
imaginer la grande consolation que m'a apportée votre lettre pour le jour de ma
fête. Ce jour-là mes fils de Montevideo, de Buenos-Aires, de
S. Nicolas formaient un seul coeur et
une seule âme avec ceux de France, de Rome, du Piémont, de Suisse, de Trente,
et tous manifestaient leurs sentiments d'affection à un père qui les bénissait,
et qui priait Dieu de les conserver tous persévérants sur le chemin du ciel.
Je vous remercie donc de cette marque de
grande bienveillance que vous m'avez manifestée ; et pour montrer ma paternelle
consolation je me suis présenté au Souverain Pontife Pie IX, je lui parlai de
Villa Colón qu'il se souvient très bien d'avoir vue [8]. Je lui demandai une
bénédiction apostolique spéciale sur vous et sur tous vos parents jusqu'au
troisième degré avec indulgence plénière au moment de la mort. /231/
« Très volontiers, répondit le Pontife
avec affection : que Dieu bénisse les jeunes élèves de Villa Colón, qu'il
bénisse leurs parents, qu'il fasse d'eux tous de fervents catholiques. Que les
pères et les fils deviennent très riches, très riches, mais de la vraie
richesse qu'est la vertu, la sainte crainte de Dieu ».
Il se tourna alors vers moi et me dit :
« Ecrivez-leur et dites-leur d'en donner
communication à leurs familles ».
Pour ma part, ô mes chers fils, je brûle
du désir de vous rendre visite. Priez pour que je puisse apaiser bien vite ce
désir ; ou alors venez vous-mêmes me voir ici à Turin où la maison vous est
déjà préparée. -
En attendant, je vous prie de m'écrire,
bien librement : 1° Etes-vous vraiment bons ? 2°
M'écrirez-vous d'autres lettres longues longues ? 3° Vous ferez-vous tous
missionnaires ? 4° Vous ferez-vous tous saints ? Répondez-moi, et vous me ferez
un vrai cadeau.
Au jour de Ste Rose[9] je célébrerai pour vous la
sainte messe, et vous, vous ferez la sainte communion à mon intention. Et ceux
qui ne le peuvent me feront la charité d'un Pater, Ave et Gloria devant
le Saint-Sacrement.
Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous. Amen.
Votre ami très affectionné
Marseille, 16 juillet 1877. Gio. Bosco, prêtre.
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